Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
1) Résumé succinct
Parties : M. [J] [F] / Ministère public.
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle (formation restreinte), 6 août 2025, n° 25-83.718, ECLI:FR:CCASS:2025:CR01129.
Nature du litige : Rejet, par la chambre de l’instruction de Douai (29 avr. 2025), d’une demande de mise en liberté d’un accusé déjà condamné deux fois par la cour d’assises (10 ans en 2023, puis 12 ans en 2024) et en pourvoi.
Solution : Cassation : les juges d’appel ont maintenu la détention en se fondant sur la « double condamnation » et la « perspective de l’échéance des voies de recours », sans s’expliquer concrètement sur le caractère insuffisant d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE). Renvoi à la même cour d’appel autrement composée.
Effet direct : Rappel/renforcement d’une exigence constante : la détention provisoire ne peut être maintenue qu’à défaut d’alternatives suffisantes, motivation concrète et circonstanciée à l’appui (art. 144 CPP).
2) Analyse détaillée
Les faits (chronologie)
7 juill. 2016 : Faits de violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur mineur de moins de 15 ans par ascendant.
6 janv. 2023 : Cour d’assises (premier ressort) : 10 ans de réclusion.
15 oct. 2024 : Cour d’assises d’appel : 12 ans de réclusion.
12 mars 2025 : Demande de mise en liberté pendant le pourvoi.
La procédure
29 avr. 2025 : Chambre de l’instruction de Douai rejette la mise en liberté.
Pourvoi du demandeur (n° 25-83.718).
6 août 2025 : Cassation — renvoi à la même cour d’appel, autrement composée.
Les moyens
Le demandeur reprochait à l’arrêt d’appel :
d’avoir méconnu la présomption d’innocence et l’effet suspensif du pourvoi, en assimilant la double condamnation à un risque de fuite ;
de ne pas avoir apprécié le risque de fuite à partir d’éléments personnels et objectifs (domicile, emploi, liens familiaux, insertion) pourtant favorables et constatés ;
de n’avoir pas motivé l’insuffisance d’un contrôle judiciaire ou d’une ARSE au regard des objectifs de l’article 144 CPP.
La réponse de la Cour de cassation (raisonnement et solution)
Visa : article 144 CPP : la détention ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle est l’unique moyen, au vu d’éléments précis et circonstanciés, d’atteindre les objectifs légaux, ces objectifs ne pouvant être atteints par un contrôle judiciaire ou une ARSE.
Constat : la chambre de l’instruction a :
relevé des garanties de représentation (comparutions libres à deux reprises, absence d’incident sous contrôle judiciaire, vie familiale et insertion professionnelle) ;
puis jugé que la double condamnation et la nature « extraordinaire » du pourvoi imposaient la certitude du maintien à disposition de la justice.
Censure : en s’arrêtant là, sans s’expliquer mieux sur le caractère insuffisant du contrôle judiciaire ou de l’ARSE, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 144 CPP → cassation et renvoi.
3) Références juridiques
3.1 Jurisprudence (antérieure/connexe)
Cass. crim., 22 juill. 2020, n° 20-81.987 — Cassation : obligation de motiver l’insuffisance du contrôle judiciaire/ARSE, même après des comparutions libres antérieures.
Cass. crim., 25 janv. 2017, n° 16-86.719 — Cassation partielle : censures pour absence d’explication concrète sur l’insuffisance d’une ARSE.
Cass. crim., 20 avr. 2022, n° 22-80.649 — Rejet : décision d’appel validée car elle explique précisément pourquoi contrôle judiciaire/ARSE sont insuffisants.
Cass. crim., 19 avr. 2023, n° 23-80.873 — Cassation : lorsque l’ARSE mobile est possible (> 8 mois en correctionnel), la motivation doit spécifiquement traiter son insuffisance.
Décision commentée : Cass. crim., 6 août 2025, n° 25-83.718 — Cassation : exigence réitérée d’une motivation concrète sur l’insuffisance des alternatives.
3.2 Textes légaux (version applicable)
Article 144 du code de procédure pénale (version en vigueur au 11 mai 2025, applicable au 6 août 2025) — extrait essentiel :
« La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est démontré […] qu’elle constitue l’unique moyen […] et que [les objectifs] ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique. »
4) Analyse juridique approfondie
Principe réaffirmé
La Cour rappelle que l’« unique moyen » (art. 144 CPP) n’est pas une formule stéréotypée : il faut démontrer, au regard d’éléments précis et circonstanciés tirés du dossier, pourquoi un contrôle judiciaire (éventuellement renforcé) ou une ARSE (éventuellement mobile) serait insuffisant pour atteindre les objectifs légaux (preuves, pression, concertation, protection, représentation, cessation/pérennité de l’infraction).
Apport de l’arrêt du 6 août 2025
Contexte sensible : double condamnation par la cour d’assises et pourvoi pendant. La chambre de l’instruction a inféré un risque de fuite quasi-automatique et la nécessité d’une « certitude » de représentation du seul fait de l’approche de l’échéance des recours et du caractère « extraordinaire » du pourvoi.
Censure : la double condamnation n’exonère pas de motiver in concreto l’insuffisance des mesures alternatives (contrôle judiciaire/ARSE), surtout lorsque le dossier révèle des garanties de représentation positives (comparutions libres, contrôle judiciaire respecté, insertion, famille).
Insertion dans la construction jurisprudentielle : parfaite continuité avec 2017 (obligation d’argumenter sur l’ARSE), 2020 (comparutions libres antérieures prises en compte), 2023 (obligation spécifique de traiter l’ARSE mobile quand elle est envisageable).
Conséquences pratiques
Pour les chambres de l’instruction : bannir les motivations abstraites; analyser les mesures alternatives proposables (assignation simple/mobile, obligations sur-mesure, cautions, interdictions de contact, obligations professionnelles, etc.) et justifier leur insuffisance au regard du dossier.
Pour la défense : documenter les garanties (domicile, emploi, famille, antécédents d’exécution, projets, attestation d’hébergement éloignée des lieux, acceptation d’une ARSE mobile), argumenter sur l’effet suspensif du pourvoi et la proportionnalité.
5) Critique de la décision
L’arrêt du 6 août 2025 ne crée pas de revirement : il resserre la discipline de motivation face aux tentations « automatiques » liées à la double condamnation et au pourvoi.
6) Accompagnement personnalisé
Pour sécuriser vos demandes de mise en liberté (ou pour contester un maintien en détention), la SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer le dossier et bâtir une proposition alternative (ARSE, contrôle judiciaire renforcé) argumentée in concreto ;
Rédiger un mémoire ciblant les objectifs de l’art. 144 CPP et la proportionnalité ;
Plaider devant la chambre de l’instruction, avec pistes probatoires (hébergement, emploi, soins, éloignement…).
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit pénal