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Garde à vue du majeur protégé : pas d’avocat obligatoire (QPC 2025-1169)

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Garde à vue du majeur protégé : pas d’avocat obligatoire (QPC 2025-1169)
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1. Résumé succinct

Parties : M. Éric G. (requérant) ; Premier ministre (défendeur)

Juridiction: Conseil constitutionnel, 3 octobre 2025, n° 2025-1169 QPC

Objet : conformité à la Constitution de l’article 706-112-1 CPP (rédaction loi n° 2020-1672 du 24 déc. 2020) quant à l’absence d’assistance obligatoire d’un avocat pour le majeur protégé en garde à vue (GAV).

Effet sur la jurisprudence/pratique : validation du dispositif légal actuel : information de l’organe de protection (tuteur/curateur/mandataire spécial) + faculté pour celui-ci de désigner un avocat, sans rendre cette assistance obligatoire. Confirmation de la ligne « droits de la défense effectifs mais sans automaticité » déjà structurée autour des décisions GAV (2010-14/22 QPC) et des textes du CPP. 

2. Analyse détaillée

Les faits 

9 juillet 2025 : saisine QPC par la Cour de cassation (Crim., arrêt n° 1069 du 25 juin 2025), question posée pour M. Éric G. par Me Pascal Guillaume (barreau de Reims).

23 septembre 2025 : audience publique ; observations du conseil du requérant et du représentant du Premier ministre.
2 octobre 2025 : délibéré. 3 octobre 2025 : décision rendue publique.

Problème juridique : l’article 706-112-1 CPP, en GAV d’un majeur protégé, ne prévoit pas l’assistance obligatoire d’un avocat ; est-ce contraire aux droits de la défense (art. 16 DDHC) et au procès équitable ?

La procédure

Référence QPC au titre de l’art. 61-1 C° ; enregistrement SG CC n° 2025-1169 QPC.

Publication au JO (4 oct. 2025).

Contenu de la décision

Arguments des parties

Requérant : sans assistance d’office, un majeur protégé n’a pas toujours le discernement pour exercer ses droits ; la seule information du tuteur/curateur ne garantirait pas l’effectivité des droits → atteinte aux droits de la défense et au procès équitable.

Premier ministre : le dispositif de 706-112-1 CPP, combiné aux droits de la GAV (art. 63-1 CPP), assure l’effectivité des droits via l’information de l’organe de protection et sa faculté de désigner un avocat. (Synthèse tirée du corps de la décision.)

Raisonnement du Conseil

Norme de contrôle : art. 16 DDHC (droits de la défense).

Rappel du cadre : toute personne en GAV est informée de son droit à l’avocat (art. 63-1 CPP). 

Spécifique majeurs protégés : 706-112-1 CPP impose l’avis au tuteur/curateur/mandataire spécial ; s’ils constatent l’absence d’avocat, ils peuvent en désigner un (ou demander une désignation par le bâtonnier) et demander un examen médical ; diligences dans un délai de 6 h, sauf circonstance insurmontable (PV).

Interprétation : les enquêteurs doivent informer l’organe de protection qu’il peut désigner un avocat pour assister le majeur protégé.

Conclusion : ce mécanisme assure l’exercice effectif des droits en GAV ; pas d’atteinte aux droits de la défense ni, « en tout état de cause », au procès équitable → conformité.

Solution
Article 1 : les mots contestés du 706-112-1 CPP sont conformes à la Constitution.
Article 2 : publication JO.

3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

Cons. const., 3 oct. 2025, n° 2025-1169 QPC (M. Éric G.)

Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC (Garde à vue)

Cass. crim., 22 juin 2021, n° 21-80.407 (droits procéduraux du majeur protégé ; avis à l’organe de protection)

(Pour les arrêts de la Cour de cassation antérieurs/postérieurs sur l’information de l’organe protecteur au stade des poursuites : ex. rappels 2021–2025, voir aussi Cass. crim., 2 sept. 2025, n° 24-82.392 – avis au curateur/tuteur ; utile pour le « fil » procédural au-delà de la GAV)

3.2 Textes légaux 

CPP, art. 706-112-1 (version en vigueur issue de la loi n° 2020-1672 du 24 déc. 2020) – extrait clé cité in extenso dans la décision :
« … le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peuvent désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier… »

CPP, art. 63-1 (droit à l’avocat en GAV – socle général) : version en vigueur

Loi n° 2020-1672 du 24 déc. 2020 (parties modifiant le CPP, dont 706-112-1)

4. Analyse juridique approfondie

Portée de la décision

Le Conseil n’érige pas l’assistance d’avocat du majeur protégé en obligation automatique. Il valide un dispositif en deux étages :
(1) information du tuteur/curateur/mandataire spécial dans les 6 heures (sauf « circonstance insurmontable » dûment PV) ;

(2) pouvoir de désignation d’un avocat (ou saisine du bâtonnier) par l’organe de protection. Ce faisant, la décision articule les droits de la défense (art. 16 DDHC) avec la spécificité de la protection juridique des majeurs (discernement altéré), sans dénaturer la faculté de choix du gardé à vue ni le pilotage de l’enquête.

Comparaison avec la jurisprudence antérieure

GAV – noyau dur : depuis 2010-14/22 QPC, la GAV est « pénalement contradictoire » au sens où le droit à l’avocat est un droit de la défense dès l’enquête ; mais le CC a toujours laissé au législateur le soin d’en modaliser l’exercice (délais, exceptions, différés). La présente décision s’inscrit dans cette logique d’effectivité raisonnable, non d’automaticité. Conseil Constitutionnel

Majeurs protégés – fil pénal : la Cour de cassation impose une vigilance élevée quant à l’avis au curateur/tuteur (poursuites, audiences, décisions), à peine de nullités ; cf. Cass. crim., 22 juin 2021, n° 21-80.407 et décisions postérieures sur l’avis au stade des poursuites/audiences. La QPC 2025-1169 ne contredit pas cette exigence : elle valide le schéma « avis + faculté de désigner », déjà cohérent avec la jurisprudence criminelle, tout en refusant d’imposer une assistance automatique en GAV. 


Conséquences pratiques

Pour les enquêteurs/OPJ : documenter l’avis et la mention expresse faite à l’organe de protection sur sa faculté de désigner un avocat ; respecter le délai de 6 h (PV), sauf circonstance insurmontable motivée ; possibilité de différer l’avis sur décision du parquet/juge d’instruction pour préserver preuves/sécurité (texte).

Pour la défense : en pratique, solliciter dès l’avis la désignation d’un avocat et, le cas échéant, un examen médical ; en cas de manquement (absence d’avis, information incomplète, délai dépassé sans justification), soulever la nullité de la GAV/actes subséquents dans la lignée de la jurisprudence criminelle. 

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