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La SELARL PHILIPPE GONET, cabinet d’avocat à Saint-Nazaire (2 rue du Corps de Garde, 44600), publie des analyses jurisprudentielles pédagogiques et intervient notamment en droit immobilier, droit de la famille, dommage corporel et responsabilités professionnelles.
Dans ce dossier, l’intérêt est surtout méthodologique et procédural : identifier le bon juge et le bon délai pour contester une opération de visite/saisie.
1) Résumé de la décision
Parties
Demandeur au pourvoi : M. [G] [T]
Procédure : information judiciaire (mise en examen)
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle (formation restreinte), 10 septembre 2025, pourvoi n° 24-86.618,
Nature du litige : À l’occasion d’une procédure pénale (blanchiment aggravé, faux et usage), M. [T] demandait l’annulation de pièces en soutenant l’irrégularité d’opérations de visites domiciliaires fiscales réalisées sur le fondement de l’article L.16 B LPF, notamment en lien avec l’accès à des données distantes.
Effet direct de la décision
La Cour réaffirme une règle de compétence : le juge répressif n’est pas compétent pour apprécier la régularité des visites domiciliaires L.16 B ; cette régularité ne se conteste que devant le premier président (recours relatif au déroulement des opérations).
2) Analyse détaillée
A) Les faits
27 octobre 2022 : dans le cadre d’une vérification de comptabilité d’une société (sécurité privée) dirigée par M. [T], la DNEF réalise des visites domiciliaires L.16 B.
Pendant ces visites, les agents effectuent des investigations incluant des données distantes accessibles depuis :
l’ordinateur et le téléphone de M. [T] (un lieu),
un ordinateur donnant accès à une plateforme de stockage à distance + messagerie (un autre lieu),
un téléphone appartenant à une troisième personne (un autre lieu).
Les saisies révèlent, selon l’arrêt, des éléments relatifs à des agissements frauduleux et d’autres faits allégués (arme, blanchiment, faux documents, informations couvertes par secret professionnel).
Après signalement sur le fondement de l’article 40 CPP et enquête préliminaire : ouverture d’une information ; M. [T] est mis en examen (faux et usage, blanchiment en bande organisée).
Données non précisées dans l’arrêt : contenu exact de l’ordonnance d’autorisation L.16 B, identité/qualité des occupants des autres lieux, détails techniques sur la localisation des serveurs/données, dates des actes d’instruction intermédiaires.
B) La procédure
M. [T] saisit la chambre de l’instruction d’une requête en nullité.
Cour d’appel de Lyon, chambre de l’instruction, 1er octobre 2024 : rejet de la requête en nullité (arrêt attaqué).
3 mars 2025 : ordonnance prescrivant l’examen immédiat du pourvoi.
Audience publique 12 juin 2025 ; arrêt de la Cour de cassation 10 septembre 2025 : REJET.
C) Contenu de la décision
1) Arguments du demandeur (moyen)
Le moyen soutenait notamment :
que la chambre de l’instruction serait compétente, au titre des nullités, pour apprécier la régularité d’une enquête fiscale ayant conduit à la procédure pénale (invocation aussi des articles 6 et 13 CEDH) ;
qu’en matière d’accès à des données situées dans un autre État, il faudrait le consentement de la « personne légalement autorisée » (référence à l’article 32 de la Convention de Budapest) ;
et qu’une information insuffisante / absence de consentement éclairé lors de l’accès à des services en ligne rendrait l’opération irrégulière.
2) Motivation de la chambre de l’instruction
Elle retient notamment :
qu’un contrôle fiscal ne constituerait pas un acte administratif entrant dans l’exception d’illégalité de l’article 111-5 CP, et qu’elle n’était donc pas tenue d’en examiner la régularité ;
et développe un raisonnement sur la Convention sur la cybercriminalité, en considérant que le consentement pertinent ne serait pas celui de l’utilisateur mais du gestionnaire du système.
