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1. Résumé de la décision
Parties impliquées
Parties civiles : victimes ou ayants droit de victimes d’une exposition à l’amiante sur un grand campus universitaire parisien, ainsi que des associations et organisations syndicales constituées parties civiles.
Personnes morales mises en examen puis visées par la procédure : deux universités publiques (EPSCP) parisiennes, ultérieurement fusionnées au sein de nouveaux établissements publics d’enseignement supérieur.
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle 12 novembre 2025N° de pourvoi : 23-84.389
Nature du litige
Information pénale ouverte pour homicides involontaires, blessures involontaires, mise en danger de la vie d’autrui et omission de porter secours, liés à l’exposition à l’amiante de nombreuses personnes (étudiants, personnels, usagers) sur un campus universitaire.
Deux universités parisiennes ont été mises en examen, puis ont perdu leur personnalité morale à la suite de fusions créant de nouveaux établissements publics par décrets de 2017 et 2019 pris sur le fondement du Code de l’éducation, art. L. 718-6 (fusion d’établissements).
La question centrale : l’action publique est-elle éteinte du seul fait de la fusion et de la disparition juridique des universités mises en examen, ou la responsabilité pénale peut-elle être transférée aux nouveaux établissements publics issus de la fusion ?
Effet direct de la décision sur la jurisprudence et les pratiques
La chambre criminelle :
Confirme le revirement du 25 novembre 2020 (fusion-absorption des sociétés : transfert possible de la responsabilité pénale à la société absorbante) et son extension aux SARL (arrêt du 22 mai 2024).
Étend explicitement ces principes aux établissements publics d’enseignement supérieur (EPSCP), sur le fondement de l’article 121-2 du Code pénal, qui ne distingue pas entre personnes morales de droit privé et de droit public (hors cas spécifiques de l’État et de certaines collectivités).
Mais, au nom de l’article 7 CEDH (principe de prévisibilité et de non-rétroactivité en matière pénale), elle décide que cette extension ne peut pas s’appliquer aux fusions issues de textes publiés avant le 25 novembre 2020, sauf fraude.
Conséquence concrète :
Pour les universités concernées, créées par décret n° 2017-596 du 21 avril 2017 et décret n° 2019-209 du 20 mars 2019, la fusion étant antérieure au 25 novembre 2020, l’action publique demeure éteinte à l’encontre des universités initialement mises en examen et la chambre criminelle rejette le pourvoi des parties civiles.
Pour l’avenir, la décision sécurise le principe de transfert de responsabilité pénale aux établissements publics issus d’une fusion, à condition que le texte organisant la fusion soit postérieur au 25 novembre 2020 et que la continuité économique et fonctionnelle soit caractérisée.
2. Analyse détaillée
2.1. Les faits : exposition à l’amiante sur un campus universitaire
Sans entrer dans les détails d’identification (l’arrêt étant anonymisé), il résulte de la décision que :
Le litige concerne un grand ensemble immobilier universitaire mis en service dans les années 1960-1970, largement construit avec des matériaux contenant de l’amiante.
Sur plusieurs décennies, étudiants, enseignants-chercheurs, personnels et usagers auraient été exposés, donnant lieu à de nombreux cas de pathologies graves (mesothéliome, cancers, atteintes respiratoires…), certains ayant entraîné des décès.
Des plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire contre les universités qui avaient la charge du campus et la qualité d’employeur ou de gestionnaire d’immeubles.
Au moment des faits, les obligations de sécurité pesant sur l’employeur et le propriétaire/gestionnaire d’immeuble « amianté » sont déjà bien établies, notamment via le Code du travail et la réglementation sur l’amiante (textes non directement visés par l’arrêt, et donc non détaillés ici pour respecter le protocole de vérification).
2.2. La procédure : de l’information judiciaire au rejet du pourvoi
Information judiciaire :
Une information est ouverte du chef notamment d’homicides et blessures involontaires, mise en danger d’autrui et omission de porter secours, visant les deux universités publiques concernées.
