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Exécution provisoire : motivation exigée (Cons. const. 2025-1175 QPC)

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Exécution provisoire : motivation exigée (Cons. const. 2025-1175 QPC)
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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat à Saint-Nazaire (2 rue du Corps de Garde, 44600), intervient notamment dans des dossiers où la procédure et la motivation des décisions conditionnent l’effectivité des droits (contentieux indemnitaires, immobilier, famille, organismes sociaux, etc.). 


1) Résumé de la décision

Résumé clair : Le Conseil constitutionnel valide l’article 471, alinéa 4, du CPP… à condition que les juges motivent spécialement l’exécution provisoire lorsqu’elle peut porter une atteinte disproportionnée à un droit ou une liberté constitutionnellement garanti(e), et cela uniquement pour les affaires saisies après la publication de la décision.

Parties 
Requérant QPC : M. Bernard P. Légifrance
Parties au litige : M. Aurélien A. et la société Caribbean Street Food Légifrance
Intervenants : M. Guénaël C. ; association Anticor Légifrance

Juridiction : Conseil constitutionnel (QPC)

Décision : n° 2025-1175 QPC, 5 décembre 2025, publiée au JORF du 6 décembre 2025

Renvoi : Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt n° 1356 du 24 septembre 2025 (pourvoi 25-81.866) 

Nature du litige
La QPC vise le 4e alinéa de l’article 471 CPP, qui permet au tribunal correctionnel de déclarer certaines sanctions pénales “exécutoires par provision” (donc malgré l’appel). 

Effet direct sur les pratiques
Avant : la Cour de cassation jugeait qu’aucun texte n’imposait de motiver l’exécution provisoire pour certaines sanctions (ex. interdiction professionnelle). 
Après : le Conseil constitutionnel impose une motivation spéciale de proportionnalité (réserve d’interprétation) pour les affaires saisies après le 6 décembre 2025. 


2) Analyse détaillée 

Résumé clair : faute d’éléments factuels sur l’infraction dans la décision publiée, l’analyse “factuelle” porte sur la chronologie QPC et sur le raisonnement constitutionnel (motivation/proportionnalité).

2.1 Les faits 

Point de vigilance méthodologique : la décision publiée au JORF ne décrit pas les faits pénaux reprochés, ni la sanction concrètement assortie de l’exécution provisoire dans le litige d’origine. L’analyse ci-dessous n’ajoute donc aucun fait absent du texte.

24 septembre 2025 : renvoi de la QPC par la Cour de cassation (ch. crim., arrêt n° 1356).
26 septembre 2025 : saisine du Conseil constitutionnel. 
8 octobre 2025 : intervention (M. Guénaël C.).
13 octobre 2025 : observations (requérant, parties au litige, Anticor, Premier ministre). 
27 octobre 2025 : secondes observations (requérant, intervenant, Premier ministre). 
18 novembre 2025 : audience publique. 
5 décembre 2025 : décision rendue publique. 
6 décembre 2025 : publication au JORF.

2.2 La procédure (QPC)

QPC transmise dans les conditions de l’article 61-1 de la Constitution (mention dans la décision). 
Contradictoire : avocats au Conseil, intervenants, Premier ministre, audience. 

2.3 Contenu de la décision : arguments – raisonnement – solution

A) Texte contesté (cité par le Conseil)
Le 4e alinéa de l’article 471 CPP prévoit :
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ». 

B) Arguments des parties (tels que résumés par le Conseil)

Présomption d’innocence : exécuter une sanction alors que la condamnation n’est pas définitive reviendrait à “punir” une personne présumée innocente. 
Recours effectif : risque d’effets “irrémédiables” privant le recours de portée. 
Garantie des principes de peine : absence d’obligation de motivation de l’exécution provisoire = atteinte aux principes de légalité/nécessité/individualisation, et à l’égalité devant la justice. 

C) Raisonnement du Conseil constitutionnel

Présomption d’innocence : rejet du grief
Le Conseil rappelle l’article 9 de la DDHC et juge que l’exécution provisoire porte sur une sanction prononcée après que la culpabilité a été légalement établie par la juridiction : ce mécanisme n’est donc pas incompatible avec la présomption d’innocence. 
Individualisation des peines : pivot de la décision
Le Conseil rattache l’exigence de motivation à l’article 8 DDHC (individualisation) et rappelle les textes sur la motivation de la peine (132-1 CP, 485-1 CPP). 

Constat d’état du droit (jurisprudence Cass.)
Le Conseil relève que, selon la Cour de cassation (arrêt de renvoi), il n’existait pas d’obligation de motiver l’exécution provisoire pour une sanction autre que l’inéligibilité. 

Illustration directe côté Cour de cassation : en 2023, elle affirme qu’aucun texte n’impose la motivation pour l’exécution provisoire d’une interdiction professionnelle. 

Le “déclic” constitutionnel : atteinte potentielle aux droits + absence de suspension

Le Conseil insiste sur deux éléments :

l’exécution provisoire peut atteindre des droits et libertés constitutionnellement garantis d’une personne non définitivement condamnée ;

et, si les conséquences sont manifestement excessives, il n’existe pas de procédure permettant d’en obtenir la suspension. 

