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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat inscrite au barreau de Saint-Nazaire, reçoit sur rendez-vous au 2 rue du Corps de Garde, 44600 SAINT-NAZAIRE.
En droit de la famille (divorce, pension, prestation compensatoire), l’enjeu est souvent très concret : ne pas confondre ce qui relève du partage du patrimoine et ce qui relève de la compensation de la disparité née du divorce.
1) Résumé de la décision
Juridiction: Cour de cassation, 1re chambre civile 10 décembre 2025 n°23-22.356
Décision attaquée : CA Paris, 14 septembre 2023
Parties : Mme [C] c/ M. [X]
Nature du litige
Après un divorce, l’épouse demande une prestation compensatoire. La cour d’appel rejette, en substance, car le partage patrimonial (soumis ici à une loi étrangère, évoquée comme la loi anglaise) intégrerait déjà des mécanismes proches de la compensation.
Solution et effet direct
La Cour de cassation casse : si la loi française gouverne la prestation compensatoire, le juge doit apprécier la disparité créée par la rupture “sans tenir compte” de la part future attribuée au partage opéré selon la loi étrangère.
Conséquence pratique : l’argument du “doublon” ne permet pas, à lui seul, de refuser une prestation compensatoire, dès lors que la demande est régie par la loi française.
2) Analyse détaillée
A. Les faits
Attention méthode : la décision publiée ne contient pas l’historique complet (date de mariage, enfants, professions, revenus détaillés, etc.). Je rapporte strictement ce qui est accessible.
10 juillet 2020 : un jugement prononce le divorce de Mme [C] et M. [X].
Dans le cadre du règlement patrimonial, un notaire désigné en phase de conciliation rend un rapport évoquant un risque de « doublon » entre appréciation en équité du partage (droit anglais) et éventuelle prestation compensatoire.
La cour d’appel retient l’existence d’un patrimoine important (plus d’un million d’euros au total, selon l’arrêt) et raisonne en considérant que le partage à venir selon les principes de droit anglais intégrerait nécessairement des modalités proches de la compensation.
B. La procédure
Jugement de divorce : 10 juillet 2020.
Cour d’appel de Paris : arrêt du 14 septembre 2023 (rejette la demande de prestation compensatoire).
Pourvoi : Mme [C] forme un pourvoi ; la Cour écarte plusieurs branches/moyens par application de l’article 1014 CPC, et statue spécialement sur une branche du deuxième moyen.
Cassation partielle : uniquement sur le rejet de la prestation compensatoire + effets liés à la mission notariale, avec renvoi partiel.
C. Contenu de la décision
1) Arguments des parties (ce qui est publiquement restitué)
Argument de Mme [C] (tel que résumé par la Cour) : le juge ne peut refuser la prestation compensatoire en se fondant sur des droits “susceptibles” de résulter d’une liquidation/partage futur ; la disparité doit être appréciée selon les critères des articles 270 et 271 du code civil.
2) Raisonnement de la cour d’appel (tel que rapporté)
La cour d’appel observe que le droit anglais organise le partage par combinaison de concepts (partage / besoins / compensation) et s’appuie sur le rapport du notaire évoquant un possible « doublon ». Elle en déduit que le partage à venir intégrerait nécessairement des modalités de compensation comparables à l’article 270 du code civil, et rejette la prestation compensatoire.
3) Raisonnement de la Cour de cassation
La Cour rappelle que la prestation compensatoire relève du régime des obligations alimentaires, ce qui justifie un raisonnement de conflit de lois (référence jurisprudentielle de principe).
Puis elle sanctionne le cœur du raisonnement : dès lors que la loi française est seule applicable à la prestation compensatoire, la cour d’appel devait apprécier l’existence d’une disparité créée par la rupture, sans tenir compte de la part attribuée dans le partage à venir, lequel doit se faire sur une base qualifiée d’« égalitaire » selon la loi anglaise applicable à la liquidation des intérêts patrimoniaux.
