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Aide juridictionnelle : le bâtonnier doit désigner un remplaçant (2025)

Le 12 décembre 2025
Aide juridictionnelle : le bâtonnier doit désigner un remplaçant  (2025)
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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat inscrite au barreau de Saint-Nazaire, 2 rue du Corps de Garde, 44600 Saint-Nazaire, intervient notamment en droit immobilier (dont saisie immobilière) et en contentieux civils, ainsi qu’en droit de la famille et du dommage corporel. 


1) Résumé 

Parties impliquées

Demandeur au pourvoi : M. [H] [P]

Défendeurs : procureur général près la CA d’Orléans ; Ordre des avocats du barreau de Blois ; bâtonnier de Blois

Juridiction : Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 novembre 2025, n° 22-17.442, arrêt publié au Bulletin,

Nature du litige

Litige relatif à l’aide juridictionnelle : validité d’une délibération du conseil de l’ordre autorisant le bâtonnier à décharger le dernier avocat désigné au titre de l’AJ sans en désigner un nouveau, dans une procédure de saisie immobilière.

Effet direct de la décision

La Cour de cassation rappelle une règle impérative : si l’avocat AJ est déchargé, un remplaçant doit être désigné immédiatement. Une délibération “permettant de ne pas remplacer” est contraire aux textes et doit être censurée.

2) Analyse détaillée

A) Les faits 

M. [P], débiteur saisi, doit être défendu dans une saisie immobilière ; il obtient l’aide juridictionnelle.

Le bâtonnier désigne successivement six avocats.

Le conseil de l’ordre adopte une délibération autorisant le bâtonnier à relever le dernier avocat de sa désignation et à ne pas désigner de nouvel avocat.

Point factuel important : la décision ne donne pas la liste nominative complète des six avocats dans les passages fournis ; elle mentionne en revanche le dernier avocat (Mme/Me [L] [O]).

B) La procédure (1re instance / appel / cassation)

Décision contestée : délibération du conseil de l’ordre (date évoquée : 9 septembre 2021 dans le moyen).

Cour d’appel d’Orléans (chambre solennelle), 4 mai 2022, n° 21/02873 : confirme la délibération.

Cour de cassation, 2e civ., 20 novembre 2025 : cassation de l’arrêt d’appel et renvoi devant la CA de Bourges.


C) Contenu de la décision

1. Arguments des parties (ce que contient l’arrêt)

M. [P] (demandeur) soutient qu’en cas de décharge de l’avocat AJ, un remplaçant doit être immédiatement désigné ; donc la validation de la délibération viole notamment l’article 78 du décret du 28 décembre 2020 (et invoque aussi l’article 6 §1 CEDH dans le moyen).

Ordre / bâtonnier (défendeurs) : l’arrêt relate surtout le raisonnement retenu par la CA pour justifier l’absence de nouvelle désignation (comportement de l’intéressé).


2. Raisonnement de la cour d’appel 

La CA retient notamment :

M. [P] aurait, sur une longue période, cherché à imposer sa propre argumentation et demandé aux avocats de “simplement apposer leur nom” sur ses écritures ;

Les avocats AJ doivent conserver une liberté d’appréciation des moyens ;

Conclusion CA : M. [P] aurait mis chaque avocat dans l’impossibilité d’agir et se serait volontairement privé d’assistance.

3. Solution et motivation de la Cour de cassation

La Cour vise L. 311-3, 2° COJ, art. 19 loi 1971, art. 25 loi 1991, art. 78 décret 2020-1717 et juge que :

Même si la CA estime que le justiciable a un comportement problématique, cela ne permet pas au conseil de l’ordre d’adopter une délibération contraire aux textes ;

En l’absence de remplaçant “immédiatement” désigné après la décharge du dernier avocat, la délibération est illégale ; donc la CA a violé les textes.

Dispositif

Cassation totale de l’arrêt d’Orléans (4 mai 2022) ; renvoi CA Bourges ; dépens à la charge de l’ordre ; rejet art. 700 CPC.

3) Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

Décision commentée

Cass. civ. 2e, 20 nov. 2025, n° 22-17.442

Jurisprudences antérieures “sur le même objet” (désignation/remplacement d’avocat AJ / refus de désignation)

Cass. civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-22.662 (refus de désignation d’un nouvel avocat dans un contexte de demandes répétées)

Cass. civ. 2e, 26 mai 2016, n° 14-29.358 (rappel du principe : assistance AJ effective ; mention du remplacement immédiat dans le moyen)

Cass. civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-26.239 (désignations successives AJ et conséquences procédurales – contexte utile sur la mécanique de désignation)

3.2 Textes légaux 

Code de l’organisation judiciaire – article L. 311-3 (extrait pertinent)
« La cour d'appel connaît, en ce qui concerne les avocats : (…) 2° Des recours contre les décisions ou délibérations du conseil de l'ordre (…) »

Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 – article 19

« Toute délibération ou décision du conseil de l'ordre étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires est annulée par la cour d'appel, sur les réquisitions du procureur général.
Peuvent également être déférées à la cour d'appel, à la requête de l'intéressé, les délibérations ou décisions du conseil de l'ordre de nature à léser les intérêts professionnels d'un avocat. »

Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 – article 25

« Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et à celle de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours.
Les avocats et les officiers publics ou ministériels sont choisis par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Ils peuvent l'être également par l'auxiliaire de justice premier choisi ou désigné. »

Décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 – article 78 (alinéa pertinent)
« (…) Dans tous les cas où un auxiliaire de justice qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'aide est déchargé de sa mission, à défaut de choix par le bénéficiaire, un remplaçant est immédiatement désigné. »

4) Analyse juridique approfondie (décryptage + comparaison)

A) Le point de droit tranché

La question n’est pas “le justiciable a-t-il été difficile ?”, mais : un conseil de l’ordre peut-il autoriser le bâtonnier à ne plus désigner d’avocat AJ après avoir déchargé le dernier désigné ?
Réponse : non, car l’article 78 impose une désignation immédiate d’un remplaçant (à défaut de choix).

B) La méthode de la Cour : contrôle de légalité “par les textes”

La Cour articule :

la compétence de la cour d’appel pour connaître des recours contre les délibérations du conseil de l’ordre (L.311-3 COJ), 
le pouvoir d’annulation des délibérations illégales (art. 19 loi 1971), 
et le droit à l’assistance (art. 25 loi 1991) + la règle opérationnelle de remplacement immédiat (art. 78 décret 2020-1717). 

C) Comparaison avec la jurisprudence antérieure

2018 (rejet) : la Cour admet que, dans certains contextes, l’inaction/les refus ne caractérisent pas forcément un trouble manifestement illicite en référé, lorsque le justiciable s’est lui-même placé sans défenseur par des refus répétés. 

2025 (cassation) : même si un raisonnement “faute du justiciable” est retenu par la CA, cela ne “couvre” pas l’illégalité d’une délibération qui organise l’absence de remplacement, dès lors que les textes imposent une désignation immédiate. 

Évolution pratique majeure : la décision de 2025 verrouille le sujet sur un terrain normatif (obligation automatique de remplacer), ce qui réduit la marge des ordres consistant à “stopper” les désignations, même face à un dossier conflictuel. 


5) Critique de la décision 

Principe 1 : recours/contrôle des délibérations ordinales (L.311-3 COJ + art. 19 loi 1971). 
Principe 2 : effectivité de l’assistance AJ + remplacement immédiat (art. 25 loi 1991 + art. 78 décret 2020-1717).

Le cœur est une censure de légalité : l’ordre ne peut pas “neutraliser” l’AJ par une délibération anti-remplacement.

6) Conséquences pratiques et conseils (saisie immobilière / AJ)

Ce que l’arrêt change concrètement

Si votre avocat AJ est déchargé, l’autorité de désignation (bâtonnier) doit désigner immédiatement un remplaçant (sauf choix exprès du bénéficiaire). 

Une “délibération d’exception” autorisant à ne plus désigner personne expose l’ordre à la censure.

Checklist “réflexe” pour un justiciable

Conserver : décision d’AJ + notifications de désignation/décharge + échanges avec le barreau.

Écrire (courrier daté) : demande explicite de désignation immédiate sur le fondement de l’article 78. 

En saisie immobilière : ne pas attendre (délais procéduraux très contraints).

7) Proposition d’accompagnement (droit immobilier / saisie)

Parce que l’affaire se déroule dans une procédure de saisie immobilière, la SELARL PHILIPPE GONET (Saint-Nazaire) peut vous assister pour :

sécuriser votre défense en saisie immobilière (audiences, contestations, incidents),

faire valoir vos droits à l’aide juridictionnelle et contester une situation de non-désignation,

piloter la stratégie procédurale (délais, actes, risques). 

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