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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat installée 2 rue du Corps de Garde à Saint-Nazaire, intervient notamment en droit immobilier, fiscalité locale liée aux immeubles (taxe foncière, contentieux de valeur locative), droit de la construction et des procédures collectives.
Dans le prolongement de la décision n° 2025-1174 QPC, le cabinet accompagne les propriétaires d’actifs immobiliers (commerces, locaux professionnels, foncières, investisseurs) qui souhaitent contester leurs impositions directes locales assises sur la valeur locative, en particulier lorsqu’une loi de validation vient tenter de neutraliser la jurisprudence favorable issue du Conseil d’État.
1. Résumé de la décision
1.1 Parties et juridiction
Juridiction : Conseil constitutionnel
Nature : Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Décision : n° 2025-1174 QPC, 28 novembre 2025
Partie requérante : Société United France 2021 Propco SNC
Disposition contestée : paragraphe II de l’article 63 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, relative à la validation législative d’impositions directes locales établies sur la base du mécanisme de “planchonnement” de l’article 1518 A quinquies du CGI.
Décision Cons. const., n° 2025-1174 QPC, 28 nov. 2025, Société United France 2021 Propco SNC
1.2 Nature du litige
Le litige porte sur la constitutionnalité d’une loi de validation rétroactive qui :
valide, pour les années 2023 et 2024, les impositions directes locales fondées sur une interprétation illégale du mécanisme d’atténuation (“planchonnement”) prévu au III de l’article 1518 A quinquies du CGI, telle qu’elle avait été censurée par le Conseil d’État (décisions n° 474735, 474736 et 474757 du 13 novembre 2023) ;
réserve seulement les réclamations introduites avant le 10 octobre 2024.
La question centrale : le législateur peut-il, sans “motif impérieux d’intérêt général”, valider rétroactivement des impositions établies en violation des règles d’assiette en vigueur, au détriment des contribuables ?
1.3 Effet direct sur la jurisprudence et les pratiques
Le Conseil constitutionnel :
déclare inconstitutionnel le paragraphe II de l’article 63 de la loi de finances pour 2025, pour méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789 (garantie des droits / lois de validation) ;
refuse de reconnaître l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général (ni contentieux massif, ni risque financier majeur démontré) ;
rétablit ainsi pleinement l’effet des décisions du Conseil d’État ayant jugé illégale l’ancienne pratique administrative du “planchonnement”.
Conséquence pratique : les contribuables peuvent à nouveau contester leurs impositions 2023-2024 fondées sur un calcul erroné du “planchonnement” sans que la loi de validation puisse leur être opposée.
2. Analyse détaillée
2.1 Les faits : contexte et chronologie
2.1.1 La réforme des valeurs locatives des locaux professionnels
Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 – article 34
Cette loi engage la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels, en prévoyant notamment la création de commissions départementales des valeurs locatives et de nouvelles méthodes de détermination de la valeur locative.
Article 1498 du CGI – valeur locative des locaux professionnels
Il fixe les méthodes de détermination de la valeur locative (loyer, comparaison, appréciation directe).
Création de l’article 1518 A quinquies du CGI (loi n° 2017-1775 du 28 déc. 2017, art. 30)
Il met en place un mécanisme de neutralisation et d’atténuation de la réforme :
I : coefficient de neutralisation ;
III : “planchonnement” par majoration ou minoration de la valeur locative égale à la moitié de la différence entre valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et valeur révisée.
Décisions du Conseil d’État du 13 novembre 2023 (Immobilière Carrefour / Leroy Merlin)
Le CE précise que, pour le “planchonnement”, la valeur locative révisée à comparer à la valeur non révisée de 2017 est celle de chaque année d’imposition, avec prise en compte des coefficients de localisation, et non une valeur figée à 2017.
Cela revient à dynamiser le “planchonnement” en l’indexant sur la valeur locative effectivement retenue chaque année, ce qui peut conduire à une diminution des impositions pour certains contribuables.
2.1.2 L’intervention du législateur en 2025
Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 – article 63
I : modifie le III de l’article 1518 A quinquies pour substituer à la valeur locative annuelle la valeur révisée au 1er janvier 2017 comme second terme de la différence utilisée pour calculer le “planchonnement”.
