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Prescription du recours entre constructeurs : revirement de jurisprudence (2022)

Le 13 juin 2025
Prescription du recours entre constructeurs : revirement de jurisprudence (2022)
recours en garantie – prescription quinquennale – constructeur – référé expertise – Cass. civ. 3e 14 décembre 2022 – pourvoi n° 21-21.305 – jurisprudence cassation construction – délai de prescription entre constructeurs – action en remboursement

1. Résumé succinct

Contexte :
La société ATE, maître d’œuvre, assurée par la MAF, avait été condamnée à indemniser un office public pour des désordres affectant un immeuble. Elle a ensuite recherché la garantie de son sous-traitant, la société Arcade ingénierie, et de son assureur, la société L’Auxiliaire.

Juridiction :
Cour de cassation, troisième chambre civile

Nature du litige :
Recours en garantie entre constructeurs – Prescription quinquennale – Point de départ

Impact principal :
La Cour opère un revirement de jurisprudence, posant que la prescription du recours entre constructeurs ne court qu’à compter de l’assignation en paiement, et non d’une simple requête en référé expertise, sauf si celle-ci contient une demande indemnitaire, même à titre provisionnel.


2. Analyse détaillée

Les faits
L’OPH d’une commune a confié à un groupement incluant ATE, assurée par la MAF, la maîtrise d’œuvre d’un chantier de restructuration.
Arcade ingénierie, assurée par L’Auxiliaire, est intervenue en qualité de sous-traitant d’ATE.
La réception des travaux est intervenue le 2 novembre 2008.
Une requête en référé-expertise a été déposée le 13 septembre 2011 par l’OPH.
Le 19 janvier 2016, le tribunal administratif condamne ATE à indemniser l’OPH ; arrêt confirmé le 15 mars 2018.
Le 6 mars 2018, ATE et la MAF assignent Arcade (liquidée, représentée par Archibald) et L’Auxiliaire en remboursement.

La procédure
La cour d’appel de Paris, par arrêt du 28 mai 2021, déclare prescrite l’action engagée en mars 2018, au motif que la prescription de cinq ans aurait couru depuis le 13 septembre 2011 (requête en référé).
Cassation partielle : la Cour de cassation casse l’arrêt sur ce point.

Contenu de la décision

Arguments des parties

ATE et la MAF soutiennent que la prescription ne peut courir qu’à compter d’une demande indemnitaire, soit ici le 28 novembre 2014, et non d’une simple demande d’expertise.

Raisonnement de la Cour

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 2224 du Code civil, l’action se prescrit à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Elle critique la jurisprudence antérieure (3e Civ., 16 janv. 2020, n° 18-25.915) selon laquelle une assignation en référé-expertise faisait courir la prescription du recours entre constructeurs.

Nouveau principe dégagé :

« Le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l’application de la prescription extinctive, avant l’introduction de ces demandes principales. »

Solution retenue
La Cour casse partiellement l’arrêt d’appel et renvoie devant une autre formation.
Elle constate la déchéance partielle du pourvoi contre les parties non constituées (Arcade ingénierie et son liquidateur).

3. Références et articles juridiques
Décision analysée
Cass. civ. 3e, 14 déc. 2022, n° 21-21.305, publié au Bulletin et au Rapport

Textes légaux cités

Article 2224 du Code civil :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Article L.110-4 I du Code de commerce :
« Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans. »

Article 978 du Code de procédure civile (déchéance)


4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement retenu

Ce revirement repose sur une vision téléologique de la prescription. En effet, la Cour critique une logique qui poussait les constructeurs à agir trop tôt, sans fondement judiciaire réel, uniquement pour interrompre le délai. Cela alourdissait les contentieux et générait des procédures préventives inutiles.

La Cour protège donc :

d’une part, le droit d’accès au juge du constructeur garant ;
d’autre part, le principe de sécurité juridique du constructeur recherché.

Conséquences juridiques
Revirement majeur de jurisprudence : la prescription du recours en garantie ne commence à courir qu’à compter de l’assignation principale en paiement.
Fin des recours « réflexes » à visée interruptive dès la référé-expertise.
Cette solution devrait réduire les contentieux préventifs entre professionnels de la construction.

5. Critique de la décision

Décision précédente critiquée :
Cass. civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 18-25.915

Cette décision faisait courir la prescription dès la mise en cause en référé.


Le raisonnement du présent arrêt est plus équilibré :

Respect du contradictoire.
Réduction des recours injustifiés.
Clarification utile du point de départ de la prescription entre constructeurs.

Cet arrêt assouplit les conditions d’exercice des recours en garantie, protège les constructeurs assignés tardivement, et favorise une gestion plus rationnelle des contentieux dans le domaine de la construction.


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