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Vices cachés et recours du constructeur : la prescription démarre à l’assignation

Le 13 juin 2025
Vices cachés et recours du constructeur : la prescription démarre à l’assignation
vice caché – action récursoire – prescription biennale – article 1648 code civil – constructeur – fournisseur – responsabilité contractuelle – garantie des matériaux – point de départ prescription – jurisprudence Cassation 2025 – SMABTP – Zurich Insurance

1. Résumé succinct

Contexte :

L’OPH Alcéane avait confié à la société Cobeima la réhabilitation de logements, notamment le bardage. Des désordres étant apparus, l’assureur SMABTP a indemnisé le maître d’ouvrage et a ensuite agi, aux côtés de Cobeima, contre le fournisseur de chevrons (Bois et matériaux) et son assureur (Zurich) pour vices cachés.

Impact principal :

La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Rouen (24 mai 2023), qui avait déclaré forclose cette action. Elle affirme que, dans ce type de recours exercé par un constructeur (ou son assureur) contre un fournisseur pour vices cachés, le délai de prescription ne court ni à la date de la découverte du vice, ni à celle de l’expertise amiable, mais à partir de l’assignation en responsabilité, ou, à défaut, à l’exécution de l’obligation de réparation.

Cass. civ. 3e, 28 mai 2025, n° 23-18.781.

2. Analyse détaillée

Les faits

L’OPH Alcéane a confié à Cobeima (assurée par la SMABTP) la réalisation de travaux de bardage. Cette dernière s’est approvisionnée en chevrons auprès de Bois et matériaux, assurée par Zurich.

Après réception, des désordres ont été constatés sur les panneaux de bardage. L’assurance dommages-ouvrage (SMABTP) a été activée et a indemnisé Alcéane en décembre 2021.

La procédure

Le 20 et 25 mai 2020, SMABTP et Cobeima ont assigné le fournisseur et son assureur en garantie des vices cachés. Les défenderesses ont opposé la prescription prévue à l’article 1648 du Code civil. La cour d’appel de Rouen leur a donné raison, considérant que le délai avait commencé à courir au plus tard le 25 juillet 2017, date du rapport du cabinet Steen, et que l’action engagée en mai 2020 était donc forclose.

Contenu de la décision

Arguments des parties

SMABTP soutenait que le délai de prescription ne pouvait courir qu’à compter de l’assignation en responsabilité ou du paiement de l’indemnité, en l’absence d’assignation préalable.
Bois et matériaux et Zurich opposaient la connaissance ancienne du vice par Cobeima et SMABTP (juillet 2017), pour conclure à la forclusion.

Raisonnement de la Cour de cassation

La Cour rappelle que :

La prescription de l’action en garantie des vices cachés est de deux ans à compter de la découverte du vice (art. 1648, al. 1er C. civ.).
Toutefois, dans le cas d’un recours récursoire, ce délai ne commence à courir qu’à compter de l’assignation du constructeur en responsabilité, ou, à défaut, de l’exécution de son obligation à réparation.
Elle applique ici ce raisonnement à la lettre et casse l’arrêt pour violation de l’article 1648 C. civ.

Solution retenue

La Cour casse partiellement l’arrêt, jugeant l’action recevable, et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Caen.


3. Références et articles juridiques
 Article de loi
Article 1648, alinéa 1er, du code civil :

« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

Jurisprudence citée
Ch. mixte, 19 juill. 2024, n° 22-18.729, publié au Bulletin.
Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10.763, cassation.
Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-19.936, rejet.
3e Civ., 14 déc. 2022, n° 21-21.305, publié.

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour confirme une interprétation fonctionnelle de la prescription : lorsqu’un professionnel cherche à transférer le poids de sa responsabilité à un fournisseur ou à son assureur, ce n’est pas la connaissance du vice qui fait courir le délai, mais bien l’action subie ou le paiement effectué au profit du maître d’ouvrage.

Ce raisonnement est en cohérence avec le principe d’équité procédurale et de sécurité juridique, déjà appliqué aux recours entre coauteurs d’un même dommage.

Conséquences juridiques

Clarification du point de départ de la prescription pour les recours en garantie entre professionnels dans le domaine de la construction.
Sécurisation du recours du constructeur ou de son assureur, qui ne sera pas privé de son action simplement parce qu’il connaissait le vice, mais sans avoir encore exécuté sa dette.
Renforcement du rôle protecteur de la subrogation dans la chaîne des responsabilités en matière de vices cachés.

5. Critique de la décision
Ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 20-10.763.
Ch. mixte, 19 juill. 2024, n° 22-18.729.
3e Civ., 14 déc. 2022, n° 21-21.305.


Souligne la cohérence de cette décision avec le raisonnement tenu dans les arrêts précités : le recours subrogatoire vise à répercuter la dette de réparation, ce qui justifie un point de départ lié à l’obligation effective de réparation plutôt qu’à la simple connaissance du défaut.


Retient l’apport essentiel : la confirmation que le délai de prescription en cas de recours entre professionnels court à compter de l’assignation ou du paiement, et non de la découverte du vice.

6. Accompagnement juridique

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