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Conseil constitutionnel 12-09-2025 : la taxe sur les services numériques validée

Le 24 septembre 2025
Conseil constitutionnel 12-09-2025 : la taxe sur les services numériques validée
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1.  Résumé succinct

Décision. Conseil constitutionnel, décision n° 2025-1157 QPC, 12 septembre 2025, Société Digital Classifieds France — « Taxe sur certains services fournis par les grandes entreprises du secteur numérique ». Le Conseil valide la constitutionnalité des articles 299, 299 bis et 299 quater du CGI (loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019), ainsi que le dernier alinéa du III de l’article 1er de cette loi. 

Parties. Requérante : Société Digital Classifieds France. Intervenantes : Airbnb Ireland Unlimited Company, LBC France, SCM Local.

Défense : Premier ministre.

Objet. QPC sur la « taxe sur les services numériques » (TSN, dite « taxe GAFA »).

Effet. Confirmation de la validité constitutionnelle : critères d’assujettissement, assiette/territorialité, taux 3 %, modalités 2019 — aucune atteinte aux articles 6 et 13 DDHC (égalité devant la loi/les charges publiques) ni caractère confiscatoire.


2. Analyse détaillée

Les faits 

24 juillet 2019 : adoption de la loi n° 2019-759 créant la TSN (codification aux art. 299, 299 bis, 299 quater CGI). 

17–18 juin 2025 : renvoi CE n° 502728 et saisine du Conseil constitutionnel (enregistrement n° 2025-1157 QPC).

6 août 2025 : audience publique (plaidoiries DCF, Airbnb, LBC France, SCM Local, Premier ministre).

11–12 septembre 2025 : délibéré (11) et publication (12) — ECLI : FR:CC:2025:2025.1157.QPC ; JORF n° 0213, 13 septembre 2025, texte n° 28. 

La procédure

Origine : QPC posée par DCF devant le CE sur la conformité des art. 299, 299 bis, 299 quater CGI (version loi 2019-759) et du dernier al. du III de l’art. 1er de cette loi.

Interventions : Airbnb, LBC France, SCM Local ; observations du Premier ministre.

Décision : rejet de l’ensemble des griefs ; conformité.

Contenu de la décision

Arguments des parties

Inégalité/égalité : champ de la taxe jugé incohérent (exclusions vs services taxés), seuils appréciés au niveau du groupe (750 M€ monde + 25 M€ France) → présomption de fraude ; absence de progressivité → effets de seuil.

Territorialité/assiette : prise en compte d’un « coefficient de présence nationale » fondé sur la localisation des utilisateurs (IP, comptes ouverts depuis la France) → critère non objectif ; valeur créée partiellement hors de France ; double imposition/caractère confiscatoire avec l’IS.

2019 (mesures transitoires) : période de référence sur 5 mois (post-promulgation) inapte à refléter la capacité contributive.

Raisonnement du Conseil

But législatif : objectif de rendement budgétaire via l’imposition de services numériques dont la création de valeur dépend de l’activité des utilisateurs français. Les critères retenus ne sont pas manifestement inappropriés.


Champ/assujettissement :

Services visés : intermédiation et publicité ciblée ; exclusions (contenus, communications, paiements, certains systèmes financiers, etc.) = critères objectifs et rationnels au regard de l’objectif poursuivi.

Seuils (750 M€/25 M€) + appréciation au niveau du groupe pour éviter le morcellement et tenir compte des effets de réseau ; assiette toutefois limitée aux sommes encaissées par l’entreprise redevable pour des services fournis en France. Aucune présomption de fraude.

Territorialité/assiette : rattachement à la France selon la localisation de l’utilisateur et/ou l’ouverture d’un compte depuis la France ; possibilité de retenir la valeur économique d’une transaction impliquant au moins un utilisateur français, même si une part de cette valeur est créée à l’étranger : critères adaptés à la nature dématérialisée des opérations.

