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Absence de signature du juge : la détention provisoire est inexistante

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Absence de signature du juge : la détention provisoire est inexistante
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I. Résumé 

Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle  28 octobre 2025 n° 25-85.293

Parties :

Demandeur au pourvoi : M. [E] [T]

Défendeur : ministère public (parquet général près la cour d’appel de Fort-de-France)

Nature du litige :

Le pourvoi portait sur la validité d’une ordonnance de placement en détention provisoire dépourvue de la signature du juge des libertés et de la détention (JLD).

Décision :
La Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction de Fort-de-France du 8 juillet 2025 et constate l’inexistence de l’ordonnance de détention provisoire non signée.
Elle ordonne la mise en liberté immédiate de la personne détenue, tout en la plaçant sous contrôle judiciaire (articles 803-7 et 144 CPP).

Effet jurisprudentiel :
La chambre criminelle érige la signature du magistrat sur l’ordonnance de placement en détention provisoire en formalités substantielles, dont l’absence rend l’acte juridiquement inexistant. Cette solution renforce le contrôle du juge sur la régularité formelle des mesures privatives de liberté.


II. Faits et procédure

Mise en examen et détention provisoire.

Le 29 août 2024, M. [E] [T] est mis en examen des chefs de viol aggravé en récidive et violences aggravées. Le JLD ordonne son placement en détention provisoire.

L’ordonnance porte le sceau du juge, mais ne comporte pas la signature du magistrat.

Demande de mise en liberté.

Le 2 juin 2025, le mis en examen sollicite sa mise en liberté, arguant de l’irrégularité du titre de détention.

Le JLD rejette sa demande.

Appel.

La chambre de l’instruction de Fort-de-France confirme l’ordonnance le 8 juillet 2025, estimant que l’absence de signature n’était qu’une simple omission dès lors que le document portait le sceau du juge et les signatures du mis en examen, de son avocat et du greffier.

Pourvoi.

M. [T] se pourvoit en cassation, invoquant la violation :
de l’article 145 du code de procédure pénale,
des articles 5 §§ 1 et 4 CEDH, 66 de la Constitution,
et des articles 591 et 593 CPP (défaut de base légale).

III. Les moyens de cassation

Premier moyen
Violation des articles 5 CEDH et 145 CPP :

l’absence de signature du JLD sur l’ordonnance de détention constitue une violation d’une formalité substantielle entraînant l’inexistence du titre de détention.

Second moyen
Violation des mêmes textes :

la chambre de l’instruction aurait dû constater d’office l’inexistence de l’acte et ordonner la libération immédiate du détenu.

IV. Réponse de la Cour de cassation

1. Principe énoncé

« Il résulte de l’article 145 du code de procédure pénale qu’est inexistante l’ordonnance de placement en détention provisoire qui ne comporte pas la signature du magistrat qui l’a rendue, laquelle constitue une formalité substantielle, de sorte que le mandat de dépôt subséquent est privé de tout effet. »

La Cour affirme donc que la signature du juge est une condition d’existence de l’acte de placement en détention.

L’absence de cette signature n’est pas une simple irrégularité, mais une inexistence juridique.

2. Application au cas d’espèce

La Cour constate que :

le document n’est pas signé du JLD,
la présence du sceau et des signatures des autres participants ne suffit pas à valider l’acte.
Dès lors, le placement en détention provisoire est inexistant, et la privation de liberté est dépourvue de base légale.

3. Portée de la cassation

Cassation sans renvoi (art. L. 411-3 COJ) : la Cour applique directement la règle de droit.
Constat de détention sans titre depuis le 29 août 2024.
Ordre de mise en liberté immédiate (sauf autre cause de détention).
Placement sous contrôle judiciaire sur le fondement de l’article 803-7 CPP.

V. Portée et analyse juridique

1. Une formalité substantielle touchant à la liberté individuelle
La signature du juge atteste de sa volonté et de son contrôle sur la mesure privative de liberté.
Son absence fait disparaître toute garantie juridictionnelle, en violation :

de l’article 5 § 1 CEDH (privation de liberté uniquement sur décision régulière d’un juge),
et de l’article 66 de la Constitution (protection de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire).

2. Notion d’« inexistence juridique » de l’acte

La chambre criminelle distingue ici :

la nullité (irrégularité entraînant annulation),
et l’inexistence (absence même d’acte juridique).
Ainsi, l’ordonnance non signée n’a jamais produit d’effet : le mandat de dépôt subséquent est nul et la détention illégale.

3. Pouvoir correctif de la Cour (article 803-7 CPP)

La Cour de cassation ne se limite pas à ordonner la libération : elle substitue une mesure de contrôle judiciaire, dès lors qu’il existe des indices graves et concordants (art. 144 CPP).

Cette solution concilie :

le respect des droits fondamentaux (liberté individuelle),
et les impératifs de sécurité publique et de représentation judiciaire.

VI. Références juridiques
Textes appliqués
Article 145 CPP – version en vigueur au 28 octobre 2025 :

Article 803-7 CPP – possibilité de placement sous contrôle judiciaire après détention irrégulière

Article 144 CPP – objectifs de la détention provisoire

Jurisprudences antérieures comparables
Cass. crim., 23 févr. 2016, n° 15-86.594 : absence de signature d’un mandat d’arrêt → nullité.

Cass. crim., 12 mars 2019, n° 18-84.201 : absence de signature du juge sur une ordonnance de prolongation de détention → violation d’une formalité substantielle.

CEDH, Assanidze c. Géorgie, 8 avr. 2004, § 171 : détention illégale = violation de l’article 5 § 1 CEDH.

VII. Appréciation critique
Cette décision illustre une protection renforcée du formalisme garant des libertés individuelles.
La Cour adopte une lecture stricte du contrôle judiciaire sur la détention, refusant toute tolérance face à des omissions matérielles.

Portée pratique :
Les juridictions d’instruction devront vérifier systématiquement la présence de la signature du magistrat sur toute ordonnance privative de liberté.
L’absence de cette signature entraîne une libération immédiate, même dans le cadre d’une demande de mise en liberté postérieure.

Portée théorique :
L’arrêt consacre la distinction entre l’acte nul et l’acte inexistant, cette dernière qualification restant rare en procédure pénale.
Il renforce le rôle de la Cour de cassation comme gardienne du contrôle formel de la détention, au même titre que le juge européen.


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