Celles-ci sont mises en examen en tant que personnes morales, sur le fondement des articles 121-2 du Code pénal et 2 et suivants du Code de procédure pénale (action de la partie civile).
Réorganisation du paysage universitaire :
Par décret n° 2017-596 du 21 avril 2017, une première université est créée, par fusion de plusieurs établissements, à compter du 1er janvier 2018.
Par décret n° 2019-209 du 20 mars 2019, une autre université est créée, à compter du 1er janvier 2020, par fusion d’établissements, sur le même fondement du Code de l’éducation, art. L. 718-6.
Ces textes organisent la fusion d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) en un nouvel établissement, dans le cadre du chapitre VIII bis du Code de l’éducation relatif aux « coopérations et regroupements d’établissements ».
Ordonnance de non-lieu :
Le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu en retenant notamment que l’action publique est éteinte à l’égard des universités initiales, celles-ci ayant disparu par fusion.
Les parties civiles interjettent appel devant la chambre de l’instruction.
Arrêt de la chambre de l’instruction (CA Paris, 5 juill. 2023) :
La chambre de l’instruction confirme le non-lieu et juge que :
la disparition de la personnalité morale des universités initiales, du fait des fusions de 2017 et 2019, entraîne l’extinction de l’action publique à leur égard ;
le revirement de jurisprudence du 25 novembre 2020 (fusion-absorption des sociétés et transfert de responsabilité pénale) ne s’applique qu’aux personnes morales de droit privé, et seulement pour les fusions postérieures au 25 novembre 2020 ;
aucune fraude n’est caractérisée.
Pourvoi en cassation des parties civiles :
Les parties civiles soutiennent notamment que :
l’article 6 du CPP énumère limitativement les causes d’extinction de l’action publique (mort du prévenu, prescription, amnistie, abrogation de la loi pénale et chose jugée) et que la fusion d’un établissement public n’en fait pas partie ;
les nouveaux établissements publics continuent les activités, reprennent les biens, droits et obligations des anciennes universités ; ils doivent donc pouvoir être poursuivis en qualité de personnes morales pour des faits commis avant la fusion ;
l’arrêt du 25 novembre 2020 et sa mise en œuvre par l’arrêt du 13 avril 2022 ouvrent la voie à un transfert de responsabilité pénale en cas de fusion, y compris pour des opérations antérieures, sous réserve des exigences de l’article 7 CEDH et de l’absence de fraude ;
refuser le transfert dans un dossier aussi emblématique que celui de l’amiante reviendrait à créer une cause d’impunité au profit des structures publiques réorganisées.
Arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2025 :
La chambre criminelle rejette le pourvoi.
Elle confirme l’extinction de l’action publique à l’égard des universités initiales, tout en corrigeant partiellement le raisonnement de la chambre de l’instruction sur deux points :
les principes issus des arrêts des 25 novembre 2020 et 22 mai 2024 sont bien applicables aux personnes morales de droit public, sous conditions ;
mais, en raison de l’article 7 CEDH, ils ne peuvent pas rétroagir aux fusions issues de textes publiés avant le 25 novembre 2020, sauf fraude, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.
2.3. Contenu de la décision
2.3.1. Arguments essentiels des parties civiles
Les moyens des parties civiles, tels que synthétisés par la Cour, se structurent autour des axes suivants :
Violation de l’article 6 CPP :
La chambre de l’instruction aurait ajouté une cause d’extinction de l’action publique non prévue par la loi (la fusion d’un établissement public), en contradiction avec l’article 6 du CPP.
Continuité entre les universités et les nouveaux établissements :
Les décrets de 2017 et 2019 montrent que les nouveaux établissements reprennent les activités, biens, droits et obligations des anciennes universités ; il y aurait donc continuité juridique, économique et fonctionnelle, rendant parfaitement prévisible la poursuite de l’information à leur encontre.
Mauvaise interprétation du revirement de 2020 :
Le revirement du 25 novembre 2020 (fusion-absorption des sociétés et transfert de la responsabilité pénale) n’aurait pas vocation à être cantonné aux sociétés anonymes ; il repose sur une analyse générale de la continuité des personnes morales et sur l’obligation de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne.
