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1. Résumé succinct
Parties : SAS Les Armateurs (demanderesse au pourvoi) c/ Mme [E] [M] et France Travail (défendeurs).
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale (formation de section), 10 sept. 2025, n° 24-12.595, arrêt n° 772 FS-B, cassation partielle.
Nature du litige : Licenciement pour insuffisance professionnelle ; nullité invoquée par la salariée au titre d’une atteinte à la liberté d’expression ; demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.
Effet direct : La Cour censure l’arrêt d’appel :
La lettre de l’avocat refusant une rupture conventionnelle n’est pas l’exercice par la salariée de sa propre liberté d’expression (art. L.1121-1 C. trav.).
Des dommages-intérêts distincts pour licenciement vexatoire exigent la caractérisation d’un comportement fautif de l’employeur causant un préjudice distinct (art. 1231-1 C. civ.).
2.Analyse détaillée
Faits
21.04.2008 : Embauche de Mme M. par la SAS Les Armateurs (audiovisuel).
Janv. 2011 : Promotion directrice du développement.
11.04.2019 : Entretien — l’employeur envisage une séparation.
17.04.2019 : Proposition de rupture conventionnelle.
23.04.2019 : Refus par lettre de l’avocat de la salariée.
29.04.2019 : Convocation à entretien préalable.
13.05.2019 : Licenciement pour insuffisance professionnelle.
Procédure
CA Paris (pôle 6 ch. 11), 21.11.2023 : nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d’expression ; DI pour licenciement vexatoire ; remboursement Pôle emploi (6 mois).
Pourvoi de la société (trois moyens).
Cass. soc., 10.09.2025 : cassation partielle ; renvoi CA Versailles ; Mme M. condamnée aux dépens ; maintien du débouté relatif à la perte de chance de retraite. Cour de Cassation
Contenu de la décision
Arguments de l’employeur
La liberté d’expression de la salariée n’est pas en cause quand seul son avocat écrit pour refuser une rupture conventionnelle ; la lettre de licenciement ne vise aucun propos de la salariée.
Charge de la preuve : à celui qui allègue une cause de licenciement autre que celle de la lettre d’en rapporter la preuve ; l’arrêt d’appel a inversé les rôles.
(Non examiné) – la Cour ne statue pas sur le 3ᵉ moyen.
Motivation de la Cour de cassation
Sur l’art. L.1121-1 C. trav. (liberté d’expression)
Constat : la lettre de licenciement est motivée par insuffisance professionnelle, sans grief lié à l’expression de la salariée.
Principe : « Le seul fait que l'avocat de la salariée […] adresse une lettre à l'employeur pour refuser [la rupture] ne relève pas de l'exercice par la salariée de sa liberté d'expression » (dans ou hors l’entreprise).
Conséquence : la CA, en présumant une atteinte à la liberté d’expression via la lettre de l’avocat, a violé l’art. L.1121-1.
Sur l’art. 1231-1 C. civ. (préjudice distinct / licenciement vexatoire)
Principe rappelé : des D.I. distincts de l’indemnité pour licenciement sans cause/nul ne sont possibles en cas de comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture causant un préjudice distinct.
Censure : la CA n’a pas caractérisé un tel comportement fautif ;
Dispositif : Cassation partielle ; renvoi CA Versailles ; dépens contre Mme M. ; mention en marge.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 24-12.595, arrêt n° 772 FS-B (cassation partielle) — Lien Cour de cassation : décision officielle en ligne. Cour de Cassation
✅ Lien vérifié – Actif, exact.
(Texte concordant avec votre PDF.)
Antécédents – liberté d’expression du salarié (seuil d’abus)
Cass. soc., 26 nov. 2014, n° 13-20.348 — abus si propos injurieux/excessifs/diffamatoires ; rejet.
Cass. soc., 24 sept. 2014, n° 13-18.090 — rappel que l’abus doit être caractérisé ; cassation partielle.
Antécédents – licenciement vexatoire (préjudice distinct & faute dans les circonstances de la rupture)
Cass. soc., 24 mai 2018, n° 16-28.522 — préjudice distinct possible, même en cas de faute lourde, mais doit être motivé.
Cass. soc., 30 nov. 2022, n° 21-11.208 — base légale manquante faute de caractériser un comportement fautif et un préjudice distinct. L
Cass. soc., 13 déc. 2023, n° 21-25.687 — même exigence ; censure pour défaut de caractérisation.
Cass. soc., 7 mai 2024, n° 22-22.519 — réitération : nécessité d’un comportement fautif causant un préjudice distinct.
3.2 Textes légaux
Article L.1121-1 du code du travail – « Nul ne peut apporter aux droits des personnes… » — Version en vigueur au 10.09.2025. Lien Légifrance (article).
Article 1231-1 du code civil – responsabilité contractuelle (ord. 2016-131) — Version en vigueur depuis le 01.10.2016.
4. Analyse juridique approfondie
A — Portée de l’arrêt (liberté d’expression)
Clarification : Lorsque seul l’avocat s’exprime (ici : refus d’une rupture conventionnelle), il ne s’agit pas d’un exercice par le salarié de sa liberté d’expression. On ne peut donc présumer la nullité du licenciement pour atteinte à cette liberté en l’absence de propos du salarié visés par la lettre de licenciement.
Cohérence avec la ligne antérieure : la chambre sociale réserve la nullité aux hypothèses où l’expression du salarié est sanctionnée ou a dégénéré en abus (injurieux/excessif/diffamatoire). Les arrêts de 2014 cadrent ce seuil d’abus ; l’arrêt 2025 évite tout glissement vers une protection par ricochet via la plume de l’avocat.
B — Licenciement vexatoire : exigence réaffirmée
La Cour resserre la grille : pour allouer des D.I. “vexatoires” en plus de l’indemnisation principale, la CA doit caractériser un comportement fautif dans les circonstances de la rupture et un préjudice distinct (humiliation, atteinte à la dignité, publicité inutile, brutalité procédurale démontrée, etc.).
C’est l’exact canevas des décisions 2018 → 2024, réitéré ici : pas de motivation concrète = cassation.
C — Conséquences pratiques
Employeurs : sécuriser la lettre de licenciement (motif exclusif et matérialisé) ; ne pas réagir aux courriers d’avocat en assimilant cela à des “propos du salarié”.
Salariés : pour invoquer la nullité sur le terrain de la liberté d’expression, rapporter des éléments montrant des propos personnels (et non ceux du conseil) ciblés par la sanction ; pour les D.I. vexatoires, prouver des circonstances fautives distinctes (publicité, humiliations, précipitation fautive, etc.).
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