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1. Résumé succinct
Parties impliquées.
– Bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris (recevable) – Syndicat mixte de l’aéroport de [Localité 2] (recevable) – M. [W] [U], avocat (recevable) – CCI de Charente-Maritime (irrecevable).
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle, 30 sept. 2025, n° 24-85.225, publié au Bulletin (formation restreinte).
Nature du litige :Perquisition hors cabinet d’avocat (art. 56-1-1 CPP) – contestation des saisies de documents couverts par le secret professionnel (défense & conseil) – détermination de la qualité de parties et de la recevabilité des pourvois – portée de la protection du secret du conseil lors des saisies pénales.
Effet sur la pratique/jurisprudence (direct).
Le bâtonnier, la personne perquisitionnée et l’avocat concerné sont parties à l’instance 56-1/56-1-1 et recevables à se pourvoir.
Confirmation d’une approche divisible du secret : insaisissabilité des pièces relevant des droits de la défense ; en revanche, les documents couverts par le secret du conseil mais sans lien avec l’exercice des droits de la défense restent saisissables (hors 56-1-2).
Inapplicabilité de l’art. 7 Charte UE (absence de mise en œuvre du droit de l’UE).
2. Analyse détaillée
Les faits
Signalement de la chambre régionale des comptes relatif à des contrats liant un aéroport et une compagnie aérienne ; autorisation de perquisitions sans assentiment par le JLD.
Perquisition dans les locaux du syndicat mixte : opposition à la saisie de documents invoquant l’art. 66-5 (secret de la défense & du conseil).
Documents placés sous scellés et transmis au JLD.
Ordonnance JLD (24 juin 2024) : restitution de certaines pièces, versement d’autres à la procédure.
Recours devant le président de la chambre de l’instruction ; ordonnance (2 août 2024) : versement à la procédure de l’ensemble des pièces visées par l’opposition.
Procédure
Recours CCI, syndicat mixte, PNF ; interventions/observations du bâtonnier et de l’avocat concerné.
Pourvois joints : bâtonnier, syndicat mixte, M. [U] (avocat) – recevables ; CCI – irrecevable.
Arrêt de rejet (et irrecevabilité pour la CCI) de la chambre criminelle le 30 sept. 2025.
Contenu de la décision
Arguments des parties (synthèse des moyens)
Bâtonnier / Avocat / Syndicat mixte : invoquent la protection « renforcée » des échanges avocat-client (art. 8 CEDH), l’unicité du secret (défense & conseil), et soutiennent l’insaisissabilité des consultations/notes d’honoraires liées au conseil dès lors que le risque contentieux est abordé ; griefs aussi sur l’utilité des saisies.
Réponse de la juridiction du recours : le secret du conseil n’est opposable aux saisies que s’il se rapporte à l’exercice des droits de la défense (préparation d’une défense/procédure) ; à défaut, les pièces restent saisissables si liées aux infractions recherchées.
Raisonnement de la Cour de cassation
Qualité de parties & recevabilité :
– Les textes 56-1 (al. 5 et 8) et 56-1-1 CPP confèrent la qualité de partie devant le JLD et, sur recours, devant le président de la chambre de l’instruction, au bâtonnier, à la personne perquisitionnée et à « l’avocat concerné » ; ces derniers sont recevables à se pourvoir (décision leur faisant grief). La CCI n’a pas cette qualité → irrecevable.
Secret & saisies :
– Principe : l’art. 56-1, al. 2 CPP prohibe la saisie des documents relevant des droits de la défense (secret défense & conseil).
– Conséquence : les documents couverts par le secret professionnel, mais ne relevant pas de l’exercice des droits de la défense, demeurent saisissables, même en dehors du cas de l’art. 56-1-2 CPP (exception « conseil » pour infractions listées) et même sans participation de l’avocat à l’infraction.
– CEDH art. 8 : ne s’oppose pas en soi à la saisie de documents couverts par le secret mais dépourvus de lien avec l’exercice des droits de la défense.
– Charte UE art. 7 : inapplicable (art. 51, § 1), les art. 56-1/56-1-1 CPP ne mettant pas en œuvre le droit de l’UE dans l’espèce.
Application au cas d’espèce : la consultation et la convention/notes d’honoraires visaient la sécurisation de relations contractuelles (identifier des risques et les écarter par des préconisations), sans articulation d’une défense ; elles présentent un lien avec les infractions objet de l’enquête (bon usage des deniers publics). Le versement intégral des pièces est justifié.
Solution
CCI : pourvoi irrecevable.
Bâtonnier / Syndicat mixte / Avocat concerné : pourvois rejetés → validation du versement en procédure des documents non liés aux droits de la défense.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. crim., 30 sept. 2025, n° 24-85.225 (publié, formation restreinte)
Cass. crim., 8 avr. 2025, n° 24-81.033 (non-admission ; rôle & grief du bâtonnier)
Cass. crim., 11 mars 2025, n° 24-80.926 (secret & perquisitions chez un avocat ; rejet)
Cass. crim., 11 mars 2025, n° 23-86.261 (conditions des saisies ; protection et limites)
Cass. crim., 11 mars 2025, n° 24-82.517 (bâtonnier, mission de protection des droits de la défense ; recevabilité)
(Rapprochement cité dans l’arrêt du 30/09/2025 : Crim., 8 avr. 2025, n° 24-81.033 – déjà référencé ci-dessus.)
