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Prestation compensatoire & pension : revenus occultes, contrôle accru

Le 09 septembre 2025
Prestation compensatoire & pension : revenus occultes, contrôle accru
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1) Résumé succinct

Parties : Mme R. (demanderesse au pourvoi) / M. G. (défendeur)
Juridiction : Cour de cassation, 1re chambre civile 15 janvier 2020° de pourvoi : 18-26.012 
Nature du litige : Divorce —  rejet en appel de la prestation compensatoire ;  suspension de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (pension alimentaire).
Effet direct : La Cour casse l’arrêt d’appel en ce qu’il (1) rejette la prestation compensatoire et (2) suspend la pension alimentaire, faute pour la cour d’appel d’avoir recherché, comme elle y était invitée offre de preuve à l’appui, si le père continuait une activité professionnelle productive de revenus (activité « occulte » de courtage d’œuvres d’art). Légifrance

2)  Analyse détaillée

Les faits 

31 juill. 2004 : Mariage des parties.
3 avr. 2015 : Requête en divorce par Mme R.
2016–2018 : Situation professionnelle et indemnitaire de M. G. (ARE puis ASS) ; éléments versés aux débats par Mme R. suggérant une activité occulte de courtage d’art de M. G. (offre de preuve).
24 mai 2018 : CA Aix-en-Provence : rejette la prestation compensatoire ; suspend provisoirement la contribution paternelle « jusqu’à meilleure fortune ».
15 janv. 2020 : Cassation partielle : renvoi devant la CA d’Aix-en-Provence autrement composée sur ces deux chefs.
La procédure
1re instance : Divorce prononcé (JAF).
Appel (Aix-en-Provence, 24 mai 2018) :

Prestation compensatoire : rejet (absence de disparité significative ; ressources et charges des époux ; vente du bien commun envisagée).

Pension alimentaire : suspension au motif de la « situation financière particulièrement obérée » du père jusqu’à la vente de l’immeuble et apurement des emprunts.
Cassation (15 janv. 2020) : Cassation partielle pour défaut de base légale : la CA n’a pas vérifié l’existence d’une activité génératrice de revenus alléguée offre de preuve à l’appui, tant pour la prestation compensatoire (C. civ., art. 270, 271) que pour la pension (art. 371-2, 373-2-2). Renvoi.

Contenu de la décision

Arguments de Mme R. :

La CA a statué sans rechercher si, contrairement à ses allégations, M. G. continuait une activité rémunérée (courtage d’œuvres d’art) ; offre de preuve produite.
En matière de pension, la capacité contributive doit être appréciée réellement au regard de toutes ressources.

Arguments de M. G. (retenus par la CA) :

Fin des droits ARE, perception de l’ASS (490 €/mois), charges incompressibles, aide de sa mère, vente du bien commun en attente.

Raisonnement de la Cour de cassation :

Prestation compensatoire : elle se fixe selon les besoins du créancier et les ressources de l’autre, au moment du divorce et dans leur évolution prévisible (C. civ., art. 270, 271). Or, en s’abstenant de rechercher l’existence d’une activité productive de revenus expressément alléguée et offerte en preuve, la CA a privé sa décision de base légale.

Pension alimentaire : chacun des parents contribue à proportion de ses ressources (C. civ., art. 371-2) ; en cas de séparation, cette contribution prend la forme d’une pension (art. 373-2-2). La CA ne pouvait suspendre la pension sans vérifier l’existence éventuelle de revenus provenant d’une activité poursuivie par le père. Défaut de base légale là encore.

3)  Références juridiques 

3.1 Jurisprudence citée 

Cass. civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-26.012 (cassation partielle)


Cass. civ. 1re, 4 juill. 2018, n° 17-13.611 (critères art. 271 C. civ., prise en compte des ressources et de leur évolution) 


Cass. civ. 1re, 26 mai 2021, n° 20-11.855 (rappel des art. 270-271 : évaluation à la date du divorce et évolution prévisible) 

3.2 Textes légaux (versions applicables à la date de l’arrêt — 15/01/2020)

C. civ., art. 270 — « Le divorce met fin au devoir de secours… » — Version en vigueur au 1er janvier 2005 (applicable en 2020)

C. civ., art. 271 — Critères de fixation (besoins / ressources ; situation au moment du divorce et évolution prévisible) 

 C. civ., art. 371-2 — Contribution de chaque parent à proportion de ses ressources et des besoins de l’enfant — Version en vigueur depuis le 30/12/2019 (applicable en 2020) 

C. civ., art. 373-2-2 — Forme de la contribution (pension alimentaire) — modalités et garanties — Version en vigueur du 28/12/2019 au 16/12/2020 (applicable en 2020) 


4)  Analyse juridique approfondie

Principe dégagé (double volet)

Prestation compensatoire (art. 270-271 C. civ.) : le juge doit apprécier concrètement les ressources de l’époux débiteur au moment du divorce et dans leur évolution prévisible, et ne peut s’abstenir d’examiner une allégation précise d’activité rémunérée lorsqu’elle est offerte en preuve. À défaut : défaut de base légale. 

Pension alimentaire (art. 371-2, 373-2-2 C. civ.) : la capacité contributive s’apprécie in concreto ; la suspension de la contribution ne peut reposer sur des considérations générales (endettement, vente future d’un bien commun) sans vérifier l’existence de revenus potentiels déjà allégués (activité poursuivie). Défaut de base légale.

Mise en perspective jurisprudentielle (avant et après 2020)

Avant 2020 : la 1re chambre civile rappelait déjà la méthode d’appréciation des ressources et de leur évolution prévisible (art. 271), imposant un contrôle serré de la motivation des juges du fond (ex. 4 juill. 2018, n° 17-13.611 ; 5 déc. 2018, n° 17-26.717) : la décision doit exposer les éléments concrets fondant l’évaluation. 

Après 2020 : la Cour confirme l’exigence de prise en compte complète des ressources et de l’évolution prévisible (26 mai 2021, n° 20-11.855 ; 13 janv. 2021), et contrôle la base légale en matière de pension au regard de l’art. 371-2 (13 juill. 2022).

La ligne est cohérente : impossible d’écarter une demande (prestation) ou de suspendre une pension sans vérifier toutes les ressources sérieusement alléguées.


Portée pratique

Pour les époux créanciers : lorsque vous soupçonnez une activité dissimulée (auto-entreprise, courtage, missions non déclarées), formulez des offres de preuve (relevés, flux, courriels professionnels, réseaux sociaux, annonces, facturations, attestations de clients) : le juge doit vérifier.

Pour les débiteurs : invoquer seulement une « mauvaise fortune » ou la vente à venir d’un bien commun ne suffit pas si des revenus sont plausiblement maintenus : exposez clairement votre absence d’activité et justifiez (attestations Pôle emploi, attestations d’hébergement, comptes bancaires, recherches d’emploi).

5) Accompagnement personnalisé

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Auditer vos pièces (flux bancaires, traces numériques d’activité, réseaux pro).
Structurer l’offre de preuve (mesures in futurum, sommations interpellatives, attestations).
Plaider la base légale et la prise en compte exhaustive des ressources au regard des art. 270-271 et 371-2 / 373-2-2 C. civ.

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