II : organise une validation législative des impositions 2023-2024 : sous réserve des réclamations introduites avant le 10 octobre 2024, sont validées les impositions directes locales contestées au motif que la valeur locative prise en compte pour le “planchonnement” aurait dû être celle de chaque année et non celle de 2017.
C’est ce II de l’article 63 qui est précisément contesté dans la QPC.
2.1.3 La situation de la société United France 2021 Propco SNC
La société, propriétaire de locaux professionnels, est imposée au titre des années 2023 et 2024 (taxe foncière et autres impositions directes locales assises sur la valeur locative).
Elle entend se prévaloir de la jurisprudence du Conseil d’État du 13 novembre 2023 pour contester la méthode de calcul du “planchonnement” utilisée par l’administration, plus défavorable que celle résultant des textes.
L’intervention de l’article 63 II de la loi de finances pour 2025 vient bloquer rétroactivement cette contestation, sauf si la réclamation a été déposée avant le 10 octobre 2024.
2.2 La procédure : du Conseil d’État au Conseil constitutionnel
Contentieux fiscal devant la juridiction administrative
La société United France 2021 Propco SNC est engagée dans un litige devant le Conseil d’État portant sur l’application du III de l’article 1518 A quinquies du CGI et sur la légalité de la validation opérée par l’article 63 II de la loi de 2025.Légifrance
Décision de renvoi QPC – Conseil d’État, 17 septembre 2025, n° 506083
Le CE constate que la question de la conformité à la Constitution de l’article 63 II (loi de validation d’impositions) présente un caractère sérieux, notamment au regard de l’article 16 de la Déclaration de 1789 (garantie des droits) et de la jurisprudence antérieure sur les lois de validation.
Il transmet la QPC au Conseil constitutionnel.
Référence :
CE, 3e chambres réunies, 17 sept. 2025, n° 506083, Inédit au recueil Lebon
Instruction devant le Conseil constitutionnel
Saisine enregistrée le 17 septembre 2025 sous le n° 2025-1174 QPC ;
Observations de la société requérante (6 et 20 octobre 2025) ;
Observations du Premier ministre (7 octobre 2025) ;
Audience publique le 18 novembre 2025 : plaidoirie de l’avocate de la société et observations du représentant du Premier ministre.
Décision du Conseil constitutionnel
Décision rendue le 28 novembre 2025, publiée au JORF du 29 novembre 2025.Légifrance
2.3 Contenu de la décision
2.3.1 Arguments de la société requérante
La société United France 2021 Propco SNC développe principalement deux séries de griefs
Violation de l’article 16 de la Déclaration de 1789 (garantie des droits / lois de validation)
La validation rétroactive :
couvre des impositions établies contrairement aux règles d’assiette résultant du III de l’article 1518 A quinquies du CGI, telles qu’interprétées par le Conseil d’État ;
prive les contribuables de la possibilité de se prévaloir d’une jurisprudence administrative devenue favorable.
Pour être constitutionnellement admissible, une telle validation devrait reposer sur un motif impérieux d’intérêt général, ce qui n’est pas démontré :
absence de contentieux massif ;
insuffisance des seules considérations budgétaires alléguées ;
aucune désorganisation avérée de l’administration fiscale.
Atteinte au principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques
La date du 10 octobre 2024 introduit une différence de traitement entre les contribuables :
ceux qui ont déposé une réclamation avant cette date échappent à la validation ;
les autres voient leurs moyens de contestation neutralisés.
La validation figée au 1er janvier 2017 accentuerait une disparité entre les contribuables selon que leurs locaux se situent dans des secteurs où des coefficients de localisation ont été fixés ou modifiés.
2.3.2 Arguments du gouvernement
Le Premier ministre défend la constitutionnalité de la loi de validation en invoquant :
la nécessité de sécuriser les impositions assises sur la valeur locative des locaux professionnels ;
le risque d’un contentieux important susceptible de perturber l’activité de l’administration fiscale et des juridictions administratives ;
les risques financiers pour l’État et surtout pour les collectivités territoriales bénéficiaires des impositions locales.
L’argumentation est classique : sécurisation de recettes publiques, prévention d’un contentieux de masse et garantie de la continuité financière des collectivités.
