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1. Résumé succinct
Parties : M. C. B. c/ DRFiP Normandie & Seine-Maritime (État).
Juridiction : Conseil d’État, 8e–3e chambres réunies — lecture : 17 septembre 2025Â
Nature du litige : Contestation de quatre saisies administratives à tiers détenteur (SATD) et demande de décharge de l’obligation de payer, restitution des sommes prélevées et frais bancaires.
Effet direct sur la pratique :
La contestation d’un acte de poursuite dirigé contre un héritier pour défaut de signification du titre au sens de l’art. 877 C. civ. relève du juge judiciaire (JEX) via l’art. L. 281 LPF ;
Des SATD déjà mainlevées et sans effet avant la saisine rendent irrecevables les conclusions de décharge ;
Le juge administratif ne peut pas annuler une SATD pour priver son effet interruptif de prescription (partage des compétences).
2. Analyse détaillée
Les faitsÂ
10 sept. 2021 : Mise en demeure (succession de Mme A. B.) visant taxe foncière (2018–2021) et taxe d’habitation sur logements vacants (THLV) (2017–2021).
6 juill. 2022 : Quatre SATD émises par la DRFiP Normandie & Seine-Maritime sur les comptes de M. B.
29 mars 2024 : TA Rouen rejette les demandes de M. B. (décharge, restitution, frais bancaires, intérêts).
11 sept. & 11 déc. 2024 : Pourvoi sommaire puis mémoire complémentaire devant le Conseil d’État.
La procédure
1re instance (TA Rouen) : rejet pour irrecevabilité des conclusions de décharge (SATD mainlevées avant l’introduction) et incompétence sur le grief fondé sur l’art. 877 C. civ. ; rejet des demandes accessoires (restitution, frais).
Cassation (CE) : pourvoi rejeté ; confirmation de l’analyse du TA sur la régularité (R. 611-7 & R. 741-2 CJA), la compétence (L. 281 LPF / art. 877 C. civ.), l’absence d’objet (mainlevée), et le rejet des frais bancaires faute de preuve.
Contenu de la décision
Arguments du demandeur (M. B.) :
Irrégularité du jugement (absence de mention de la communication d’un moyen d’office ; non-visé de ses observations).
Erreur de droit : conclusions privées d’objet malgré l’effet interruptif des SATD sur la prescription.
Dénaturation : la mise en demeure de 2021 ne visait pas THLV 2018.
Frais bancaires supportés.
Raisonnement du Conseil d’État :
Régularité du jugement :
R. 611-7 CJA n’impose pas de mentionner, à peine d’irrégularité, la communication d’un moyen relevé d’office ; l’information a d’ailleurs été faite en cours d’instruction.
L’omission de viser des observations supplée par le mémoire récapitulatif ultérieur, dûment visé (R. 741-2 CJA).
Compétence – art. 877 C. civ. : la contestation tirée du défaut de signification du titre exécutoire au défunt (avant poursuite contre l’héritier) porte sur la régularité en la forme de l’acte de poursuite : elle relève du juge judiciaire selon L. 281 LPF.
Irrecevabilité – mainlevée antérieure : si l’acte de poursuite a fait l’objet avant la saisine d’une mesure d’abandon et n’a produit aucun effet, la contestation de décharge est dépourvue d’objet.
Effet interruptif des SATD : le juge administratif ne peut annuler les SATD pour leur retirer un effet interruptif de prescription — cela méconnaîtrait le partage de compétence administratif/judiciaire. Moyen inopérant.
Frais bancaires : absence de preuve — appréciation souveraine sans dénaturation.
Solution : Rejet du pourvoi ; pas d’allocation au titre de la loi du 10 juill. 1991 (art. 37).
3. Références juridiquesÂ
3.1 JurisprudenceÂ
CE, 8e–3e ch. réunies, 17 sept. 2025, n° 497769Â
TC, 6 févr. 2023, n° C4262 — Recouvrement, L. 281 LPF : compétence du juge de l’exécution (JEX) pour la régularité des actes de poursuite.Â
CE, 22 févr. 2017, n° 394647, ch. réunies (publié) — Séparation des compétences : contestations relatives au privilège du Trésor et effets indemnitaires → juge judiciaire.