4) Solution retenue (dispositif et portée)
Cassation de l’arrêt d’appel uniquement en ce qu’il rejette la prestation compensatoire, avec renvoi devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Par voie de conséquence, cassation de la disposition relative à la mission notariale, avec une partie “par retranchement” et sans renvoi sur ce point.
3) Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. 1re civ., 10 déc. 2025, n° 23-22.356
Cass. 1re civ., 16 juill. 1992, n° 91-11.262
Cass. 1re civ., 8 juill. 2015, n° 14-17.880
Cass. 1re civ., 12 avr. 2012, n° 10-27.016
Cass. 1re civ., 12 nov. 2009, n° 08-18.343
3.2 Textes légaux
Article 270 du code civil (version en vigueur depuis 01/01/2005 – applicable au 10/07/2020)
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »
Article 271 du code civil (version en vigueur depuis 11/11/2010 – applicable au 10/07/2020)
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
la durée du mariage ;
l'âge et l'état de santé des époux ;
leur qualification et leur situation professionnelles ;
les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
leurs droits existants et prévisibles ;
leur situation respective en matière de pensions de retraite. » Légifrance
Textes internationaux cités par l’arrêt (statut de disponibilité)
L’arrêt vise l’article 15 du règlement (CE) n° 4/2009 et l’article 3 du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007.
4) Analyse juridique approfondie : ce que change réellement l’arrêt du 10 décembre 2025
A. Le point de rupture : « patrimoine prévisible » ≠ « part future au partage »
L’article 271 impose de tenir compte du patrimoine estimé ou prévisible… après liquidation.
Mais l’arrêt 2025 trace une limite nette : le juge ne peut neutraliser la prestation compensatoire au motif que la loi étrangère du partage « compensera » déjà, surtout lorsqu’il s’appuie sur une part future attribuée à l’épouse dans un partage à venir.
Lecture pratique : on peut intégrer une photographie économique “raisonnable” (patrimoine prévisible), mais on ne peut pas faire dépendre l’existence même de la disparité d’un résultat futur du partage régi par un autre système.
B. L’autonomie de la prestation compensatoire quand la loi applicable est française
La Cour reproche à la cour d’appel d’avoir constaté que la loi française était seule applicable à la prestation compensatoire… tout en refusant d’exercer l’examen de la disparité requis par 270-271.
C’est un rappel fort : la prestation compensatoire reste une question distincte du partage, même si, économiquement, les deux “se parlent”.
C. Mise en perspective jurisprudentielle (antériorités directement liées au même objet)
Qualification “obligations alimentaires” : déjà affirmée (sous l’empire des conventions antérieures), ce qui structure le conflit de lois en matière d’effets pécuniaires du divorce.
Conflit de lois et régime matrimonial étranger : la 1re chambre civile rappelle régulièrement l’exigence de raisonner avec la bonne norme de conflit (ex. Convention de La Haye 1978 pour déterminer la loi du régime matrimonial).
Articulation loi applicable / prestation compensatoire : l’arrêt du 8 juillet 2015 illustre que la Cour veille à ce que le juge du fond n’écarte pas trop vite la logique française de prestation compensatoire lorsque la question est internationalisée.
2025 (présent arrêt) : il ajoute un verrou : même si la loi étrangère du partage connaît des mécanismes de “compensation”, cela ne dispense jamais le juge français (si la loi française s’applique) d’apprécier la disparité sans se réfugier derrière le partage futur.
5) Critique de la décision
La Cour sanctionne une pratique “tentante” : refuser la prestation compensatoire pour éviter une double compensation, alors même que la loi française gouverne l’obligation. Elle impose une séparation rigoureuse des plans : partage (loi étrangère) vs disparité (loi française).
Le juge doit :
identifier la loi applicable à la prestation compensatoire ;
appliquer 270-271 ;
écarter l’argument « le partage fera le travail » lorsqu’il repose sur une part future.
Cour de cassation, civile, Cham…
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