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La SELARL PHILIPPE GONET, avocat à Saint-Nazaire (44600), accompagne les victimes dans les dossiers de réparation du préjudice corporel (accidents, faute inexcusable, expertises, indemnisation) et les contentieux indemnitaires connexes. Cabinet et informations pratiques sur le site du cabinet philippe-gonet-avocat-mti.fr.
1) Résumé de la décision
Un salarié déjà indemnisé par un jugement irrévocable avant le revirement du 20 janvier 2023 ne peut pas rouvrir le dossier pour réclamer après coup une indemnisation distincte du déficit fonctionnel permanent (DFP) : la demande se heurte à l’autorité de la chose jugée.
Parties impliquées
M. [L] (salarié / victime)
CPAM de la Gironde
Société [1] (employeur)
Juridiction :
Cour de cassation, 2e chambre civile, avis du 27 novembre 2025, pourvoi n° 25-70.015,
Nature du litige
Question posée en demande d’avis : la victime d’un AT/MP dû à une faute inexcusable peut-elle, après le 20 janvier 2023, saisir à nouveau le pôle social pour obtenir un DFP distinct, alors qu’un jugement définitif antérieur a déjà reconnu la faute inexcusable et indemnisé (notamment via la majoration de rente au maximum) ?
Effet direct sur la jurisprudence / les pratiques
L’avis verrouille la stratégie consistant à “revenir” devant le pôle social pour demander un DFP distinct quand une décision irrévocable a déjà réparé l’ensemble des conséquences avant le revirement : sécurité juridique et chose jugée priment.
2) Analyse détaillée
La Cour articule deux lignes :
le revirement profite aux litiges non définitivement tranchés ;
mais ne permet pas de remettre en cause une décision irrévocable, même si le droit a changé.
A. Les faits (chronologie complète, d’après l’avis)
27 avril 2021 : le tribunal judiciaire de Bordeaux (pôle social) rend une décision (devenue définitive) : reconnaissance de la faute inexcusable et indemnisation des préjudices, incluant la majoration de rente au maximum (élément expressément rappelé dans la question posée à la Cour).
20 janvier 2023 : revirement d’Assemblée plénière : la rente AT/MP ne répare plus le DFP ; la victime peut donc demander un poste DFP distinct (principe rappelé dans l’énoncé de la demande d’avis).
Après le 20 janvier 2023 : M. [L] engage une démarche pour obtenir une indemnisation complémentaire du DFP.
31 mai 2024 : le juge de la mise en état déclare la demande DFP irrecevable (autorité de la chose jugée) et précise que l’ordonnance met fin à l’instance (référence à l’article 544 CPC).
12 juin 2025 : la cour d’appel de Bordeaux forme une demande d’avis.
26 juin 2025 : réception de la demande d’avis par la Cour de cassation.
19 novembre 2025 : examen en séance.
27 novembre 2025 : avis rendu.
B. La procédure (1re instance – appel – avis)
Décision initiale (pôle social TJ Bordeaux) 27 avril 2021 : indemnisation (décision irrévocable au moment du revirement 2023, selon les termes mêmes de la question).
Nouvelle instance postérieure : incident devant le JME → ordonnance 31 mai 2024 d’irrecevabilité + fin d’instance.
Appel : l’ordonnance est frappée d’appel devant la CA Bordeaux, qui saisit la Cour de cassation pour avis (12 juin 2025).
C. Contenu de la décision
1) Arguments des parties
Salarié : invoque l’article 1355 (chose jugée) et soutient qu’il n’est pas tenu de présenter toutes ses demandes dans la même instance ; ajoute l’application immédiate de la jurisprudence du 20 janvier 2023 aux situations en cours.
Employeur : oppose la chose jugée, en affirmant que le DFP a déjà été indemnisé par la décision du 27 avril 2021.
2) Raisonnement de la Cour
Principe : la chose jugée ne vaut que pour ce qui a fait l’objet du jugement (identité d’objet, cause, parties) ; la Cour rappelle le texte de l’article 1355 du code civil.