La chambre de l’instruction aurait, selon les parties civiles, appliqué ce revirement à contre-emploi (comme motif d’extinction), alors qu’il devait servir de fondement à la poursuite des établissements publics issus de la fusion.
Article 7 CEDH :
Les parties civiles invoquent la jurisprudence qui encadre la rétroactivité des revirements « in malam partem », mais considèrent que la possibilité de poursuivre les établissements issus de la fusion ne relève pas d’un durcissement imprévisible de la répression, dès lors que :
les nouvelles universités ont repris les obligations des anciennes ;
la continuité était lisible dans les textes et dans la pratique.
2.3.2. Le raisonnement de la chambre criminelle
Le raisonnement de la Cour se déroule en plusieurs temps :
Rappel du principe classique (avant 2020)
Sur la base de l’article 121-1 du Code pénal (« Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait »), la Cour avait jugé, pour les sociétés commerciales, que la fusion-absorption entraînait :
la dissolution de la société absorbée ;
l’extinction de l’action publique à son égard ;
l’impossibilité de poursuivre la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée (Crim., 20 juin 2000, n° 99-86.742 ; Crim., 25 oct. 2016, n° 16-80.366). Ces arrêts sont rappelés comme état antérieur de la jurisprudence.
Revirement du 25 novembre 2020 (sociétés anonymes)
Par l’arrêt Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955, la chambre criminelle a rompu avec cette approche « anthropomorphique » : la société absorbante peut être déclarée coupable et condamnée pour des infractions commises avant la fusion par la société absorbée, dès lors qu’il existe une continuité économique et fonctionnelle.
Ce revirement est justifié par :
la nécessité de mettre le droit interne en conformité avec la directive 78/855/CEE, codifiée dans la directive (UE) 2017/1132, concernant les fusions de sociétés anonymes ;
la jurisprudence de la CJUE (affaire Modelo Continente, C-343/13) et celle de la CEDH (décision Carrefour France), qui admettent le transfert d’amendes ou de sanctions à la société absorbante.
Extension aux SARL (22 mai 2024)
Avec Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, la chambre criminelle applique les mêmes principes à une société à responsabilité limitée, bien que cette forme sociale ne soit pas visée par la directive : la solution devient un principe général fondé sur l’art. 121-1 et la continuité économique et fonctionnelle.
Clarification des effets dans le temps (13 avril 2022)
Dans un arrêt Cass. crim., 13 avr. 2022, n° 21-80.653, la Cour a précisé que le revirement ne pouvait s’appliquer aux fusions antérieures au 25 novembre 2020 qu’à condition de respecter l’article 7 CEDH, ce qui conduit en pratique à limiter la rétroactivité, sauf cas de fraude.
Extension de principe aux personnes morales de droit public
La chambre criminelle constate que l’article 121-2 du Code pénal ne distingue pas, pour la responsabilité pénale des personnes morales, selon qu’elles sont de droit privé ou de droit public, sauf pour l’État (exclu) et certaines collectivités territoriales lorsqu’elles n’exercent pas des activités susceptibles de faire l’objet d’une délégation de service public.
Elle en déduit que les principes de 2020 et 2024 s’appliquent en principe aux établissements publics, y compris les universités (EPSCP) en cas de fusion sur le fondement de l’article L. 718-6 du Code de l’éducation.
Recherche de la continuité économique et fonctionnelle pour les EPSCP
En l’absence de texte général sur la responsabilité pénale en cas de fusion d’établissements publics, la Cour impose aux juges du fond, au cas par cas, de rechercher si les textes particuliers (ici les décrets de 2017 et 2019, pris sur le fondement de L. 718-6) organisent une telle continuité.
Limitation dans le temps au nom de l’article 7 CEDH
La Cour relève que la solution de 2020-2024 constitue un revirement jurisprudentiel qui n’était pas raisonnablement prévisible avant le 25 novembre 2020, au sens de l’article 7 CEDH (principe de légalité pénale, prévisibilité et non-rétroactivité in malam partem).
