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Incidents CME : recevabilité, art. 524 CPC et déféré (2024–2025)

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Incidents CME : recevabilité, art. 524 CPC et déféré (2024–2025)
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1) Le cadre légal (réformé) et l’office du CME

a) La bonne qualification de l’incident

Le défaut d’exécution d’un jugement exécutoire à titre provisoire n’entraîne pas l’irrecevabilité de l’appel : la sanction est la radiation du rôle à la demande de l’intimé, sur le fondement de l’article 524 CPC (ex-art. 526). Le texte est explicite : lorsque l’appelant n’a pas exécuté la décision assortie de l’exécution provisoire, la cour « peut, à la demande de l’intimé » ordonner la radiation. La décision de radiation est une mesure d’administration judiciaire ; elle n’est pas susceptible de déféré. En outre, la demande de radiation doit être présentée avant l’expiration du délai imparti à l’intimé par l’article 909 CPC ; elle suspend le délai imparti à l’intimé tant qu’elle n’est pas tranchée. 

Conséquence immédiate : des « conclusions d’incident » qui sollicitent l’irrecevabilité de l’appel pour défaut d’exécution sont mal dirigées. Le bon véhicule procédural est la radiation (art. 524 CPC), non une fin de non-recevoir. 

b) Les pouvoirs du conseiller de la mise en état

Depuis la réforme, le CME est seul compétent (jusqu’à son dessaisissement) pour : déclarer l’appel irrecevable (recevabilité de l’appel), prononcer l’irrecevabilité des conclusions au titre des articles 909 et 910, statuer sur les incidents mettant fin à l’instance, allouer des provisions, ordonner des mesures provisoires, etc. Les incidents relevant de son office doivent lui être soumis par des conclusions spécialement adressées, distinctes des conclusions au fond. Certaines de ses ordonnances peuvent être déférées (art. 913-8), mais la radiation de l’article 524 est qualifiée par la loi de mesure d’administration judiciaire (donc sans déféré). l

c) Le délai propre de l’intimé – article 909 CPC (version 1er sept. 2024)
L’intimé dispose de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (art. 908) pour conclure, à peine d’irrecevabilité relevée d’office. Ce délai borne également, depuis la réforme, la fenêtre pour déposer la demande de radiation (art. 524, al. 2). 


2) Recevabilité des conclusions d’incident de l’intimé : conditions et écueils

Pour qu’un incident de radiation (et non une fin de non-recevoir d’appel) soit recevable :

Fondement adéquat : viser l’article 524 CPC et non l’« irrecevabilité de l’appel ».

Juridiction compétente et forme : saisir le CME par conclusions spécialement adressées au CME (distinctes des écritures « Cour »).

Tempestivité : déposer avant l’expiration du délai de l’art. 909 CPC ; à défaut, l’incident est irrecevable. La loi précise désormais que la demande de radiation suspend le délai de l’intimé jusqu’à ce qu’il soit statué. 

Exceptions légales : la radiation ne sera pas prononcée si l’appelant justifie d’une impossibilité d’exécuter ou de conséquences manifestement excessives. Il peut encore aménager ou stopper l’exécution provisoire via le premier président (art. 514-3 CPC), ou consigner les sommes (art. 521 CPC) si l’autorisation a été délivrée. 


3) Les moyens opérants pour rejeter l’incident de l’intimé

En défense, vous disposez d’un faisceau d’arguments précis et hiérarchisés :

M1 – Mauvaise qualification :
L’intimé réclame une irrecevabilité de l’appel sur le fondement du défaut d’exécution ? Erreur de sanction : la loi prévoit la radiation (art. 524), non une fin de non-recevoir. Demander le rejet pur pour défaut de base légale/erreur de qualification. 

M2 – Incompétence/voie de saisine :
Vérifier que la demande a bien été adressée au CME, par conclusions distinctes. À défaut, irrecevabilité ou rejet (incompétence de la formation saisie). 

