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Perquisition chez un médecin radié : l’art. 56-3 écarté (Cass. crim., 11 juin 2025)

Le 11 septembre 2025
Perquisition chez un médecin radié : l’art. 56-3 écarté (Cass. crim., 11 juin 2025)
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1) Résumé succinct

Parties : M. [V] [E] (prévenu, radié du tableau de l’Ordre des médecins depuis le 1er mars 2018) c/ ministère public ; griefs en lien avec l’exercice illégal de la médecine et la tromperie aggravée. 
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2025, n° 24-86.313, rejet.

Décision attaquée : CA Paris, 26 septembre 2024. 

Nature du litige : Nullité d’une perquisition dans les locaux professionnels de l’intéressé, en raison de la présence d’un représentant du Conseil de l’Ordre. 

Effet sur la pratique :

L’art. 56-3 CPP (perquisition « dans le cabinet d’un médecin » en présence d’un représentant de l’Ordre auquel il appartient) ne s’applique plus au praticien radié ;

La présence d’un représentant de l’Ordre peut néanmoins être requise par le parquet comme mesure destinée à assurer le respect du secret professionnel (art. 56, al. 3 CPP). 

2) Analyse détaillée

Les faits 

01/03/2018 : radiation de M. [E] du tableau de l’Ordre des médecins.

Perquisition dans les locaux professionnels de l’intéressé (date non précisée dans l’arrêt publié), en présence d’un membre du conseil départemental de l’Ordre. 

Poursuites pour exercice illégal de la médecine et tromperie sur une prestation de service dangereuse pour la santé.

La procédure

Tribunal correctionnel : déclaration de culpabilité ; peines (notamment 1 an sursis, 15 000 € d’amende, interdiction professionnelle définitive) ; intérêts civils. 

Appels de M. [E] et du ministère public ; CA Paris, 26/09/2024 : confirmation/condamnation ; rejet de la nullité de perquisition.

Pourvoi ; Audience à la Cour de cassation le 13/05/2025 ; arrêt de rejet le 11/06/2025. Légifrance
Le contenu de la décision

Arguments (moyen en cassation, 2e moyen, 3e branche)

Le prévenu soutenait que, étant radié, il ne relevait plus du régime de l’art. 56-3 CPP ; la présence d’un tiers (le représentant de l’Ordre, partie plaignante) aurait porté atteinte à l’impartialité, à la neutralité et au secret de l’enquête (art. 11 CPP ; renvoi à R.4127-4 CSP). 

Raisonnement de la chambre criminelle

La cour relève une double erreur de la CA :

Erreur de base légale : l’art. 56-3 CPP ne s’appliquait plus à un médecin radié ;

Erreur de raisonnement sur le grief : « la présence, lors d’une perquisition, d’un tiers étranger à la procédure est de nature à constituer une violation du secret de l’enquête portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ».

Mais l’arrêt échappe à la censure : la présence du représentant de l’Ordre, requise par le ministère public, entre dans les “mesures utiles” de l’art. 56, al. 3 CPP pour assurer le respect du secret professionnel (des patients/anciens patients). 

Solution

Rejet du pourvoi : 56-3 écarté (inapplicable aux radiés), mais présence validée au titre de l’art. 56, al. 3. 

Vérification : le PDF fourni par vos soins reprend les mêmes motifs, mentions et références (ECLI, dates, moyens, solution).

3) Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

Cass. crim., 11 juin 2025, n° 24-86.313, rejet — 

3.2 Textes légaux 

CPP, art. 56-3 (version en vigueur depuis le 1er janv. 2012) :
« Les perquisitions dans le cabinet d'un médecin, d'un notaire ou d'un huissier sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre ou de l'organisation professionnelle à laquelle appartient l'intéressé ou de son représentant. » 

CPP, art. 56 (extrait pertinent) :
« Toutefois, sans préjudice de l'application des articles 56-1 à 56-5, [l’OPJ] a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense. » 

CPP, art. 11 (secret de l’enquête et de l’instruction) 

CSP, art. R. 4127-4 (secret professionnel du médecin) 

4) Analyse juridique approfondie

Portée de l’arrêt

Champ de l’art. 56-3 CPP : la protection procédurale spécifique (perquisition « dans le cabinet d’un médecin » en présence d’un représentant de l’Ordre auquel il appartient) cesse dès lors que l’intéressé n’appartient plus à l’Ordre (médecin radié). La Cour le dit expressément. 

Sécurité des données médicales : même hors 56-3, le respect du secret médical peut justifier la présence d’un représentant de l’Ordre comme mesure utile au sens de l’art. 56, al. 3 CPP, à l’initiative du ministère public, pour protéger les dossiers patients lors de la perquisition. 

Principe/exception : par principe, la présence d’un tiers pendant une perquisition met en péril le secret de l’enquête ; exception si sa présence est motivée et circonscrite comme mesure utile de protection d’un secret légal. 

Mise en perspective jurisprudentielle

Protection structurelle du secret médical :

1969 : validation de perquisitions en cabinet médical sous contrôle renforcé (secret des dossiers). Légifrance

1993 : nullité si intervient un tiers intéressé (médecin inspecteur, plaignant) : atteinte aux droits/secret. Délimitation du “cabinet médical” :

1999 : chambre d’hôtel d’un médecin en déplacement ≠ cabinet → 56-1/56-3 inapplicables. 

2000 : examen des lieux assimilables ou non à un cabinet ; contrôle des juges du fond.

1995 : la remise spontanée de documents ≠ perquisition → garanties 56-1/56-3 non déclenchées. 
Présence “utile” d’un tiers : l’arrêt 2025 synthétise : tiers = risque pour le secret (art. 11 CPP), sauf s’il est légitimé par une mesure utile (art. 56, al. 3 CPP) proportionnée à la protection d’un secret légal (ici R.4127-4 CSP).

Conséquences pratiques

Pour les parquets/OPJ : si perquisition chez un ex-médecin (radié) où se trouvent dossiers patients, possibilité de réquisitionner un représentant ordinal au titre de l’art. 56, al. 3, avec motivation écrite sur la protection du secret ; encadrer strictement son rôle (aucun accès au-delà de ce qui est strictement nécessaire). 

Pour les défenses : contester la présence d’un tiers non justifiée par une mesure utile et/ou non proportionnée, en ciblant le secret de l’enquête (art. 11) et l’absence de lien avec la protection du secret médical. 

Pour les juridictions du fond : veiller à caractériser la mesure utile (motifs, objet, périmètre, durée), faute de quoi nullité possible par analogie avec la ligne 1993 (tiers plaignant). 

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