3.2 Textes légaux
Code de procédure pénale, art. 56-1 :
« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures, formé par le procureur de la République, l’avocat ou le bâtonnier ou son délégué devant le président de la chambre de l’instruction. Celui-ci statue dans les cinq jours suivant sa saisine […] »
(Pour mémoire, l’art. 56-1 encadre aussi les perquisitions dans un cabinet/domicile d’avocat : ancienne version utile à l’historique)
Code de procédure pénale, art. 56-1-1 (version en vigueur 2025) :
« Lorsque, à l’occasion d’une perquisition dans un lieu autre que ceux mentionnés à l’article 56-1, il est découvert un document mentionné au deuxième alinéa du même article 56-1, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s’opposer à la saisie de ce document. Le document doit alors être placé sous scellé fermé […]. Ces documents sont transmis sans délai au JLD […]. Les 4e à 9e alinéas de l’article 56-1 sont alors applicables. »
Code de procédure pénale, art. 56-1-2 (exception « conseils » pour certaines infractions : non applicable en l’espèce selon la Cour) – Lien Légifrance : (relevé par renvoi général, pas nécessaire à la solution ; si souhaité je fournis la version précise dans un addendum).
Loi n° 71-1130 du 31 déc. 1971, art. 66-5 (secret pro., défense & conseil) :
« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client […] les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. »
CEDH, art. 8 : Lien non disponible sur Légifrance à la date de rédaction (texte authentique accessible sur le site du Conseil de l’Europe). La Cour se borne du reste à retenir que l’art. 8 n’interdit pas en soi la saisie de pièces dénuées de lien avec l’exercice des droits de la défense.
Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 7 : inapplicable au litige (art. 51, § 1 Charte) selon la Cour – constat tiré de l’arrêt du 30/09/2025 (pas de mise en œuvre du droit de l’UE par les art. 56-1/56-1-1 CPP).
4. Analyse juridique approfondie
4.1 Décryptage du raisonnement
Bloc “recevabilité” : la Cour uniformise et clarifie la liste des parties recevables en 56-1/56-1-1 : bâtonnier, personne perquisitionnée, avocat concerné → qualité de partie devant le JLD et, sur recours, devant le président de la chambre de l’instruction ; pourvoi ouvert si la décision fait grief. Cette clarification prolonge la ligne du 11 mars 2025 et du 8 avril 2025 (non-admission mais motifs utiles sur la mission du bâtonnier).
Bloc “secret & saisies” : la Crim. confirme la divisibilité du secret :
– Insaisissable : tout document relevant de l’exercice des droits de la défense (préparation/riposte à une procédure, judiciaire ou répressive).
– Saisissable : les documents couverts par le secret du conseil mais sans lien avec l’exercice des droits de la défense, y compris hors champ 56-1-2 et sans soupçon de participation de l’avocat.
– Contrôle concret : examen de la finalité de la consultation (ici : sécurisation des relations contractuelles, écarter des risques
→ pas de défense en cours/préparée).
4.2 Comparaison avec la jurisprudence antérieure
11 mars 2025 (série d’arrêts) : la Crim. avait simultanément rappelé la portée de la protection et admis des saisies lorsque les pièces étaient utiles et liées aux infractions (ex. 24-80.926 ; 23-86.261) tout en balisant le rôle du bâtonnier (24-82.517).
L’arrêt du 30 sept. 2025 s’y raccorde et stabilise la distinction défense/conseil en phase perquisition/saisie.
8 avr. 2025 (24-81.033) : non-admission mais confirmations sur la capacité du bâtonnier à se pourvoir quand la décision fait grief ; l’arrêt du 30/09/2025 consacre expressément la recevabilité. Cour de Cassation
4.3 Évolution pratique
Pour les enquêteurs/JLD : obligation d’un tri rigoureux : défense (insaisissable) vs conseil (potentiellement saisissable si lien avec l’infraction).
Pour les personnes publiques (ici, syndicat mixte) : la Cour mentionne un équilibre entre art. 8 CEDH et transparence/deniers publics → le contexte public pèse dans la balance de proportionnalité.
Pour les avocats : les consultations de conformité/compliance ne bénéficient pas ipso facto de l’insaisissabilité ; il faut un lien direct avec la défense. Structurer les écrits (mentions, destinataires, contexte procédural) devient déterminant.
5. Critique de la décision
L’arrêt renforce la lisibilité du contentieux 56-1/56-1-1 (qualité de partie), mais entérine une conception restrictive de l’insaisissabilité du conseil.
La protection « renforcée » de l’art. 8 CEDH n’est pas absolue en perquisition ; elle cède si pas de lien avec l’exercice des droits de la défense et si utilité/lien avec l’infraction.
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Vous défendez souvent des intérêts en pénal économique et marchés publics (contrats, deniers publics). La SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut :
Auditer vos circuits de conseil (mails, consultations, conventions d’honoraires) pour qualifier ce qui relève clairement de la défense et sécuriser vos pratiques de conformité ;
Préparer des protocoles d’opposition à saisie (56-1/56-1-1), trames de tri et argumentaires pour JLD/président de la chambre de l’instruction ;
*Assister au contentieux de restitution/annulation de saisies et au pourvoi (recevabilité bâtonnier/personne/avocat désormais clarifiée)
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