M3 – Tardiveté au regard de l’article 909 CPC :
L’article 524 (réformé) impose de présenter la demande avant l’expiration du délai de 909. Si l’intimé n’a pas conclu dans les trois mois, son incident est irrecevable, quand bien même il revendiquerait désormais l’art. 524. (La loi dit expressément « présentée avant l’expiration du délai imparti à l’intimé par l’article 909 »). Réponse à la question pratique : oui, l’incident peut (et doit) être rejeté pour tardiveté, même s’il invoque l’art. 524, si l’intimé a laissé expirer son 909.

M4 – Exceptions de l’article 524 (impossibilité / conséquences manifestement excessives) :
Démontrer positivement l’impossibilité d’exécution (insolvabilité établie, obstacles juridiques/techniques, saisies concurrentes, etc.) ou l’excès manifeste (effet disproportionné au regard de sommes élevées, risque systémique pour l’entreprise, etc.). En outre, solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire devant le premier président (art. 514-3) et/ou faire valider une consignation (art. 521) neutralise l’argument adverse. 

M5 – Neutralisation par l’état du débat / mesures d’instruction :
Si une expertise d’appel ou une mesure d’instruction a substantiellement modifié les données du litige, la Cour de cassation admet une atténuation des rigueurs de l’article 909 au nom de l’égalité des armes (Civ. 2, 11 sept. 2025). Cette évolution vise surtout les écritures au fond, mais elle milite, par cohérence, pour une appréciation stricte des incidents « hors délai » : l’intimé ne peut se « refaire » par un incident tardif qui n’a pas vocation à rétablir le contradictoire sur le fond. 

M6 – Non-exécution inexistante ou purgée :
Prouver l’exécution (même partielle si elle éteint la condamnation principale), une consignation autorisée (art. 521), ou une décision du premier président ayant suspendu l’exécution provisoire (art. 514-3) : l’incident devient sans objet. 


4) Jurisprudence : portée et limites (2016–2018 vs. 2025)

2016 – verrous « 909 » (avant réforme)

Cass. 2e civ., 28 janv. 2016, n° 14-18.712 (publié) : Après l’expiration du délai de l’art. 909, l’intimé n’est plus recevable à soulever un moyen de défense ou un incident d’instance. Portée : consacre la rigueur du 909 côté intimé ; utile aujourd’hui pour écarter un incident 524 déposé hors délai. Limite : la réforme a organisé la suspension du délai par le dépôt de la demande de radiation (art. 524, al. 4).

2018 – radiation et délais de l’intimé (droit antérieur)

Cass. 2e civ., 6 sept. 2018, n° 17-18.150 : sous l’ancien droit, les conclusions d’incident de radiation ne suspendaient pas le délai de 909 de l’intimé. Portée : illustre l’autonomie des délais. Limite décisive : depuis l’art. 524 nouveau, la demande de radiation suspend dorénavant le délai de l’intimé si elle a été déposée dans le 909.

2025 – actualité post-réforme

Cass. 2e civ., 6 mars 2025, n° 22-23.093 : applique le « nouveau » 524 ; confirme la logique de la radiation (et l’examen des impossibilités/« conséquences manifestement excessives »). Portée : guide pratique pour documenter l’exception à la radiation. 

Cass. 2e civ., 11 sept. 2025, n° 22-19.664 : tempérament « égalité des armes » : après une expertise d’appel, l’intimé doit pouvoir discuter le rapport malgré une ancienne irrecevabilité fondée sur 909. Portée : assouplissement ciblé au fond. Limite : n’ouvre pas un « sas » pour déposer tardivement un incident 524 après son 909. 

5) Conséquences et tactique procédurale

a) Si l’incident est rejeté
L’instance d’appel se poursuit ; les délais statutaires reprennent leur cours.
L’intimé qui a mal qualifié (fin de non-recevoir au lieu de radiation) perd l’effet suspensif que la loi attache seulement à la demande de radiation déposée à temps. 

b) Si la radiation est prononcée (art. 524)
L’affaire est retirée du rôle ; l’appel n’est pas éteint pour autant : il peut être réinscrit après justification de l’exécution, d’une consignation autorisée (art. 521) ou d’un arrêt/suspension de l’exécution provisoire (art. 514-3).
Attention à la péremption de l’instance si aucune diligence n’est accomplie dans le délai légal.