Elle en déduit que :
« cette application aux établissements publics d’une solution constitutive d’un revirement qui n’était pas raisonnablement prévisible avant le 25 novembre 2020 ne saurait, sauf fraude à la loi, s’appliquer qu’aux opérations résultant de textes publiés postérieurement à cette date. »
Application au cas d’espèce : fusions de 2017 et 2019
Les décrets de 2017 et 2019, créant les nouvelles universités, ont été publiés avant le 25 novembre 2020 ; ils organisent la fusion d’établissements avec transfert des activités, biens, droits et obligations.
Même si l’on pouvait y voir matériellement une continuité économique et fonctionnelle, la nouvelle interprétation de l’article 121-1 CP (transfert de responsabilité) ne peut pas rétroagir à ces opérations, sauf fraude, absente en l’espèce.
Par conséquent, la Cour confirme l’extinction de l’action publique à l’encontre des universités initiales, et rejette le pourvoi.
3. Références juridiques
3.1. Jurisprudence citée
Cass. crim., 12 nov. 2025, n° 23-84.389, FS-B, rejet
Revirement fusion-absorption – sociétés anonymes
Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955, FP-P+B+I, cassation partielle (fusion-absorption – transfert de la responsabilité pénale – directive 78/855/CEE / 2017/1132)
Extension aux SARL
Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, FS-B, rejet (urbanisme – fusion de sociétés – application du revirement de 2020 à une SARL)
Précision sur l’effet dans le temps du revirement
Cass. crim., 13 avr. 2022, n° 21-80.653, FS-B, cassation (transmission universelle de patrimoine – recel – application du revirement)
Jurisprudence antérieure (approche « anthropomorphique »)
Arrêt du 14 septembre 2021 (rappel de l’arrêt de 2016)
Cass. crim., 14 sept. 2021, n° 16-80.366, F-D, rejet (requête en interprétation ; rappelle l’arrêt du 25 oct. 2016)
3.2. Textes légaux applicables
Responsabilité pénale – personnes physiques et morales
Article 121-1, Code pénal – principe de personnalité de la responsabilité pénale
Article 121-2, Code pénal – responsabilité pénale des personnes morales
Extinction de l’action publique
Article 6, Code de procédure pénale – causes d’extinction de l’action publique
Action civile de la victime
Article 2, Code de procédure pénale – définition de l’action civile (version historique couvrant la période des faits)
Procédure devant la chambre de l’instruction et pourvoi
Article 567-1-1, Code de procédure pénale – formation restreinte de la chambre criminelle
Article 618-1, Code de procédure pénale – rejet des demandes fondées sur une procédure abusive (mentionné in fine dans plusieurs arrêts)
Fusion d’établissements d’enseignement supérieur
Article L. 718-6, Code de l’éducation – fusion d’établissements (section 2)
Article L. 718-3, Code de l’éducation – coordination territoriale et création d’un nouvel établissement par fusion (référence explicite aux fusions mentionnées à l’art. L. 718-6)
Textes réglementaires sur la création des nouvelles universités
Décret n° 2017-596 du 21 avril 2017 portant création d’une université par fusion d’établissements d’enseignement supérieur
Décret n° 2019-209 du 20 mars 2019 portant création d’une autre université par fusion et approbation de ses statuts
Article 7 CEDH (non-rétroactivité de la loi pénale)
L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme est expressément invoqué par la Cour, mais la présente recherche n’a pas permis d’identifier avec certitude un lien unique et stable sur Légifrance vers la version consolidée du texte.
Pour éviter toute approximation sur le lien, je me limite à rappeler que cet article consacre le principe de légalité des délits et des peines et la nécessité d’une prévisibilité raisonnable des revirements jurisprudentiels en matière pénale, telle qu’interprétée par la CEDH (notamment dans des affaires comme Scoppola, Del Río Prada).
