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Étiquettes fruits/légumes : le Conseil d’État valide l’interdiction (2025)

Le 12 décembre 2025
Étiquettes fruits/légumes : le Conseil d’État valide l’interdiction (2025)
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La SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire (2 rue du Corps de Garde, 44600), accompagne particuliers et professionnels en contentieux administratif, droit de la responsabilité, et plus largement en stratégie contentieuse et réglementaire, notamment lorsque des normes nationales se confrontent au droit de l’Union européenne (contrôle de légalité, mesures d’effet équivalent, environnement)

1) Résumé 

Le Conseil d’État rejette le recours d’Interfel : l’interdiction française d’apposer certaines étiquettes sur les fruits et légumes (sauf compostables et biosourcées) n’enfreint ni la directive “emballages” 94/62/CE, ni les règles TFUE sur la libre circulation, car la mesure poursuit un objectif environnemental et reste proportionnée.

Parties
Requérante : Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel).

Défendeur : Premier ministre (décision implicite de refus d’abroger) et, en toile de fond, l’État.

Juridiction : Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 10 novembre 2025, n° 466929 (ECLI mentionné dans la décision).


Nature du litige

Recours pour excès de pouvoir contre le refus implicite d’abroger des dispositions réglementaires (sanction contraventionnelle) liées à l’interdiction d’étiquetage direct des fruits/légumes.

Effet direct sur la pratique / la “jurisprudence”

Le Conseil d’État sécurise l’interdiction nationale au regard du droit de l’UE :

pas d’assimilation automatique de ces étiquettes à des “emballages” au sens de la directive (dans le champ visé par la loi) ;
la mesure est bien une mesure d’effet équivalent (art. 34 TFUE) mais justifiée et proportionnée (objectif environnemental).

2) Analyse détaillée

2.1 Les faits (chronologie complète)

Résumé : Interfel demande la suppression du dispositif national de sanction lié à l’interdiction d’étiquetage direct ; le CE examine la compatibilité avec la directive 94/62/CE et le TFUE.

10 février 2020 : adoption de la loi n° 2020-105 (AGEC) : article 80 = fin de l’apposition d’étiquettes directement sur fruits/légumes (sauf compostables et biosourcées) au plus tard le 1er janvier 2022.

28 décembre 2020 : décret n° 2020-1724 : insertion/édiction d’une sanction contraventionnelle dans le code de l’environnement (référence à l’art. R. 543-73).

25 avril 2022 : Interfel saisit le Premier ministre d’une demande d’abrogation des dispositions contestées.

Silence de l’administration : naissance d’un refus implicite ; Interfel attaque ce refus.

2.2 La procédure (1re instance, appel, cassation)

Résumé : Instance directe devant le Conseil d’État (excès de pouvoir), avec renvoi préjudiciel à la CJUE, puis reprise après réponse.

Contentieux porté devant le Conseil d’État statuant au contentieux (recours pour excès de pouvoir).

6 novembre 2024 : le Conseil d’État sursis à statuer et renvoie une question préjudicielle à la CJUE : les étiquettes apposées sur fruits/légumes sont-elles “en toute hypothèse” des emballages (directive 94/62/CE) ?

1er août 2025 : arrêt CJUE C-772/24 (mentionné) répondant à la question ; reprise de l’instance au CE.

10 novembre 2025 : décision au fond : rejet de la requête.

2.3 Contenu de la décision

A) Arguments (reconstitués à partir des moyens traités par le CE)

Résumé : Interfel invoque principalement la directive “emballages” (art. 18) et la libre circulation (TFUE).

Moyen tiré de la directive 94/62/CE : interdiction nationale = obstacle à la mise sur le marché d’emballages conformes (art. 18), si l’étiquette est un emballage.

Moyen tiré des articles 34, 35, 36 TFUE : mesure d’effet équivalent, non justifiée / disproportionnée.

B) Raisonnement du Conseil d’État

1) Directive 94/62/CE : les étiquettes visées ne sont pas des “emballages”

Le CE rappelle la définition de l’emballage (art. 3) et l’interdiction de faire obstacle à la mise sur le marché d’emballages conformes (art. 18).

Il s’appuie sur la réponse CJUE (C-772/24) : une étiquette n’est “emballage” que si elle remplit une fonction d’emballage et relève d’une catégorie d’emballage.