CE, 27 déc. 2022, n° 447378 (inédit) — L. 281 LPF : rappel de la répartition des voies de recours et des juges compétents.Â
CE, 24 juin 2025, n° 488406 (inédit) — L. 281 / R. 281-4 LPF : chemin procédural et renvoi au JEX pour la régularité.Â
CAA Bordeaux, 16 nov. 2018, n° 17BX02863 — Régularité d’un acte de poursuite = JEX ; rappel de l’interruption de prescription par l’acte notifié.Â
CE, 11 mai 1994, n° 93770 (Mischke) — Commandements et interruption de prescription en recouvrement.Â
Remarque : la règle spécifique posée par l’arrêt du 17 sept. 2025 (mainlevée préalable ⇒ irrecevabilité pour défaut d’objet ; impossibilité pour le juge administratif de priver l’acte de son effet interruptif) s’inscrit dans la ligne de la répartition des compétences (CE 2017 ; TC 2023) et de la jurisprudence sur les effets interruptifs (CE 1994 ; décisions ultérieures citées).
3.2 Textes légauxÂ
LPF, art. L. 281 — « Les contestations relatives au recouvrement… doivent être adressées à l’administration… / Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l’acte ; 2°… sur l’obligation au paiement, sur le montant de la dette… sur l’exigibilité… / Les recours… sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l’exécution, dans le second cas, devant le juge de l’impôt… »Â
C. civ., art. 877 — « Le titre exécutoire contre le défunt l’est aussi contre l’héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite. »Â
CJA, art. R. 611-7 — (information préalable des parties en cas de moyen relevé d’office).
CJA, art. R. 741-2 — (contenu de la décision : visas, publicité de l’audience).Â
4. Analyse juridique approfondie
Clé n°1 — Compétence (L. 281 LPF / art. 877 C. civ.)
Le CE confirme que la régularité en la forme d’un acte de poursuite (ici, défaut de signification du titre au défunt préalablement aux poursuites contre l’héritier) ressortit au juge judiciaire (JEX). C’est la rigueur classique de L. 281 et la ligne CE 2017 (n° 394647) ; TC 2023 (C4262) le rappelle également, ce qui verrouille la compétence judiciaire en matière de poursuites.Â
Clé n°2 — Mainlevée et intérêt à agir
Lorsque les SATD ont été mainlevées avant la saisine et n’ont produit aucun effet, le recours en décharge de l’obligation de payer est sans objet : la logique d’intérêt à agir prime. Cette solution évite des décisions « symboliques » hors de tout effet utile. Elle s’articule avec la jurisprudence sur l’interruption de prescription : seul le juge compétent peut apprécier les effets d’un acte de poursuite (et, côté judiciaire, l’effet interruptif ; v. par ex. CE 1994, Mischke). Légifrance
Clé n°3 — Effet interruptif & partage des rôles
Le CE refuse d’annuler les SATD (compétence judiciaire) pour neutraliser leur effet interruptif : ce serait empiéter sur le champ du JEX. Cette frontière évite les contrariétés de décisions (cf. articulation CE 2017 / TC 2023). Légifrance+1
Clé n°4 — Régularité du jugement (R. 611-7 / R. 741-2 CJA)
Pas d’irrégularité du jugement du TA :
R. 611-7 n’exige pas la mention formelle de la communication d’un moyen d’office ;
L’omission de viser certaines observations est neutralisée par le mémoire récapitulatif ultérieur, visé dans la minute (R. 741-2).
Clé n°5 — Portée pratique
Contentieux de recouvrement : bien distinguer le fond (obligation de payer) → juge de l’impôt / forme (régularité de l’acte) → JEX.
Dossiers successoraux : en cas de poursuite contre l’héritier, vérifier la signification du titre au sens de l’art. 877 C. civ. et orienter vers le JEX si contestation de la forme.
Stratégie contentieuse : si une mainlevée est intervenue avant la saisine, préférer une action devant le juge compétent sur les effets (p. ex. prescription) plutôt qu’une décharge sans objet devant l’administratif.
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