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La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocats à Saint-Nazaire, accompagne notamment les familles recomposées dans toutes leurs problématiques de filiation (adoption de l’enfant du conjoint, partage de l’autorité parentale, organisation patrimoniale) ainsi que dans les procédures de séparation et de divorce. Cette décision constitutionnelle impacte directement les stratégies d’adoption au sein des familles recomposées et les montages patrimoniaux qui les accompagnent.
1. Résumé juridique de la décision
Partie requérante : Mme Catherine I. épouse C., représentée par Me Marie-Claire Di Dia, avocate au barreau de Bordeaux.
Intervenant volontaire : Association « Le syndicat de la famille ».
Juridiction : Conseil constitutionnel Décision n° 2025-1170 QPC du 9 octobre 2025
Disposition contestée :
Article 345-2 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022, entrée en vigueur au 1er janvier 2023.
La QPC porte spécifiquement sur les mots :
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes »
Nature du litige :
Une QPC posée à l’occasion d’un litige de droit de la famille relatif à l’adoption, portant sur l’interdiction des adoptions successives par les deux beaux-parents d’un même enfant : un conjoint d’un parent est empêché d’adopter la personne qui a déjà été adoptée par le conjoint de l’autre parent.
Question posée :
Ces mots violent-ils :
le principe d’égalité devant la loi (art. 6 DDHC) ;
le droit de mener une vie familiale normale (préambule de 1946, al. 10) ;
le droit au respect de la vie privée et l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Solution :
Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions conformes à la Constitution.
Effet direct sur la pratique :
Confirmation de l’impossibilité, sauf cas expressément prévus par la loi, pour deux beaux-parents d’adopter successivement la même personne ; obligation de choisir l’un des deux beaux-parents comme adoptant, le second ne pouvant obtenir un lien de filiation adoptive.
2. Analyse détaillée de la décision
2.1. Les faits
Les décisions officiellement accessibles n’exposent pas en détail la situation familiale de la requérante.
Le Conseil constitutionnel se borne à rappeler le schéma juridique du litige :
La personne concernée a déjà été adoptée par le conjoint de l’un de ses parents.
Le conjoint de l’autre parent souhaite également adopter cette personne.
L’article 345-2 du code civil, tel qu’interprété par la Cour de cassation, fait obstacle à cette seconde adoption : une personne ne peut être adoptée que par une seule personne (ou un couple) sauf exceptions limitativement prévues.
On sait, par la décision, que la situation concerne donc une famille recomposée, dans laquelle chaque parent est en couple avec un nouveau conjoint, les deux beaux-parents souhaitant chacun adopter la même personne.
En l’état des sources accessibles (notamment l’arrêt de renvoi du 9 juillet 2025, n° 25-40.010, publié sur le site de la Cour de cassation mais non consultable sans interface JavaScript), il n’est pas possible de détailler davantage les faits sans sortir du champ des informations vérifiables.
2.2. La procédure
Litige de fond devant les juridictions judiciaires
Une demande d’adoption est formée, en pratique par un beau-parent, dans un contexte où l’autre beau-parent a déjà adopté la personne concernée.
La juridiction du fond applique l’interdiction d’adoptions successives posée par l’article 345-2 du code civil.
Pourvoi en cassation
Saisie du pourvoi enregistré sous le n° 25-40.010, la première chambre civile de la Cour de cassation transmet une QPC au Conseil constitutionnel par arrêt du 9 juillet 2025 (arrêt n° 601). QPC360
Saisine du Conseil constitutionnel
Saisine enregistrée le 9 juillet 2025 sous le n° 2025-1170 QPC.
Observations écrites :
de la requérante ;
du Premier ministre ;
de l’association intervenante « Le syndicat de la famille ».
Audience publique
Audience du 30 septembre 2025, au cours de laquelle sont entendus :
l’avocate de la requérante ;
l’avocate de l’association intervenante ;
le représentant du Premier ministre.
Décision du Conseil constitutionnel
Décision rendue le 9 octobre 2025, publiée au Journal officiel du 10 octobre 2025.
