Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
1. Résumé succinct
Parties : Caisse de Crédit mutuel de [Localité 4] (demanderesse au pourvoi) c/ Mme [C] [D] (en son nom et comme représentante légale), MM. [O], [P], [X] [H] et l’UDAF du Maine-et-Loire (administrateur ad hoc).
Juridiction : Cour de cassation, chambre commerciale, 12 juin 2025, n° 24-13.604, publié au bulletin
Nature du litige : Responsabilité de la banque pour avoir exécuté, sur des comptes d’épargne au nom de mineurs, des virements ordonnés par un seul parent sans solliciter l’autorisation de l’autre parent (actes de disposition impliquant l’accord conjoint ou l’autorisation du juge).
Effet direct sur la pratique : La Cour érige en faute bancaire l’exécution, par un seul administrateur légal, de virements sur livrets de mineurs sans l’autorisation de l’autre parent, en s’appuyant sur l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 qualifiant la modification de tout compte ou livret d’acte de disposition.
2. Analyse détaillée
Les faits
26 juin 2012 : M. [H], administrateur légal, fait virer 5 000 € sur chacun des trois livrets ouverts au nom de ses enfants, vers le compte d’une société qu’il dirige.
2012–2014 : Virements/retraits répétés jusqu’à quasi-épuisement des soldes (8,59 €, 10,08 €, 10,20 € au 31.12.2014).
Saisine du juge des tutelles à l’initiative de la mère ; désignation de l’UDAF 49 comme administrateur ad hoc.
La procédure
1re instance / appel : Mme [D], en son nom et pour ses enfants, agit en responsabilité contre la banque pour manquement au devoir de vigilance ; l’UDAF intervient. La CA d’Angers, 5 déc. 2023, condamne la banque.
Pourvoi (Crédit mutuel) : trois branches – i) la banque n’est pas garante de l’emploi des fonds ; ii) devoir de non-immixtion ; iii) absence d’anomalies apparentes.
Cassation (12 juin 2025) : rejet du pourvoi, par substitution de motifs de pur droit (art. 1015 CPC).
Contenu de la décision
Arguments des parties (au pourvoi)
Banque : (1) non-garantie de l’emploi des capitaux par l’administrateur légal (visant l’art. 499 C. civ.) ; (2) devoir de non-immixtion / seul devoir de vigilance ; (3) opérations non anormalement apparentes.
Raisonnement de la Cour de cassation
Texte-clef (ancienne rédaction) :
– Art. 389-5 C. civ. (2009–2016) : « Dans l’administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu’un tuteur ne pourrait faire qu’avec l’autorisation du conseil de famille… A défaut d’accord, l’acte doit être autorisé par le juge des tutelles. »
– Art. 505 C. civ. (2009–2022) : « Le tuteur ne peut, sans y être autorisé… faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. »
– Annexe 1 du décret n° 2008-1484 : est un acte de disposition la « modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée ».
Qualification : les virements opérés, par un seul parent, à partir de livrets de mineurs constituent des actes de disposition. À défaut d’accord de l’autre parent, la banque devait solliciter l’autorisation (accord conjoint ou juge). Faute commise → responsabilité engagée.
Solution retenue
Rejet du pourvoi. Condamnation aux dépens. (Arrêt n° 315 FS-B, publié au Bulletin).
Dispositif financier (en appel)
Condamnations au profit des enfants et de l’UDAF : 6 664,38 €, 6 294,89 €, 6 224,77 € + intérêts légaux à compter des prélèvements (capitalisation, art. 1154 anc.).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. com., 12 juin 2025, n° 24-13.604 – Rejet, publié au bulletin
Cass. 1re civ., 11 oct. 2017, n° 15-24.946 (compte de dépôt d’un mineur, retraits par l’administrateur légal — banque non garante de l’emploi, vigilance liée aux anomalies apparentes).
Cass. com., 21 sept. 2022, n° 21-12.335 (devoir de vigilance bancaire — portée, anomalies apparentes ; pas de responsabilité civile sur seul fondement LCB-FT).
3.2 Textes légaux
Article 389-5 du code civil (version en vigueur du 01.01.2009 au 01.01.2016 – abrogé par Ord. 2015-1288) :
« Dans l’administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu’un tuteur ne pourrait faire qu’avec l’autorisation du conseil de famille. A défaut d’accord, l’acte doit être autorisé par le juge des tutelles… »
Article 505 du code civil (version en vigueur du 01.01.2009 au 02.03.2022) :
« Le tuteur ne peut, sans y être autorisé… faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. »
Décret n° 2008-1484 du 22 déc. 2008 – Annexe 1 (liste des actes de disposition) :
« Modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée ».
4. Analyse juridique approfondie
Décryptage du raisonnement
La chambre commerciale articule 389-5 (anciens) + 505 (anciens) avec l’annexe 1 du décret 2008-1484 :
Les virements sortant des livrets des mineurs ≈ « modification de compte/livret » ⇒ acte de disposition.
En administration légale pure et simple, ces actes exigent l’accord des deux parents, à défaut autorisation du juge.
Conséquence : la banque devait solliciter l’autorisation de l’autre parent avant d’exécuter de tels virements ; elle a commis une faute en s’en abstenant.
Mise en perspective jurisprudentielle
Différenciation décisive avec Cass. 1re civ., 11 oct. 2017, n° 15-24.946 : là, des retraits sur compte de dépôt par l’administrateur légal (sous contrôle judiciaire) n’engendraient pas, en eux-mêmes, la responsabilité de la banque, hors anomalies apparentes (banque non garante de l’emploi).
Ici, la Cour qualifie l’opération sur livrets d’épargne d’acte de disposition exigeant double consentement : la faute bancaire résulte ex ante de l’absence d’autorisation de l’autre parent, sans passer par le test des « anomalies apparentes ».
Ligne « vigilance bancaire » confirmée mais recentrée : la responsabilité du banquier ne se confond ni avec la garantie de l’emploi (ancien courant) ni avec les obligations LCB-FT (ex. Cass. com., 21 sept. 2022, n° 21-12.335 : les obligations Tracfin n’ouvrent pas, en tant que telles, une action indemnitaire du client).
Ancrage ancien de l’administration légale : la logique de co-décision parentale pour les actes graves (disposition) irrigue déjà la jurisprudence antérieure (v. Cass. 1re civ., 20 mars 1989, n° 87-15.899), mais la présente décision transpose clairement ce schéma à la banque exécutant des virements depuis des livrets de mineurs.
Effets pratiques et compliance bancaire
Paramétrage SI : blocage/alerte « double autorisation parentale requise » pour tout virement/clôture/modification d’un livret enfant ; journalisation de la preuve de l’accord ou de l’ordonnance du juge. (Décret 2008-1484, annexe 1.)
Parcours agence / banque en ligne : recueil systématique des pouvoirs parentaux et statut de l’autorité parentale ; workflow de consentement (signature électronique de l’autre parent) avant exécution.
Formation conseillers : distinguer compte de dépôt (retraits = actes d’administration, logique « anomalies apparentes ») et livrets de mineurs (virements = disposition ⇒ double accord).
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos parcours bancaires « comptes mineurs » (KYC parentalité, circuits d’accord) à l’aune de cet arrêt.
Mettre à jour vos conditions et procédures internes (agence & digital), rédiger les trames d’autorisation conjointe et check-lists.
Assister/plaider en contentieux banque/consommateur, famille, construction/immobilier, droit public
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit bancaire