6) Stratégie de défense « prête à l’emploi » (échapper aux conséquences)

D’emblée, contester la qualification : demander le rejet si l’intimé vise l’« irrecevabilité de l’appel » au lieu de solliciter la radiation (art. 524). 

Opposer la tardiveté : vérifier la date d’expiration du 909 et viser l’alinéa 2 de l’art. 524 (« présentée avant l’expiration du 909 »).

Invoquer les exceptions légales : impossibilité d’exécuter (pièces comptables, procédures collectives, saisies paralysantes, obstacles juridiques) ou conséquences manifestement excessives (proportion, atteinte grave et immédiate) ; parallèlement, saisir le premier président (art. 514-3) pour arrêter l’exécution, et solliciter/justifier la consignation (art. 521). 

Clore la voie du déféré : rappeler que la radiation (art. 524) est une mesure d’administration judiciaire — pas de déféré possible ; éviter les manœuvres dilatoires adverses. 

Garder l’initiative : si une expertise d’appel est ordonnée, capitaliser sur l’arrêt Civ. 2, 11 sept. 2025 pour assouplir la rigidité du 909 au fond, tout en verrouillant l’irrecevabilité des incidents déposés hors délai.

7) Réponses « flash » aux questions récurrentes

Q : L’intimé qui n’a pas conclu dans les trois mois (art. 909) peut-il voir son incident rejeté, même fondé sur l’art. 524 ?

R : Oui. L’art. 524, al. 2, exige un dépôt avant l’expiration du 909. Un incident 524 tardif est irrecevable.

Q : Le défaut d’exécution rend-il l’appel irrecevable ?
R : Non. La sanction légale est la radiation (art. 524), mesure d’administration judiciaire. 

Q : L’incident suspend-il le délai de l’intimé ?
R : Oui, mais seulement l’incident 524 déposé à temps. Sous l’ancien droit (2018), il n’y avait pas de suspension ; le nouveau texte a corrigé le tir. 

Références vérifiées 

Textes
– CPC, art. 524 (« radiation pour défaut d’exécution », conditions, suspension du 909, nature de MAJ). 

– CPC, art. 909 (« 3 mois » intimé, irrecevabilité d’office). 

– CPC, art. 913-5 et 913-8 (attributions du CME ; conclusions spécialement adressées ; déféré limité).

– CPC, art. 514-3 (arrêt de l’exécution provisoire par le premier président). 

– CPC, art. 521 (consignation autorisée par le juge). 


Conclusion pratique

En 2025, la clé est double : (i) requalifier toute demande d’« irrecevabilité » pour défaut d’exécution en radiation art. 524 (et en vérifier la tempestivité 909), (ii) opposer les exceptions (impossibilité/conséquences manifestement excessives), tout en actionnant 514-3 (premier président) et 521 (consignation) pour neutraliser l’attaque. Les arrêts 2016–2018 demeurent utiles comme garde-fous sur la rigueur des délais, mais leur portée est désormais cantonnée par la lettre de l’article 524 (suspension du 909 par l’incident déposé à temps) et par les ajustements 2025 (égalité des armes après expertise, côté fond).


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Mémento « ultra-court » à garder sous la main

Défaut d’exécution ≠ irrecevabilité d’appel → radiation (art. 524). 
Avant 909 ou rien : la demande de radiation doit être déposée dans le 909 (et suspend alors ce délai).
Dévier l’incident : impossibilité / conséquences manifestement excessives + 514-3 (PP) + 521 (consignation).
Jurisprudence : 2016/2018 (rigueur 909) tempérée par textes réformés et affinement 2025 (égalité des armes au fond). 

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