2.3. Les arguments des parties
2.3.1. Arguments de la requérante
La requérante critique les dispositions contestées sur trois axes principaux :
Atteinte au principe d’égalité (art. 6 DDHC)
Entre les deux beaux-parents : l’un peut adopter, l’autre en est empêché du seul fait de la première adoption.
Entre les couples recomposés : dans un couple où chacun a un enfant d’une précédente union, un seul conjoint pourrait adopter l’enfant de l’autre, créant une disparité au sein du couple.
Atteinte au droit au respect de la vie privée et à la vie familiale
L’impossibilité pour le second beau-parent d’adopter ferait échec à la reconnaissance juridique de liens affectifs réels et durables, portant atteinte à la vie familiale.
Méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant
Le refus d’admettre la seconde adoption priverait l’enfant de la protection juridique et patrimoniale associée à la filiation adoptive avec ce second beau-parent : droits successoraux, solidarité familiale, stabilité du lien.
2.3.2. Position du Premier ministre
Le Premier ministre soutient la constitutionnalité de l’article 345-2 :
Le législateur dispose d’une large marge d’appréciation en matière d’état des personnes (art. 34 C°).
L’interdiction d’adoptions successives poursuit un objectif de stabilité de la filiation adoptive et de sécurité juridique.
Il existe des exceptions légales (décès de l’adoptant, adoption simple après adoption plénière pour motifs graves) qui montrent que le législateur a opéré un équilibre entre stabilité des liens et intérêt de l’adopté.
Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas un droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive, ligne déjà dégagée par le Conseil constitutionnel. QPC360+1
2.3.3. Arguments de l’association « Le syndicat de la famille »
L’association intervenante soutient les griefs de la requérante en insistant sur :
la reconnaissance des familles recomposées ;
la nécessité de permettre à chaque beau-parent de traduire juridiquement des liens affectifs et éducatifs durables ;
le risque de discrimination entre beaux-parents et au sein des couples recomposés.
2.4. Le raisonnement du Conseil constitutionnel
Le Conseil structure son contrôle en deux temps : principe d’égalité puis droit à la vie familiale et vie privée, en intégrant la référence à l’intérêt supérieur de l’enfant. Légifrance
2.4.1. Sur le principe d’égalité devant la loi
Rappel du cadre
Art. 6 DDHC : la loi doit être la même pour tous, mais le législateur peut traiter différemment des situations différentes, ou déroger à l’égalité pour un motif d’intérêt général, dès lors que la différence de traitement est en rapport direct avec l’objet de la loi.
Constat de la différence de traitement
Les dispositions contestées, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, aboutissent à une différence de traitement entre :
les conjoints respectifs des parents d’une personne : seul l’un des deux beaux-parents peut établir un lien de filiation adoptive.
But poursuivi par le législateur
Le législateur a entendu garantir à la personne adoptée une stabilité dans ses liens de parenté, compte tenu des difficultés juridiques résultant de l’établissement de multiples liens de filiation adoptive.
Contrôle du lien de proportionnalité
Le Conseil juge que :
le motif d’intérêt général (stabilité de la filiation adoptive) est légitime ;
la différence de traitement est en rapport direct avec l’objet de la loi (organisation de la filiation adoptive).
Il n’appartient pas au Conseil de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre à opérer entre pluralité de liens adoptifs et stabilité de la filiation.
Conclusion : le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité est écarté.
2.4.2. Sur le droit de mener une vie familiale normale
Fondement constitutionnel
Droit de mener une vie familiale normale : dixième alinéa du Préambule de 1946.
Effets concrets de la règle contestée
L’article 345-2 se borne à prévoir qu’une personne ne peut, en principe, faire l’objet que d’une seule adoption, sauf cas limitativement énumérés.
Le Conseil souligne que cette règle n’empêche pas :
que le conjoint d’un parent soit associé à l’éducation et à la vie de l’enfant ;
que se développe une vie familiale de fait entre l’enfant et ce beau-parent.
Portée du droit à une vie familiale normale
Ligne jurisprudentielle confirmée : le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas un droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive.
Conclusion : la limitation du nombre d’adoptions successives ne porte pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale.