La réserve d’interprétation (règle nouvelle)

Pour éviter une méconnaissance de l’individualisation des peines, le juge doit :
apprécier la proportionnalité de l’atteinte à un droit/liberté constitutionnel ;
et motiver spécialement sur ce point ;
en se déterminant au regard des éléments débattus (circonstances, personnalité, situation matérielle/familiale/sociale). 

Modulation dans le temps
Cette réserve ne s’applique qu’aux affaires dont la juridiction de jugement est saisie après la publication de la décision (publication JORF du 6 décembre 2025). 

D) Solution
Le Conseil déclare le texte conforme, sous réserve (motivation spéciale + application aux seules affaires saisies après publication). Légifrance


3) Références juridiques 

Résumé clair : ci-dessous, uniquement des références consultables sur Légifrance (et, lorsque nécessaire, Courdecassation.fr – mais certains contenus nécessitent JS/cookies).

3.1 Textes 

Article 471, alinéa 4, CPP (version en vigueur depuis le 24 mars 2020) :

« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. » 

(Nota : la page Légifrance indique une abrogation différée au 1er janvier 2029.) 

Article 708 CPP (principe : exécution quand décision définitive) :
« L'exécution de la ou des peines prononcées à la requête du ministère public a lieu lorsque la décision est devenue définitive. »

Article 132-1 CP (individualisation) :
« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée. » (et critères : circonstances/personnalité/situation). 

Article 485-1 CPP (motivation du choix de la peine) :
« … la motivation doit également porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal… » 

DDHC 1789 :

Article 9 (présomption d’innocence)  
Article 8 (nécessité/peines, base de l’individualisation) 
Article 16 (recours effectif / garantie des droits) : Légifrance
Article 6 (égalité / droit d’éligibilité mobilisé dans les décisions “inéligibilité”) 

3.2 Jurisprudence 


Conseil constitutionnel – 5 déc. 2025 – déc. n° 2025-1175 QPC

Cour de cassation – ch. crim. – 28 juin 2023 – pourvoi n° 21-87.417 (publié) – (pas d’obligation de motiver l’exécution provisoire d’une interdiction professionnelle) 

Cour de cassation – ch. crim. – 18 déc. 2024 – pourvoi n° 24-83.556 (inédit) – QPC incidente : non-lieu à renvoi (inéligibilité + exécution provisoire) 

Conseil constitutionnel – 28 mars 2025 – déc. n° 2025-1129 QPC – (inéligibilité : exigence de proportionnalité de l’atteinte au mandat et à la liberté de l’électeur, sous réserve) 

Cour de cassation – ch. crim. – 28 mai 2025 – pourvoi n° 24-83.556 (publié) – (cassation : motivation insuffisante pour exécution provisoire de l’inéligibilité au regard de la réserve 2025-1129) 

Conseil constitutionnel – 3 oct. 2025 – déc. n° 2025-1168 QPC – (inéligibilité : Nouvelle-Calédonie, même logique)

Cour de cassation – ch. crim. – 24 sept. 2025 – pourvoi n° 25-81.866 – arrêt n° 1356 (renvoi QPC) 

4) Analyse juridique approfondie : ce que la décision change vraiment

Résumé clair : le Conseil constitutionnel “sauve” le texte en y injectant une obligation de motivation de proportionnalité, calquée sur la logique déjà utilisée pour l’inéligibilité… mais étendue aux autres sanctions.

4.1 Avant / Après (lecture opérationnelle)

Avant (jurisprudence Cass.) :

exécution provisoire possible ;
pas d’obligation générale de motivation (hors hypothèses particulières, notamment l’inéligibilité après 2025-1129). 

Après (décision 2025-1175 QPC) :

exécution provisoire toujours possible ;
mais le juge doit motiver spécialement la proportionnalité de l’atteinte à un droit/liberté constitutionnel, en tenant compte des éléments individuels (personnalité, situation…).

4.2 Une réserve “centrée droits fondamentaux”

La formule est large : “un droit ou une liberté que la Constitution garantit”. 

Concrètement, selon la nature de la sanction, l’exécution provisoire pourra toucher (exemples génériques) la liberté d’entreprendre, la vie privée/familiale, le droit de propriété, le droit d’éligibilité, etc. La décision n’énumère pas : elle impose une méthode (contrôle de proportionnalité + motivation).

4.3 Modulation temporelle : pourquoi c’est décisif

La réserve ne vaut que pour les affaires saisies après la publication (6 décembre 2025). 

En pratique : deux régimes coexistent temporairement selon la date de “saisine” de la juridiction de jugement.


5) Critique 
le cœur du contrôle repose sur la motivation, sans créer de voie de suspension ; et certaines pièces (arrêt de renvoi) ne sont pas accessibles en texte intégral sur Légifrance à la date de rédaction via nos recherches.

Le Conseil constitutionnel fonde l’exigence sur l’individualisation : la motivation spéciale devient un garde-fou anti-arbitraire. 

Le texte est conforme sous condition : la conformité tient à une lecture “augmentée” par la réserve. 

6) Accompagnement (cadre déontologique et champ d’intervention)

Cette décision relève du droit pénal / procédure pénale. Conformément à votre cadre, la présente analyse est offerte par la SELARL PHILIPPE GONET, avocat à Saint-Nazaire.
Le cabinet peut néanmoins intervenir (selon les besoins) sur les dossiers du cabinet : dommage corporel/indemnisation, immobilier, famille, organismes sociaux, et contentieux connexes. 

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