4. Analyse juridique approfondie et mise en perspective
4.1. De la fusion de sociétés à la fusion d’universités
L’arrêt du 12 novembre 2025 est l’aboutissement d’un mouvement commencé avec les sociétés anonymes :
Avant 2020, la fusion-absorption était assimilée à la mort de la personne morale absorbée : l’action publique était éteinte, et la société absorbante ne pouvait être poursuivie pour les faits antérieurs commis par l’absorbée.
Le 25 novembre 2020, la chambre criminelle a renversé cette logique, au nom de la continuité économique et de la conformité avec le droit de l’Union.
Le 22 mai 2024, elle a franchi une étape supplémentaire en appliquant ce principe à une SARL, généralisant la notion de transfert de responsabilité pénale en cas de fusion-absorption, pour toutes les formes sociales, dès lors que la fusion n’est pas purement liquidative.
L’arrêt du 12 novembre 2025 réalise un double mouvement :
Extension horizontale : le principe est étendu aux établissements publics, sur la base de l’article 121-2 CP, qui vise toutes les personnes morales (sauf exceptions).
Limitation verticale dans le temps : cette extension ne vaut que pour les fusions organisées par des textes publiés après le 25 novembre 2020, sauf fraude.
4.2. La clé de voûte : article 7 CEDH et prévisibilité du revirement
La Cour articule de manière fine :
le principe de légalité (article 7 CEDH) : nul ne peut être condamné sur la base d’un changement imprévisible de jurisprudence ;
la jurisprudence de la CEDH admettant que des revirements jurisprudentiels peuvent, dans certaines limites, préciser la loi pénale, à condition qu’ils soient raisonnablement prévisibles pour les justiciables ;
l’idée qu’une interprétation nouvelle de l’article 121-1 CP (transfert de responsabilité pénale en cas de fusion) est en l’espèce défavorable aux personnes morales absorbantes ou issues de fusion (in malam partem).
D’où la solution :
Les fusions d’établissements organisées avant le 25 novembre 2020 ne peuvent pas être relues à la lumière du revirement de 2020, sauf fraude, sous peine de violer l’article 7 CEDH.
Les établissements publics créés par ces fusions ne peuvent donc pas être poursuivis sur le fondement de la nouvelle interprétation de l’article 121-1 CP.
En revanche, pour toutes les fusions d’établissements publics organisées par des textes publiés après le 25 novembre 2020, la solution est claire :
si les textes font apparaître une continuité économique et fonctionnelle, le nouvel établissement pourra être déclaré pénalement responsable pour des faits commis avant la fusion par les établissements fusionnés.
4.3. Conséquences pratiques pour les victimes (amiante, santé au travail, expositions toxiques)
Concrètement, pour les victimes d’expositions toxiques (amiante sur un campus, pollution industrielle, risques chimiques dans un hôpital ou une collectivité), la décision entraîne une distinction temporelle :
Fusions publiques antérieures au 25 novembre 2020
Au plan pénal, l’action publique peut se trouver définitivement bloquée à l’égard des personnes morales mises en examen et disparues par fusion, dès lors qu’il n’existe pas d’autre personne morale (créée postérieurement à 2020) susceptible de supporter la responsabilité selon les nouveaux critères.
En revanche, cela n’interdit pas de rechercher la responsabilité pénale de personnes physiques (dirigeants, responsables de site, etc.), ni de solliciter réparation devant le juge civil sur le fondement de la faute ou de la responsabilité sans faute, selon le régime applicable.
Fusions publiques postérieures au 25 novembre 2020
Les victimes pourront désormais argumenter beaucoup plus facilement pour soutenir que :
l’établissement public issu de la fusion n’est pas distinct de ceux qui existaient auparavant, au sens de l’article 121-1 CP ;
la fusion ne doit pas devenir un moyen d’échapper à la responsabilité pénale.
Les juges devront alors analyser finement le texte de création (décret, loi) et le statut de l’établissement pour vérifier s’il y a bien transmission des obligations et continuité des missions.