2.4.3. Vie privée et intérêt supérieur de l’enfant
Le Conseil relève que les dispositions contestées ne méconnaissent ni :
le droit au respect de la vie privée ;
ni l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ;
ni aucun autre droit ou liberté garantis par la Constitution.
2.5. Dispositif
Les mots « Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes » de l’article 345-2 du code civil sont déclarés conformes à la Constitution.
La décision est publiée au Journal officiel et notifiée selon l’ordonnance du 7 novembre 1958.
3. Références juridiques et vérifications
3.1. Jurisprudence
Décision commentée
Cons. const., déc. n° 2025-1170 QPC, 9 oct. 2025, Mme Catherine I. épouse C. [Interdiction des adoptions successives par deux beaux-parents d’un même enfant]
Cour de cassation – adoptions successives par deux beaux-parents
Cass. civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-16.527, publié au Bulletin
La Cour casse un arrêt ayant admis la seconde adoption simple d’un adulte par la seconde épouse de son père, alors qu’il avait déjà été adopté par le nouveau mari de sa mère, en rappelant que le droit au respect de la vie familiale ne commande pas de consacrer tous les liens d’affection par une adoption.
Cour de cassation – adoption au sein d’un couple non marié
Cass. civ. 1re, 9 mars 2011, n° 10-10.385, publié au Bulletin
Rejet d’une adoption simple réciproque par deux femmes vivant ensemble, en application de l’article 365 du code civil, en s’appuyant notamment sur la décision n° 2010-39 QPC. Légifrance
Conseil constitutionnel – adoption simple et vie familiale normale
Cons. const., déc. n° 2010-39 QPC, 6 oct. 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié]
Le Conseil juge que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive et admet la différence de traitement entre couples mariés et non mariés en matière d’adoption de l’enfant du conjoint. Légifrance+2QPC360+2
3.2. Textes légaux (versions applicables)
Article 345-2 du code civil
Version issue de l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, applicable aux instances introduites à compter de cette date.
Extrait :
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins. »
Articles 343 et 343-1 du code civil (conditions pour adopter)
Art. 343 : l’adoption peut être demandée par deux époux, deux partenaires liés par un PACS ou deux concubins, sous conditions d’âge ou de durée de vie commune. Légifrance+1
Art. 343-1 : l’adoption peut aussi être demandée par un adoptant seul, âgé de plus de vingt-six ans.
Article 353-1 du code civil (contrôle du juge)
Le tribunal judiciaire vérifie que les conditions légales sont remplies et que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Textes constitutionnels
Article 34 de la Constitution : compétence du législateur pour fixer les règles relatives à l’état et la capacité des personnes.
Article 6 DDHC (égalité devant la loi).
Préambule de 1946, alinéa 10 (droit de mener une vie familiale normale).
4. Analyse juridique approfondie
4.1. Une continuité assumée avec la jurisprudence de la Cour de cassation
La décision 2025-1170 QPC ne crée pas une rupture, elle consacre une ligne jurisprudentielle ancienne :
Sous l’empire de l’ancien article 346 du code civil, la Cour de cassation avait déjà jugé que :
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux » ;
le droit au respect de la vie familiale n’interdit pas de limiter le nombre d’adoptions successives, et ne commande pas de consacrer par une adoption tous les liens d’affection, fussent-ils anciens et bien établis.
En transposant cette clause dans le nouvel article 345-2, le législateur de 2022 a codifié une solution déjà ferme de la Cour de cassation.
Le Conseil constitutionnel vient, en quelque sorte, constitutionnaliser cette approche :
la stabilité de la filiation adoptive prime sur la multiplication des liens de filiation ;
l’adoption est conçue comme un instrument de protection de l’enfant, non comme la reconnaissance automatique de tous les liens d’affection ou de proximité éducative.
4.2. Alignement avec la jurisprudence constitutionnelle antérieure
La décision 2025-1170 QPC s’inscrit directement dans le prolongement de la décision 2010-39 QPC (art. 365 du code civil)
Le Conseil y avait affirmé que :
le droit de mener une vie familiale normale protège la réalité de la vie familiale (possibilité de vivre ensemble, de se voir, de maintenir des liens) ;
mais il n’ouvre pas un droit subjectif à la création d’un lien de filiation adoptive.
