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CJUE 11-09-2025 (C-687/23) : actions pré-résolution opposables après bail-in

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CJUE 11-09-2025 (C-687/23) : actions pré-résolution opposables après bail-in
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1. Résumé succinct

Parties : D.E. (investisseur) c/ Banco Santander SA (successeur universel de Banco Popular Español SA).

Juridiction : Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 1re chambre – 11 septembre 2025, C-687/23.

Nature du litige : Portée des art. 34 §1 a)-b), 53 §§1-3 et 60 §2 b)-c) de la directive 2014/59/UE (BRRD) sur l’opposabilité, après résolution, de créances liées à des actions en nullité et en responsabilité fondées sur des informations défectueuses dans un prospectus, lorsque ces actions ont été introduites avant la résolution.

Effet direct sur la pratique : La CJUE admet l’opposabilité au banquier résolu (ou à son successeur) des créances “échues” issues d’actions introduites avant la résolution (y compris obligations convertibles en actions), sans exiger un jugement définitif avant la résolution. Cette solution complète les arrêts Banco Santander I (C-410/20, 5 mai 2022) et Banco Santander II (C-775/22, C-779/22, C-794/22, 5 sept. 2024), qui écartaient les actions introduites après la résolution.

2. Analyse détaillée

Les faits 

03/10/2009 : D.E., admin. unique de Lera Blava SLU, souscrit des obligations subordonnées convertibles Banco Popular.

05/2012 : Conversion en obligations subordonnées obligatoirement convertibles.

14/01/2013 : Transfert de ces obligations à D.E. en paiement de salaires (autorisation Banco Popular le 22/02/2013).

25/11/2015 : Conversion obligatoire en actions Banco Popular.

10/2016 : D.E. agit en nullité de l’acquisition + responsabilité (défaut d’information MiFID) visant restitution de l’investissement + intérêts.

07/06/2017 : Résolution Banco Popular par le CRU (SRB/EES/2017/08), approuvée par la Commission (UE) 2017/1246 :
– Capital réduit à zéro ; D.E. perd ses actions sans contrepartie.
– Conversion d’instruments de fonds propres de catégorie 2 ; transfert des nouvelles actions à Banco Santander.

2018 : Fusion-absorption : Banco Santander devient successeur universel.
Contexte normatif : BRRD (Dir. 2014/59) – renflouement interne, dépréciation/conversion, principe “no creditor worse off”.

Procédure 

1re instance (Espagne) : Nullité accueillie (obligations convertibles).

Appel (Audiencia Provincial) : Infirme sur la qualité pour agir de D.E.

Pourvoi (Tribunal Supremo) : renvoi préjudiciel CJUE (décision du 02/11/2023, saisine 15/11/2023).

Questions :

Les droits issus de ces actions introduites avant la résolution constituent-ils des “créances échues” donc opposables (art. 53 §3, 60 §2 b) BRRD) ?

Ou doivent-ils avoir fait l’objet d’un jugement définitif antérieur à la résolution ?

Conclusions AG Ćapeta (13/02/2025) ; arrêt CJUE 11/09/2025.

Contenu de la décision

Arguments 

Commission : l’introduction avant la résolution suffirait à qualifier d’échues (au sens BRRD). États (Espagne, Italie, Portugal) & Banco Santander : exigence d’un jugement définitif avant la résolution.
Raisonnement de la CJUE

Texte & contexte BRRD (art. 34 §1 a-b ; 53 §3 ; 60 §2 b-c ; 48) :

– Après dépréciation totale, seules les obligations/ créances “déjà échues” demeurent opposables.

– L’accent mis par l’art. 53 §3 sur les “procédures ultérieures” n’exclut pas l’opposabilité dans les procédures déjà pendantes au jour de la résolution.

Différences avec les actions post-résolution (Banco Santander I & II) : les actions après résolution risquent de réduire rétroactivement les fonds propres mobilisés ; avant résolution, pas d’effet rétroactif : les risques de litiges pendants doivent être pris en compte dans la valorisation (art. 36 BRRD), y compris en valorisation provisoire (urgence).