En filigrane, l’arrêt envoie un signal aux pouvoirs publics : les réorganisations de structures publiques ne peuvent plus être conçues comme un « reset pénal », dès lors qu’elles interviennent dans un contexte où le revirement de 2020 est connu et intégré.
5. Critique de la décision
Points forts de la décision
Sécurité juridique :
La Cour sécurise définitivement le principe selon lequel la fusion ne fait pas disparaître la responsabilité pénale de la personne morale : le droit français rejoint la logique économique et européenne.
Clarification pour les établissements publics :
L’extension de la solution aux EPSCP lève un flou important : les universités, hôpitaux ou autres établissements publics ne sont plus en dehors du champ de ce mécanisme.
Respect de l’article 7 CEDH :
La Cour adopte une approche prudentielle, évitant la rétroactivité défavorable d’un revirement jurisprudentiel. Elle se conforme ainsi au contrôle de la CEDH sur les revirements pénaux.
5.2. Limites et critiques possibles
Déception pour les victimes de l’amiante :
Dans ce dossier emblématique, les victimes se voient opposer la barrière temporelle de 2020-2017/2019 : la fusion a eu lieu trop tôt pour permettre l’application du revirement.
Sur le plan symbolique, cela peut donner le sentiment que la responsabilité des établissements publics est « corrigée pour l’avenir », mais sans effet concret pour les victimes des expositions les plus anciennes.
Complexité des régimes transitoires :
La multiplication des arrêts (2000, 2016, 2020, 2022, 2024, 2025) crée un régime très sophistiqué :
distinction entre privé / public ;
distinction entre avant / après 25 novembre 2020 ;
prise en compte de la fraude ;
appréciation de la continuité économique et fonctionnelle au cas par cas.
Pour un justiciable, cette architecture est difficilement lisible sans l’assistance d’un avocat spécialisé.
Question ouverte : articulation avec l’action civile
L’arrêt se situe sur le terrain de l’action publique.
La question de savoir dans quelle mesure les victimes peuvent continuer à agir civilement (contre l’établissement public issu de la fusion, contre l’État, contre des organismes de sécurité sociale, etc.) relève d’autres textes (responsabilité administrative, responsabilité hospitalière, FIVA, etc.) et reste à explorer au cas par cas.
6. Accompagnement des victimes et rôle de la SELARL PHILIPPE GONET
La SELARL PHILIPPE GONET, cabinet d’avocat installé à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), intervient notamment en droit du dommage corporel, responsabilité civile, droit de la construction et litiges liés aux assurances, avec une approche centrée sur la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes.
En lien avec l’arrêt du 12 novembre 2025, le cabinet peut notamment :
Analyser la chaîne des responsabilités
Vérifier si la structure impliquée (université, hôpital, établissement public ou société) a fait l’objet d’une fusion ou d’une réorganisation susceptible d’affecter l’action pénale ou civile.
Qualifier la période des faits (avant ou après 25 novembre 2020) et les textes de création ou de fusion pour déterminer si le transfert de responsabilité pénale est possible.
Assister les victimes dans leurs démarches
Déposer une plainte avec constitution de partie civile lorsque c’est encore possible, ou explorer les recours civils et administratifs (responsabilité de l’employeur, du propriétaire, des assureurs, recours devant les organismes d’indemnisation).
Chiffrer précisément les préjudices, en s’appuyant sur les nomenclatures et les expertises médicales.
Sécuriser les procédures pour les établissements publics ou privés
Pour les universités, EPSCP, hôpitaux ou sociétés confrontés à des procédures pénales ou à des réorganisations, le cabinet peut anticiper l’impact pénal des fusions ou regroupements et mettre en place une stratégie de gestion des risques.
Si vous êtes confronté(e) à une exposition à l’amiante, à un risque chimique ou à un litige lié à une réorganisation d’établissement public ou privé, il est vivement recommandé de faire analyser votre situation par un avocat maîtrisant ces évolutions jurisprudentielles.
La SELARL PHILIPPE GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut vous accompagner pour défendre vos droits et sécuriser vos démarches, que vous soyez victime ou responsable potentiel.
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