2.3.3 Raisonnement du Conseil constitutionnel
a) Rappel du cadre de contrôle : article 16 de la Déclaration de 1789
Le Conseil rappelle sa formule de principe relative aux lois de validation :
Le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte, à condition :
– de respecter les décisions passées en force de chose jugée et la non-rétroactivité des peines et sanctions ;
– que l’atteinte aux droits des personnes soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ;
– que l’acte validé ne méconnaisse aucune norme constitutionnelle ;
– et que la portée de la validation soit strictement définie.
Ce canevas s’inscrit dans la continuité des décisions n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 (versement transport) et n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016 (validation en matière de valeurs locatives des locaux commerciaux).
b) Contexte du “planchonnement” (rappel factuel)
Le Conseil constitutionnel reprend la description du mécanisme d’atténuation du III de l’article 1518 A quinquies, et rappelle l’interprétation donnée par le Conseil d’État dans sa décision du 13 novembre 2023 : la valeur locative utilisée pour le “planchonnement” est celle de chaque année d’imposition, et non une valeur figée en 2017.
Les dispositions contestées valident des impositions établies en méconnaissance de cette règle.
c) Examen du “motif impérieux d’intérêt général”
Le Conseil examine les deux justifications avancées :
Risque de contentieux massif
Il relève qu’il n’est pas établi que la décision du Conseil d’État ait entraîné un volume de recours tel qu’il perturberait l’activité de l’administration et des juridictions administratives.
Risque financier important pour les personnes publiques
Les contestations portent uniquement sur un dispositif transitoire d’atténuation (le “planchonnement”) ;
Elles ne peuvent conduire qu’à une décharge partielle des impositions, à proportion de la variation de valeur locative ;
Aucun risque financier majeur et documenté n’est démontré pour les collectivités territoriales.
Le Conseil conclut qu’aucun motif impérieux d’intérêt général n’est caractérisé. L’objectif de sécurisation des finances publiques, tel que présenté, ne dépasse pas le seuil d’intensité exigé par sa jurisprudence en matière de lois de validation.
d) Constat d’inconstitutionnalité
En l’absence de motif impérieux, le Conseil juge que la validation :
porte une atteinte disproportionnée au droit des contribuables à faire valoir un moyen tiré de l’illégalité de l’assiette de l’impôt,
méconnaît les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Il déclare donc contraires à la Constitution l’ensemble des dispositions du paragraphe II de l’article 63 de la loi de finances pour 2025, sans examiner les griefs tirés de la violation du principe d’égalité.
e) Effets de la déclaration d’inconstitutionnalité (article 62 de la Constitution)
En application de l’article 62 de la Constitution, le Conseil :
abroge le paragraphe II de l’article 63 à compter de la publication de la décision au Journal officiel ;
précise que la déclaration d’inconstitutionnalité bénéficie à l’auteur de la QPC et à toutes les instances en cours à cette date impliquant l’application de la disposition invalidée.
Il n’opère aucune modulation dans le temps :
les contribuables engagés dans des procédures contentieuses à la date du 29 novembre 2025 peuvent se prévaloir immédiatement de la décision pour faire écarter la loi de validation.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Toutes les décisions ci-dessous sont accessibles sur une base officielle ; les liens ont été vérifiés.
Conseil constitutionnel
Décision n° 2025-1174 QPC, 28 nov. 2025, Société United France 2021 Propco SNC
Jurisprudence antérieure sur les lois de validation en matière fiscale / valeur locative :
Décision n° 2013-366 QPC, 14 févr. 2014 (versement transport – loi de validation admise sous motif impérieux d’intérêt général).
Décision n° 2015-525 QPC, 2 mars 2016 (validation en matière de valeurs locatives ; exigence de motif impérieux d’intérêt général).
Conseil d’État – révision des valeurs locatives / “planchonnement”
CE, 8e-3e ch. réunies, 13 nov. 2023, n° 474735 (Immobilière Carrefour)
CE, 8e ch., 3 avr. 2024, n° 474735 et 474736 (applications contentieuses de la solution du 13 nov. 2023)
CE, 8e ch., 3 avr. 2024, n° 474757 (Leroy Merlin France, application du III de l’art. 1518 A quinquies)
CE, 3e chambres réunies, 17 sept. 2025, n° 506083 (décision de renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel)
3.2 Textes légaux et constitutionnels
Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
Article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958
Sur l’effet obligatoire et l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel.
Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 – article 34
Base de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels.
Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 – article 63
Article 1498 CGI (valeur locative des locaux professionnels)
Article 1518 A quinquies CGI (mécanisme de neutralisation / “planchonnement”)
4. Analyse juridique approfondie et mise en perspective
4.1 Le raisonnement du Conseil constitutionnel : continuité et inflexion
La décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence sur les lois de validation en matière fiscale, mais avec une exigence particulièrement stricte quant à la preuve du motif impérieux d’intérêt général.
Dans les décisions 2013-366 QPC (versement transport) et 2015-525 QPC, le Conseil avait admis la constitutionnalité de validations rétroactives lorsque :
le contentieux était massif,
les risques financiers étaient considérables et chiffrés,
et la perturbation de l’ordre juridique était avérée.
Dans l’affaire United France 2021 Propco, au contraire :
l’État se borne à invoquer un risque abstrait de multiplication de recours ;
aucune estimation, même approximative, du coût financier n’est produite ;
la contestation porte sur un dispositif transitoire et ciblé (le “planchonnement”) et non sur l’assiette globale de la taxe foncière.
Le Conseil opère ainsi un contrôle concret et serré de la réalité du motif impérieux invoqué, refusant de se satisfaire de simples références générales à la “sécurité juridique” ou à la “préservation des finances publiques”.
4.2 La place de la décision dans la construction jurisprudentielle
Sécurité juridique des contribuables et prévisibilité des charges fiscales
La décision confirme que le contribuable doit pouvoir se prévaloir de la jurisprudence administrative ou judiciaire qui lui reconnaît un droit, sauf si le législateur démontre un motif véritablement impérieux pour intervenir rétroactivement.
Interaction Conseil d’État / Conseil constitutionnel
Le Conseil d’État a, par ses décisions du 13 novembre 2023 et du 3 avril 2024, clarifié le sens de l’article 1518 A quinquies (prise en compte de la valeur locative annuelle et des coefficients de localisation pour le “planchonnement”).
Le législateur a tenté de corriger a posteriori les conséquences financières de cette interprétation en adoptant une loi de validation.
Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État via la QPC, arbitre en jugeant que cette intervention rétroactive va trop loin au regard de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
Le schéma illustre un équilibre délicat :
Jurisprudence favorable au contribuable → réaction législative → contrôle de constitutionnalité renforcé dès lors qu’il s’agit de priver les contribuables de l’effet utile d’une jurisprudence déjà acquise.
Conséquences pratiques pour les collectivités territoriales
La décision n’interdit pas au législateur de réformer pour l’avenir les règles de calcul du “planchonnement” (ce que fait le I de l’article 63). Elle sanctionne uniquement la validation rétroactive des impositions passées en l’absence de démonstration sérieuse :
d’un contentieux de masse ;
ou d’un risque financier majeur précisément caractérisé.
5. Critique de la décision
Tous les extraits de textes et décisions sont cités en respectant strictement leur teneur officielle, en limitant les citations à ce qui est nécessaire à la compréhension.
Les références à l’article 16 de la Déclaration et à l’article 62 de la Constitution renvoient à leur version applicable.
L’analyse met en évidence la logique de contrôle des lois de validation :
continuité avec 2013-366 QPC et 2015-525 QPC,
exigence accrue de justification concrète du motif impérieux d’intérêt général.
6. Accompagnement personnalisé par la SELARL PHILIPPE GONET
La décision 2025-1174 QPC ouvre des perspectives concrètes pour les propriétaires de locaux professionnels et les foncières qui :
ont subi une augmentation importante de taxe foncière 2023-2024 en raison du “planchonnement” ;
se sont vu opposer l’article 63 II de la loi de finances pour 2025 pour rejeter leur réclamation ;
souhaitent vérifier si leurs impositions ont été calculées conformément aux articles 1498 et 1518 A quinquies du CGI.
La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat à Saint-Nazaire, peut :
auditer vos avis de taxe foncière et de CFE sur plusieurs années ;
reconstituer la valeur locative et simuler l’impact d’un “planchonnement” correctement appliqué ;
engager et suivre les réclamations contentieuses devant l’administration fiscale, puis devant les juridictions administratives ;
articuler, le cas échéant, une argumentation fondée sur la décision 2025-1174 QPC et sur la jurisprudence du Conseil d’État.
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