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Garantie des vices cachés : L.110-4 C. com. écarté comme délai-butoir

Le 13 juin 2025
Garantie des vices cachés :  L.110-4 C. com. écarté comme délai-butoir
garantie des vices cachés – délai-butoir – article 2232 code civil – prescription extinctive – chambre mixte – cassation 21 juillet 2023 – cass. ch. mixte 20-10.763 – vente commerciale – recours du vendeur – légifrance – droit construction – jurisprudence

1. Résumé succinct

Contexte :

L’affaire oppose la société Arbre construction (anciennement Boulesteix), à ses fournisseurs et sous-traitants, la société Bois et matériaux (distributeur) et la société italienne Edilfibro (fabricant), à propos de plaques de couverture défectueuses livrées en 2003 pour un bâtiment agricole.
Le contentieux porte sur la garantie des vices cachés et la prescription extinctive de l’action récursoire du constructeur.

Impact principal :

La Chambre mixte clarifie la portée temporelle de la prescription de l’action en garantie des vices cachés après la réforme de 2008. Elle écarte l’article L.110-4 C. com. comme délai-butoir et consacre l’article 2232 C. civ. comme seul encadrement possible, fixant à 20 ans le délai butoir à compter de la vente.

Décision disponible sur Légifrance :
Cour de cassation, ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10.763


2. Analyse détaillée

Les faits

Le 17 mars 2003, la société Vallade Delage confie à la société Boulesteix des travaux sur un bâtiment agricole.
Le constructeur achète des plaques de couverture à PBM Aquitaine (devenue Bois et Matériaux), elle-même approvisionnée par Edilfibro.

Les matériaux sont livrés le 31 décembre 2003.
En 2013, le maître d’ouvrage assigne le constructeur pour des infiltrations.
Les expertises s’étendent aux autres intervenants, et une action est engagée contre tous en juillet 2015.
Le constructeur appelle en garantie le distributeur et le fabricant sur le fondement des vices cachés.

La procédure

1re cassation : Cass. com., 16 janv. 2019, n° 17-21.477 → renvoi devant CA Poitiers
CA Poitiers, 26 nov. 2019 : actions récursoires jugées prescrites
Pourvoi de la société Arbre Construction
Renvoi en chambre mixte (1re civ., 3e civ. et com.) en raison d’une divergence de jurisprudence

Arguments des parties

Constructeur : le délai-butoir applicable est celui de l’article 2232 C. civ., soit 20 ans à compter de la vente.

Fournisseur et fabricant : invoquent L.110-4 C. com. (délai de 5 ou 10 ans) comme délai-butoir.

Réponse de la Cour
La Chambre mixte donne raison au constructeur.

Motifs essentiels :

Avant 2008, l’action en garantie devait être intentée dans le délai de droit commun (10 ou 30 ans selon la nature commerciale ou civile de la vente).
Depuis la loi du 17 juin 2008, l’article 2232 C. civ. fixe un délai-butoir unique de 20 ans.
L’article L.110-4 C. com., réduit à 5 ans, ne constitue plus un délai-butoir.
Le point de départ du délai est la vente, et non la livraison ou la découverte du vice.

Conséquence :

Le recours exercé par le constructeur en septembre 2013 n’était pas prescrit, car la vente datait de décembre 2003, et le délai de 20 ans n’était pas expiré.


3. Références et articles juridiques
Références jurisprudentielles
Cass. com., 27 nov. 2001, n° 99-13.428
Cass. 3e civ., 16 nov. 2005, n° 04-10.824
Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-25.036
Cass. 3e civ., 19 mars 2020, n° 19-13.459
Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-16.031
Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-16.237
Cass. com., 25 janv. 2023, n° 20-12.811
Ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559

➤ Articles de loi

Article 1648 C. civ. :
« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai à compter de la découverte du vice. »

Article 2232 C. civ. :
« Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »

Article L. 110-4 C. com. (ancien) :
« Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par dix ans, sauf prescription plus courte. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour opère un revirement d’interprétation en considérant que la prescription quinquennale de L. 110-4 C. com. ne constitue plus un délai-butoir pour l’action en garantie des vices cachés.
Désormais, seule l’article 2232 C. civ. encadre cette action par un délai de 20 ans à compter de la vente, en cohérence avec les délais de prescription glissants de l’article 2224 C. civ.

Conséquences juridiques

Sécurisation du recours du vendeur contre ses propres fournisseurs ou fabricants en matière de vices cachés.
Alignement du régime de prescription de l’action principale et de l’action récursoire.
Réduction du risque de divergences de jurisprudence (commerciale vs civile).

5. Critique de la décision

L'arrêt marque une clarification essentielle sur la coexistence des régimes de prescription dans les ventes mixtes et commerciales, en refusant d’appliquer le délai de L.110-4 comme limite d’exercice de l’action récursoire.

La Chambre mixte opère une unification attendue du régime de prescription des actions en garantie, en consacrant le seul délai-butoir de l’article 2232 C. civ.

6. Accompagnement juridique

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