Puis il tranche en droit interne : au regard de l’objet de l’article 80 (étiquettes non compostables/biosourcées), les étiquettes visées par l’interdiction ne concernent pas celles destinées à contenir/protéger, à permettre manutention/acheminement, ou à assurer la présentation (au sens de l’art. 3 de la directive). Donc pas des emballages, et l’art. 18 n’est pas méconnu.

2) TFUE : mesure d’effet équivalent mais justifiée et proportionnée

Le CE qualifie l’article 80 : obstacle à la commercialisation en France de produits étiquetés = mesure d’effet équivalent (art. 34 TFUE).

Justification : objectif d’amélioration de la gestion des biodéchets et de protection de l’environnement (compostage, geste de tri, contamination du compost).

Proportionnalité : le CE écarte l’argument selon lequel la règle imposerait de recourir à des emballages substitutifs ou nuirait à l’information des consommateurs ; les coûts allégués ne démontrent pas une contrainte excessive au regard de l’objectif.


C) Solution retenue
Rejet de la requête d’Interfel.



3) Références juridiques

3.1 Jurisprudence

Conseil d’État, 6ème–5ème ch. réunies, 10 nov. 2025, n° 466929

CJUE, 1er août 2025, C-772/24, “Interfel” (mentionnée dans la décision)

CJUE, 14 déc. 2004, C-463/01, “Commission c. Allemagne (RFA)” (mentionnée)

Conseil constitutionnel, 16 juin 2023, n° 2023-1055 QPC (sur l’interdiction d’étiquettes non compostables)

3.2 Textes légaux (citation in extenso + lien Légifrance exact)

A) Loi AGEC – Article 80 (version en vigueur depuis le 12 févr. 2020)

« Au plus tard le 1er janvier 2022, il est mis fin à l'apposition d'étiquettes directement sur les fruits ou les légumes, à l'exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées. » Légifrance

B) Code de l’environnement – Article R. 543-73 (extrait utile, version en vigueur affichée par Légifrance)

« Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe le fait : (…) 4° D'apposer une étiquette directement sur un fruit ou un légume, à l'exception de celles qui sont compostables en compostage domestique et constituées de tout ou partie de matières biosourcées, en méconnaissant ainsi l'article 80… » 

C) Directive 94/62/CE 

D) Articles 34–36 TFUE

4) Analyse juridique approfondie : ce que change (vraiment) l’arrêt

4.1 Décryptage

Résumé : le CE opère une double validation : hors directive emballages, puis dans le TFUE via proportionnalité.

Étape 1 : champ “emballages” neutralisé

Le CE constate que, dans le périmètre de l’article 80 (étiquettes non compostables non biosourcées), les étiquettes visées ne remplissent pas les fonctions d’emballage ; donc l’argument art. 18 de la directive tombe.

Étape 2 : contrôle “libre circulation” classique

Mesure d’effet équivalent (art. 34) → test objectif environnemental + proportionnalité → validation.

4.2 Comparaison avec la jurisprudence antérieure disponible sur bases officielles

Résumé : la QPC 2023 validait déjà l’économie de l’interdiction ; le CE 2025 la consolide côté UE.

Conseil constitutionnel 2023-1055 QPC : relève notamment que l’interdiction vise des étiquettes non compostables et l’impossibilité de mise en vente en France des produits concernés (lecture “travaux parlementaires”). 

Conseil d’État 2025 : ajoute la couche droit de l’Union (directive 94/62/CE + TFUE 34-36) avec une motivation centrée sur déchets/compost et absence d’effet “emballages de substitution”.

4.3 Incidences pratiques

Résumé : l’interdiction et la sanction nationale restent applicables ; la contestation “UE” est verrouillée sur ces moyens.

Pour les opérateurs : la voie “directive emballages” est inefficace si l’étiquette ne remplit pas une fonction d’emballage (au sens retenu par le CE dans le champ de l’art. 80).

Pour le contrôle : la règle est justifiée par la gestion des biodéchets ; l’argument “coût” seul ne suffit pas.

5) Accompagnement personnalisé 

Cette analyse porte sur un contentieux administratif / droit économique et environnemental.La présente analyse est offerte par la SELARL PHILIPPE GONET. 

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