Droits fondamentaux (Charte art. 47) : fermer des procédures déjà engagées du seul fait de la résolution porterait une atteinte disproportionnée ; nul n’a à subir le hasard de la durée de procédure (adage iura vigilantibus).

Solution
La CJUE juge que les droits découlant d’actions en nullité et/ou en responsabilité introduites avant la dépréciation totale (résolution) peuvent être qualifiés de “créances/obligations échues” (art. 53 §3 et 60 §2 b) BRRD) et sont opposables à la banque résolue ou à son successeur. Aucun jugement définitif antérieur n’est requis.


3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 


CJUE, 1re ch., 11 sept. 2025, C-687/23, D.E. c/ Banco Santander (Banco Popular III) 

CJUE, 3e ch., 5 mai 2022, C-410/20, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular I) 


CJUE, 5 sept. 2024, C-775/22, C-779/22, C-794/22, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular II) 


CJUE, 6 mars 2025, C-575/23, ONB e.a. – rappel sur recevabilité/pertinence du renvoi →


Décision CRU SRB/EES/2017/08 (7 juin 2017) & Décision (UE) 2017/1246 – éléments de contexte (résolution Banco Popular) 

3.2 Textes légaux 

Directive 2014/59/UE (BRRD) – JO L 173, 12.6.2014 ; art. 34 §1 a-b ; 36 ; 48 ; 53 §§1-3 ; 60 §2 b-c. Version FR JO & page ELI

Directive 2004/39/CE (MiFID I) – JO L 145, 30.4.2004 ; art. 19 (devoirs d’information)

Directive 2003/71/CE (Prospectus) – JO L 345, 31.12.2003 ; art. 6 (responsabilité pour prospectus) 

4. Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

Clé d’entrée : La notion d’“obligation/créance échue” (art. 53 §3 et 60 §2 b) BRRD) n’exige pas un jugement définitif – il suffit que l’action (nullité / responsabilité pour prospectus vicié ou défaut d’info MiFID) ait été introduite avant la résolution.

Compatibilité BRRD/Charte : Laisser survivre ces demandes protège l’art. 47 Charte sans compromettre la stabilité financière : le risque contentieux doit être intégré dans la valorisation de résolution (art. 36), quitte à provisionner via valorisation provisoire.

Frontière avec Banco Santander I & II :

– Après la résolution → actions irrecevables/irréconciliables avec l’effet utile du bail-in (risque rétroactif sur les fonds propres).

– Avant la résolution → créance opposable ; aucune rétroactivité ; neutralité pour l’équilibre du bail-in (l’inventaire comptable doit l’intégrer).

Évolution jurisprudentielle (construction cohérente)

C-410/20 (2022) : barrières pour actions post-résolution → protection du bail-in. Cour de justice de l'Union européenne

C-775/22 & a. (2024) : confirmation/extension à souscriptions d’obligations converties en actions, introduites après résolution → irrecevables. Cour de justice de l'Union européenne

C-687/23 (2025) : ouverture pour actions introduites avant résolution → opposabilité en tant que créances échues.

Portée pratique (banques, syndics, fonds) :

Due diligence résolution : intégrer tous les litiges pendants au jour J dans la valorisation ; ajuster coussin de pertes (art. 36 §9).

Contentieux investisseurs : si assignation antérieure au bail-in → poursuite possible contre successeur (ex. Banco Santander). Après bail-in → trajectoire barrée par Banco Santander I & II. 

5. Accompagnement personnalisé

SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :

Auditer vos dossiers “Banco Popular / instruments subordonnés / actions avant bail-in” (recevabilité, quantum, prescription).

Calibrer une stratégie probatoire (prospectus, KID, profilage MiFID, traçabilité commerciale) et plaider l’opposabilité au successeur bancaire

Conseiller banques/syndics : intégration contentieux dans valorisations BRRD (art. 36), gestion du risque en M&A “resolution”.

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