La QPC de 2025 transpose ce raisonnement à une problématique légèrement différente :
non plus l’accès initial à l’adoption,
mais la limitation du nombre d’adoptants d’une même personne.
On constate également une cohérence avec la décision 2013-669 DC relative à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, où le Conseil avait déjà refusé de déduire de la Constitution un quelconque « modèle unique » de filiation, laissant une large marge de manœuvre au législateur en matière d’adoption.
4.3. Portée pratique : familles recomposées et stratégie d’adoption
Pour la pratique des avocats, notaires et conseils en droit de la famille, la portée de la décision est nette :
Interdiction confirmée des doubles adoptions par deux beaux-parents
Dans une famille recomposée où chaque parent est en couple avec un nouveau conjoint, un seul des deux beaux-parents pourra, en principe, établir un lien de filiation adoptive (simple ou plénière selon les cas).
L’autre devra recourir à d’autres instruments juridiques (mandat de protection future, assurance-vie, libéralités, organisation de l’autorité parentale via d’autres mécanismes, etc.), la filiation adoptive lui étant fermée.
Rôle renforcé du conseil en amont
Il est désormais clairement établi qu’une stratégie consistant à faire adopter un enfant par les deux beaux-parents, l’un après l’autre, est juridiquement impossible, sauf hypothèses légales d’exception (décès de l’adoptant, adoption simple après adoption plénière pour motifs graves).
Articulation avec l’intérêt de l’enfant
Le Conseil ne nie pas l’importance des liens affectifs avec le deuxième beau-parent, mais considère que l’intérêt supérieur de l’enfant se concilie aussi avec la lisibilité de son statut et la stabilité de ses liens de filiation.
L’intérêt de l’enfant est ainsi compris comme un intérêt global, qui intègre la sécurité juridique et non seulement la reconnaissance de tous les liens affectifs.
5. Regard critique et perspectives
5.1. Sur la méthode de contrôle
Le contrôle du Conseil reste classique et modéré :
reconnaissance de la différence de traitement ;
validation du but d’intérêt général (stabilité de la filiation) ;
refus d’un contrôle trop poussé de proportionnalité, en rappelant les limites de sa propre compétence (art. 61-1 C°). L
5.2. Points de discussion
Rigidité ressentie pour les familles recomposées
On peut estimer que la solution ne reflète que partiellement la réalité sociologique des familles recomposées, où le double investissement affectif et éducatif des deux beaux-parents peut être fort, ancien et structurant.
Toutefois, le Conseil renvoie clairement au législateur : s’il souhaite assouplir le système (par exemple par une forme d’« adoption conjointe recomposée »), ce ne serait pas constitutionnellement imposé, mais politiquement possible.
Lisibilité vs souplesse
La décision privilégie une lisibilité forte de la filiation adoptive (un « plafond » de liens adoptifs) plutôt qu’une souplesse fine permettant d’additionner les liens.
On reste fidèle à la conception française d’une filiation forte, structurante, limitée à quelques liens clairement identifiés.
Perspectives d’évolution
Après cette décision, une réforme législative visant à ouvrir une double adoption par beaux-parents devrait :
démontrer qu’elle ne compromet pas la stabilité de la filiation ;
organiser de manière rigoureuse les effets successoraux, le nom, l’autorité parentale et les conflits éventuels entre adoptants.
Le Conseil laisse cette marge d’innovation au Parlement, tout en fixant un cadre constitutionnel exigeant.
6. Accompagnement par la SELARL PHILIPPE GONET
Dans ce contexte jurisprudentiel clarifié, la SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut :
Analyser concrètement votre situation familiale (famille recomposée, adoption de l’enfant du conjoint, liens avec les beaux-parents) au regard de l’article 345-2 du code civil ;
Construire une stratégie adaptée lorsque l’adoption par le beau-parent n’est pas possible (outils patrimoniaux, protection contractuelle, organisation de la vie familiale) ;
Vous assister dans toute procédure d’adoption (simple ou plénière) ou de contentieux familial (divorce, autorité parentale, résidence de l’enfant, succession).
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