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1. Résumé succinct
Parties : Mme [S] [F], épouse [O] (demanderesse au pourvoi) c/ M. [Z] [O].
Nature du litige : Droit international privé – régimes matrimoniaux – détermination de la loi applicable au régime matrimonial au regard de l’article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978.
Effet direct sur la pratique/jurisprudence : la 1re civ. censure l’application du critère de la première résidence habituelle après le mariage lorsque les époux n’ont pas, après le mariage, une première résidence habituelle dans le même État ; dans ce cas, il faut rechercher la loi des liens les plus étroits (dernier alinéa de l’art. 4 CLH 1978).
2. Analyse détaillée
Les faits
Mariage : 20 septembre 1994, à [Localité 6] (Italie), sans contrat.
Après le mariage (1994–1996) : le mari (nationalité française) réside et travaille en France ; l’épouse (nationalité irlandaise) se trouve à l’étranger — pas de première résidence commune dans le même État.
Installation commune : 1996, Arabie saoudite.
Divorce : jugement du 12 août 2020.
La procédure
CA Aix-en-Provence (16 févr. 2023) : dit applicable au régime matrimonial la loi saoudienne, au motif que la première résidence habituelle « après le mariage » se situerait en Arabie saoudite (installation en 1996).
Pourvoi : deux moyens ; la Cour de cassation ne motive pas spécialement (CPC art. 1014, al. 2) sur le 1er moyen (branche 1) et sur le 2nd moyen.
Cassation (1er oct. 2025) : cassation partielle de l’arrêt, sur le 1er moyen (branche 2) ; renvoi devant la cour d’appel de Lyon.
Contenu de la décision
Arguments des parties
La demanderesse soutenait que faute de première résidence habituelle dans le même État juste après le mariage et faute de nationalité commune, l’art. 4 impose de rechercher la loi présentant les liens les plus étroits avec le régime matrimonial — et non d’appliquer automatiquement la loi du pays où les époux se sont installés plusieurs années après le mariage.
Raisonnement de la Cour de cassation
Visa : article 4 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978.
Règle rappelée :
À défaut de désignation expresse, la loi applicable est celle de l’État de la première résidence habituelle après le mariage ;
Si cette première résidence n’est pas dans le même État pour les deux époux, la loi applicable est celle de la nationalité commune ;
À défaut à la fois de résidence commune et de nationalité commune, la loi applicable est celle des liens les plus étroits.
Erreur de la CA : la CA constate que les époux n’avaient pas de première résidence commune après le mariage (l’un en France, l’autre à l’étranger), puis retient néanmoins la loi saoudienne au titre d’une « première résidence habituelle » commune en 1996. La Cour censure : le critère de la première résidence ne s’applique pas quand cette première résidence n’est pas commune ; il faut alors déterminer la loi des liens les plus étroits.
Solution
Cassation partielle sur la loi applicable au régime matrimonial ; renvoi devant CA Lyon ; dépens et art. 700 CPC (3 000 € à Mme [F]).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. civ. 1re, 1er oct. 2025, n° 23-17.313, publié au Bulletin
Cass. civ. 1re, 14 mai 2014, n° 12-29.922 (inédit) – art. 4 CLH 1978 : si pas de première résidence commune, on ne peut pas retenir ce critère ; on bascule vers les autres branches de l’art. 4.
Cass. civ. 1re, 12 avr. 2012, n° 10-27.016, publié au Bulletin – arts. 4, 7, 8 CLH 1978 : changement de loi applicable sans rétroactivité ; rappel structurant de la mécanique art. 4/7/8.
Cass. civ. 1re, 12 nov. 2009, n° 08-18.343 – applicabilité universelle (art. 2).
Cass. civ. 1re, 13 déc. 2017, n° 16-27.216 (publié) – art. 6 & 11 CLH : désignation expresse / changement de loi.
3.2 Textes légaux
Convention de La Haye du 14 mars 1978 – Article 4 (extrait pertinent) :
« (…) À défaut de résidence habituelle des époux sur le territoire du même État et à défaut de nationalité commune, leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits. »
Code de procédure civile – art. 1014, al. 2 (version en vigueur) : la Cour peut ne pas statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
4. Analyse juridique approfondie
Décryptage du raisonnement
La Cour réaffirme la logique en paliers de l’article 4 CLH 1978 :
Première résidence habituelle commune après le mariage ⇒ loi de cet État.
Pas de résidence commune mais nationalité commune ⇒ loi nationale commune.
Ni résidence commune ni nationalité commune ⇒ loi des liens les plus étroits (test de proximité).
En l’espèce, la CA a dénaturé la séquence : elle a assimilé l’installation postérieure (1996) à une « première résidence habituelle » commune, alors même qu’elle constatait l’absence de résidence commune dans la période immédiatement postérieure au mariage (1994–1996). D’où cassation.
Comparaison avec la jurisprudence antérieure
2014 (n° 12-29.922) : cas quasi jumeau — la 1re civ. censure la CA qui avait retenu la France comme première résidence alors que les époux n’avaient pas de résidence commune après le mariage ; la Cour bascule alors vers l’autre branche de l’art. 4 (nationalité commune ou, à défaut, liens les plus étroits).
2012 (n° 10-27.016) : articulation art. 4/7/8 (notamment la non-rétroactivité du changement de loi), pierre angulaire pour la liquidation : quand la loi change ensuite (ex. fixation de la résidence dans l’État de nationalité commune), le changement n’affecte pas les biens acquis sous la première loi.
Principe d’universalité (2009, n° 08-18.343) : la CLH 1978 s’applique même si la nationalité, la résidence ou la loi désignée n’est pas celle d’un État contractant — ce qui justifie de raisonner strictement selon l’art. 4, sans dérogations extra-conventionnelles.
Apport de 2025 : l’arrêt du 1er octobre renforce la lisibilité de la première branche de l’art. 4 : le critère « première résidence habituelle » suppose une résidence commune immédiatement après le mariage ; à défaut, il est inopérant et l’analyse doit immédiatement se déplacer vers la nationalité commune, puis vers le critère des liens les plus étroits.
Évolutions pratiques
Contentieux de l’expatriation : les couples « bi-nationaux » mobiles doivent anticiper que l’installation différée (même durable) ne « répare » pas l’absence de résidence commune immédiatement après le mariage.
Méthode : les juridictions du fond doivent documenter (i) la période post-mariage (y a-t-il résidence commune ?), (ii) l’éventuelle nationalité commune, (iii) à défaut, un faisceau d’indices « liens les plus étroits » (lieu de localisation des biens, centre de vie patrimonial, durée, localisation des revenus, etc.).
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos dossiers familiaux internationaux (contrats de mariage, liquidations) au regard de la CLH 1978 ;
Sécuriser vos stratégies procédurales (argumentaire art. 4/7/8, preuve de la (non) résidence commune, faisceau des liens les plus étroits) ;
Assister/plaider devant la cour de renvoi (or, ici : CA Lyon).
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