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Cautionnement : l’hypothèque sur le bien de la caution bloque l’exception de nullité

Le 08 octobre 2025
Cautionnement : l’hypothèque sur le bien de la caution bloque l’exception de nullité
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1. Résumé succinct

Parties : Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes (BPAURA) c/ M. [T] [N] (caution).

Juridiction : Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, formation restreinte ; arrêt n° 451 F-B, 

Nature du litige : Validité d’un cautionnement et recevabilité d’une exception de nullité au regard de l’ancien article 1304 du code civil (rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 févr. 2016). Le point décisif : l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien de la caution constitue un commencement d’exécution du contrat de cautionnement.

Effet direct sur la pratique : La seule inscription hypothécaire (peu importe qui l’effectue) empêche la caution d’opposer l’exception de nullité lorsque l’action en nullité est prescrite : la nullité ne peut plus être soulevée par voie d’exception si le contrat a reçu un commencement d’exécution. Cour de Cassation

2. Analyse détaillée

Les faits 

09.11.2012 : Ouverture d’un compte courant au nom de la société LNA dans les livres de la banque.

23.12.2012 : Prêt de 334 000 € à la société pour l’achat d’un fonds de commerce.

05.12.2014 : M. [N] se porte caution à hauteur de 208 000 € « en garantie de toutes les obligations » de la société envers la banque.

01.07.2015 : Deuxième cautionnement de M. [N] à hauteur de 159 000 €, en garantie du prêt du 23.12.2012.

Procédure collective de la société : redressement puis liquidation ; la banque agit contre la caution pour le solde du prêt et le découvert du compte.

09.07.2021 : Sur autorisation du JEX, la banque prend inscription provisoire d’hypothèque sur des biens de M. [N] ; dénonciation le 21.07.2021.

La procédure

1re instance / appel : La caution oppose l’exception de nullité du cautionnement du 01.07.2015. La CA Grenoble (30.11.2023) annule ce cautionnement, estimant que l’inscription hypothécaire n’est pas un commencement d’exécution d’un cautionnement personnel.

Cassation (17.09.2025) : Cassation partielle ; renvoi devant CA Chambéry.
Le contenu de la décision
Arguments de la banque (moyen) :

Violation de l’ancien art. 1304 C. civ. : l’exception de nullité n’est pas recevable si la convention a reçu un commencement d’exécution ; l’inscription hypothécaire sur les biens de la caution caractérise ce commencement, sans exécution forcée requise.

Raisonnement de la Cour de cassation :

Visa : art. 1304 C. civ., rédaction antérieure à 2016.

Principe rappelé : l’exception de nullité ne se prescrit que si le contrat n’a reçu aucun commencement d’exécution.
Précision décisive : « Constitue un commencement d’exécution d’un acte de cautionnement l’inscription d’une hypothèque sur un bien de la caution, indépendamment de la personne qui l’effectue. »

Censure : En jugeant le contraire, la CA a violé le texte.

Solution :

Cassation partielle ; renvoi CA Chambéry ; M. [N] condamné aux dépens ; art. 700 CPC : 3 000 € à verser à la banque ; transmission pour mention en marge.

3.  Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 
Cass. com., 17 sept. 2025, n° 24-11.619, n° 451 F-B

Cass. 1re civ., 12 nov. 2020, n° 19-19.481 — L’exception de nullité n’est plus recevable si l’acte a reçu un commencement d’exécution par l’une des parties. 

Cass. 1re civ., 24 mars 2021, n° 19-21.231 — Rappel des conditions de l’exception de nullité et de la charge de la preuve du commencement d’exécution. 

Cass. 1re civ., 20 mai 2009, n° 08-13.018 — L’exception de nullité ne joue que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte non exécuté ; présence d’un commencement d’exécution = obstacle. 

Cass. 2e civ., 19 oct. 2006, n° 04-17.732 — Même principe (limites à l’« exception perpétuelle »). 

Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-29.474 — Précisions sur l’exception de nullité et le commencement d’exécution (contrats financiers). 

Cass. 1re civ., 15 janv. 2015, n° 13-22.614 et a. — Rappel : « exception perpétuelle » sauf commencement d’exécution. 

Cass. 3e civ., 9 mars 2017, n° 15-28.001 — Confirmation de l’obstacle en présence d’un commencement d’exécution. 

Nota : à notre connaissance, aucun arrêt antérieur publié n’énonçait expressément que l’inscription d’une hypothèque sur le bien de la caution (y compris par le créancier et à titre provisoire) vaut à elle seule commencement d’exécution du cautionnement. L’arrêt du 17.09.2025 fournit donc une clarification explicite et transférable aux contentieux de sûretés personnelles. (Analyse fondée sur les décisions précitées et la publication officielle de l’arrêt de 2025.) 

3.2 Textes légaux 

Ancien article 1304 du code civil (avant ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016) — « Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans (…) ; l’exception de nullité ne se prescrit que si le contrat n’a reçu aucun commencement d’exécution. »

4.  Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

La chambre commerciale articule le régime de l’exception de nullité (ancien art. 1304) avec la notion fonctionnelle de commencement d’exécution : il suffit que l’économie du contrat ait été mise en mouvement pour fermer la voie de l’exception. Ici, l’acte de poursuite conservatoire — l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien de la caution — est tenu pour un acte d’exécution du cautionnement, peu importe l’auteur de la formalité (créancier, via l’autorisation du JEX) et sans exécution forcée préalable. La Cour corrige la qualification de la CA (qui cantonnait l’exécution aux seules mesures d’exécution forcée), en alignant la solution sur la finalité : l’hypothèque tend à la réalisation des droits nés du contrat de caution.

Comparaison avec la jurisprudence antérieure

Les lignes directrices étaient stables : l’exception de nullité est perpétuelle tant que l’acte n’a pas reçu de commencement d’exécution (Cass. 2e civ., 19 oct. 2006 ; Cass. 1re civ., 15 janv. 2015 ; Cass. 1re civ., 12 nov. 2020 ; 24 mars 2021). Les décisions précédaient surtout par exemples (remise de fonds, réalisation d’une prestation, exécution d’un prêt, etc.) — sans viser spécifiquement l’hypothèque sur le bien de la caution comme tel commencement. L’arrêt 2025 cristallise la solution appliquée aux sûretés personnelles : une mesure conservatoire adossée au cautionnement suffit à faire basculer l’exception de nullité dans l’irrecevabilité. 

Évolutions pratiques et interprétatives

Pour les établissements de crédit : l’inscription rapide d’une hypothèque (même provisoire) sur les biens de la caution sécurise la défense contre des nullités soulevées tardivement — y compris pour des vices formels du cautionnement (ex. mentions manuscrites).

Pour les cautions : la stratégie consistant à attendre l’extinction par prescription de l’action en nullité, puis à soulever la nullité par exception, devient inefficace si le créancier a inscrit une garantie réelle sur leurs biens.

Pour les juges du fond : l’arrêt fournit un critère clair et opérationnel : toute inscription hypothécaire sur le bien de la caution (judiciaire, même provisoire) = commencement d’exécution du cautionnement. Cour de Cassation

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