Année 2019 : période d’évaluation du pourcentage France (du lendemain de la publication au 31 décembre 2019) justifiée par des contraintes de collecte des données ; assiette inchangée.

Taux 3 %/effets de seuil : pas de caractère confiscatoire (taxe assise sur des sommes encaissées, non sur le bénéfice ; absence de progressivité possible ; effets de seuil non manifestement excessifs). Aucune discrimination selon l’établissement en France/étranger.

Solution

Conformité intégrale des dispositions contestées (CGI art. 299 II 1° a-b et 2° al. 1, 299 III ; 299 bis II 2° et IV ; 299 quater I al. 1 et II ; dernier al. du III de l’art. 1er de la loi 2019-759).


3. Références juridiques

3.1 Jurisprudence 

Conseil constitutionnel, déc. n° 2025-1157 QPC, 12 sept. 2025

Références de principe utilisées par le Conseil (égalité art. 6 et 13 DDHC) — décisions de fond associées (pour comparaison, non déterminantes dans ce dossier mais utiles à l’exégèse) :

CC, déc. n° 2012-662 DC, 29 déc. 2012 (égalité devant les charges publiques ; caractère confiscatoire) 
CC, déc. n° 2013-685 DC, 29 déc. 2013 (égalité/effets de seuil en fiscalité)


3.2 Textes légaux 

CGI, art. 299 (version issue de la loi n° 2019-759) 

CGI, art. 299 bis (mêmes références) — (accessible via le code consolidé, même loi d’origine). (Lien direct versionnée à ajouter sur demande.)

CGI, art. 299 quater (mêmes références) — (idem).

Loi n° 2019-759 du 24 juillet 2019 (art. 1er) 

4. Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

Le Conseil recentre la QPC sur l’égalité (art. 6 DDHC) et l’égalité devant les charges publiques (art. 13 DDHC). Il admet que, pour un impôt de rendement ciblant des modèles numériques multi-faces, le législateur peut :

Définir le champ en retenant les services où la valeur dépend du comportement des utilisateurs (intermédiation & publicité ciblée) et exclure les services où la valeur provient principalement du contenu ou de services régulés (paiement, systèmes financiers) → cohérence/objectivité.

Apprécier les seuils au niveau du groupe pour prévenir le morcellement et tenir compte des effets de réseau — tout en limitant l’assiette à ce que l’entreprise redevable encaisse pour des services rattachés à la France.

Rattacher territorialement par l’utilisateur (IP, compte ouvert depuis la France) en raison de la dématérialisation des opérations ; la prise en compte d’une transaction impliquant au moins un utilisateur français ne viole pas l’égalité ni ne crée un « impôt extraterritorial ».

Écarter le caractère confiscatoire : taux 3 % sur recettes ≠ imposition cumulée sur bénéfices, absence de progressivité permise, effets de seuil non excessifs.

Comparaison jurisprudentielle

Continuité avec la ligne classique du Conseil : large marge d’appréciation du législateur si critères objectifs & rationnels et absence de rupture caractérisée (v. p. ex. 2012-662 DC ; 2013-685 DC). 

Apports spécifiques : reconnaissance explicite de la localisation par l’utilisateur comme critère de territorialité et de répartition d’assiette adapté au numérique, y compris pour des transactions transfrontières dès qu’un utilisateur français est impliqué.

Évolution des pratiques

Fiscalité numérique : la décision sécurise le cadre français (TSN 3 %) dans l’attente/à côté d’éventuelles solutions internationales (pilier 1/OCDE). Elle réduit le risque contentieux interne en constitutionnalisant le schéma utilisateur-centré (IP/compte).

5. Accompagnement personnalisé

Pour toute stratégie contentieuse (contrôle, contentieux de la TSN, interactions avec l’IS, territorialité de l’assiette, effets de seuil), la SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :

auditer la situation fiscale et les flux numériques pertinents (logs IP, comptes, données publicitaires),

sécuriser vos positions et écritures (QPC potentielle, moyens alternatifs),

piloter la communication réglementaire et le risque réputationnel.

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