Distinction structurante :
si le litige n’est pas définitivement tranché, un revirement peut être pris en compte (accès au juge / égalité de traitement) ;
si une décision irrévocable est intervenue, la sécurité juridique impose de respecter la chose jugée (la Cour s’appuie aussi sur des références CEDH, citées dans l’avis).
Conciliation avec la jurisprudence “préjudice non demandé” :
oui, on peut en principe réclamer un élément de préjudice non inclus initialement (référence à 1993) ;
oui, la victime n’est pas tenue de présenter toutes ses demandes dès la première instance (référence à 2022) ;
mais : un revirement postérieur à une décision irrévocable ne constitue pas un élément nouveau permettant de remettre en cause la situation reconnue en justice (référence 2009).
Point clé “DFP” :
avant le revirement, la Cour jugeait que la rente AT/MP indemnisait notamment le DFP (ligne 2009), donc pas d’indemnisation distincte sur le fondement CSS ;
depuis 20 janvier 2023, la rente ne répare plus le DFP, donc un DFP distinct devient possible en faute inexcusable ;
toutefois, si une décision irrévocable antérieure a indemnisé “l’ensemble des conséquences dommageables”, elle inclut nécessairement le DFP tel qu’il était alors conçu (forfaitairement via la rente) : le revirement ne peut pas “réouvrir” la chose jugée.
3) Solution retenue
La Cour est d’avis que la demande d’indemnisation d’un DFP présentée après le 20 janvier 2023 par une victime déjà indemnisée par une décision irrévocable antérieure, se heurte à la chose jugée et est irrecevable.
3) Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. 2e civ., 27 nov. 2025, n° 25-70.015 (avis)
Cass., Ass. plén., 20 janv. 2023, n° 20-23.673
Cass., Ass. plén., 2 avr. 2021, n° 19-18.814
Cass. 2e civ., 6 janv. 1993, n° 91-15.391
Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 08-10.679
Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-17.581
Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.768
Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089
Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n° 11-21.015
Cass. 2e civ., 16 mai 2024, n° 22-23.314
Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.050
3.2 Textes légaux
Article 544 du code de procédure civile (référence utilisée dans l’ordonnance d’incident)
Article 1031-1 du code de procédure civile (demande d’avis)
Article 1355 du code civil (chose jugée) – texte cité in extenso dans l’avis
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
4) Analyse juridique approfondie
L’avis ne remet pas en cause le revirement de 2023 sur le fond (DFP distinct possible), mais fixe une frontière : le revirement ne traverse pas la chose jugée.
A. Le “cœur” : revirement vs chose jugée
Après 20 janvier 2023 : la victime peut demander un DFP distinct, si son litige n’a pas été définitivement tranché (logique d’effectivité).
Mais si un jugement est irrévocable, la Cour érige la sécurité juridique en verrou : le revirement n’est pas “un fait nouveau” permettant une nouvelle action sur le même dommage déjà réparé.
B. Pourquoi la demande DFP est “déjà dedans” (avant 2023)
La Cour raisonne historiquement : avant 2023, le DFP était considéré comme couverts par la rente (jurisprudence 2009) ; donc un jugement irrévocable antérieur, censé réparer “toutes les conséquences dommageables”, inclut nécessairement ce poste (même si la nomenclature actuelle l’isole).
C. Conséquences pratiques pour les victimes
Si vous avez une décision définitive avant le 20/01/2023 : une nouvelle action “spéciale DFP” a de fortes chances d’être irrecevable (c’est la réponse de l’avis).
Si votre dossier était encore en cours (pas de décision irrévocable) : le revirement peut être mobilisé par le juge.
5) Critique de la décision
Principe directeur : le changement de jurisprudence améliore l’égalité de traitement tant que le litige n’est pas clos ; après clôture, priorité à la stabilité des situations.
6) Accompagnement personnalisé
Si vous êtes victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et que vous vous demandez :
si votre jugement est réellement irrévocable,
si l’indemnisation obtenue couvrait “toutes les conséquences”,
et si une action complémentaire est encore recevable,
la SELARL PHILIPPE GONET peut analyser vos décisions (jugement, arrêt, dates, voies de recours), et définir une stratégie réaliste (évaluation des chances, coûts, délais, preuves médicales).
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