3) Raisonnement de la Cour de cassation
La Cour opère en deux temps :
Elle critique des motifs de la chambre de l’instruction :
erreur d’assimilation de la visite L.16 B à une simple procédure de contrôle fiscal ;
et erreur d’avoir exclu « tout contrôle » du juge judiciaire sur la régularité d’opérations préalables, certaines irrégularités pouvant conduire à annulation.
Mais elle valide le dispositif (pas de cassation), car :
le juge répressif n’est pas compétent pour se prononcer sur la régularité des visites L.16 B ;
cette contestation relève du premier président de la cour d’appel via le recours prévu par L.16 B ;
il appartenait à M. [T] de saisir ce recours (en qualité d’occupant d’un lieu et tiers intéressé pour les autres).
La Cour précise enfin qu’elle écarte le moyen “abstraction faite” des développements (surabondants) relatifs à la Convention sur la cybercriminalité.
4) Solution
REJET du pourvoi.
3) Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. crim., 10 sept. 2025, n° 24-86.618 (Publié au Bulletin)
Cass. crim., 5 nov. 2014, n° 13-86.202 (Bull. crim. 2014, n° 228) – Rapprochement cité par l’arrêt 2025
Cass. crim., 24 oct. 2001, n° 00-30.205
Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 06-80.295
3.2 Textes légaux
Article 111-5 du code pénal (version en vigueur depuis le 1er mars 1994)
« Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. »
Article L.16 B du Livre des procédures fiscales (extraits strictement utiles : recours “déroulement”)
« Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours.
Le premier président de la cour d'appel (…) connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie (…)
(…) ce recours (…) [est formé] (…) dans un délai de quinze jours. (…) Ce recours n'est pas suspensif.
L'ordonnance du premier président (…) est susceptible d'un pourvoi en cassation (…) Le délai du pourvoi (…) est de quinze jours. » Légifrance
4) Analyse juridique approfondie
A) Le cœur de la solution : “qui juge quoi ?”
Cette décision sécurise une répartition des contentieux :
Déroulement / régularité des opérations de visite et saisie (y compris pendant l’opération) Premier président de la cour d’appel L.16 B (recours “déroulement”, 15 jours)
Nullités pénales “classiques” (actes d’enquête/instruction) Chambre de l’instruction / juge pénal CPP (régime général)
Régularité des visites L.16 B invoquée dans le procès pénal Incompétence du juge pénal (arrêt commenté)
Cass. crim. 10 sept. 2025 pourvoi_n°24-86.618_10_09_2025
B) Point fin mais essentiel : la Cour “corrige” sans casser
La Cour dit, en substance :
Oui, il existe des hypothèses où des irrégularités “pré-pénales” peuvent contaminer la procédure et mener à annulation (idée générale) ;
mais pas ici, car l’irrégularité alléguée touche une procédure spéciale (L.16 B) avec voie de recours dédiée, ce qui ferme la porte à un contrôle par le juge répressif.
C) L’angle “données distantes / cybercriminalité” : non tranché au fond
La Cour indique expressément qu’elle écarte le moyen sans valider les développements de la cour d’appel sur la Convention sur la cybercriminalité, car ils sont surabondants. Conséquence : on ne peut pas lire cet arrêt comme une position de fond stabilisée sur l’interprétation de l’article 32 de la Convention de Budapest.
D) Impacts pratiques (checklist opérationnelle)
Si vous subissez une visite L.16 B :
Récupérer immédiatement PV + inventaire (le délai court à partir de leur remise/réception).
Auditer le “déroulement” : périmètre, supports copiés/saisis, scellés, accès aux supports informatiques, informations données, etc.
Former le recours “déroulement” dans les 15 jours devant le premier président (sinon, l’argument peut devenir inopérant au pénal).
5) Critique de la décision
Principe consolidé : le contrôle du “déroulement” L.16 B est organisé autour du premier président (et délais courts).
Principe rappelé : incompétence du juge pénal pour rejuger la régularité de ces opérations.
La décision est surtout un arrêt de compétence : elle “re-cadre” le bon juge et la bonne voie, et neutralise les débats annexes.
6) Conclusion
Cette analyse (hors champ famille/responsabilité/immobilier) est offerte par la SELARL PHILIPPE GONET, avocat à Saint-Nazaire.
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