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1.Résumé succinct
Parties : Ville de [Localité 3] (demanderesse en cassation) c/ M. [L] [H] (propriétaire) & société Thop LHK Management (locataire).
Juridiction : Cour de cassation, 3e chambre civile, formation de section, arrêt n° 487 FS-B, publié au Bulletin,
Nature du litige : Locations meublées de courte durée à une clientèle de passage (type « Airbnb »). Application des articles L. 631-7 et L. 651-2 CCH (version antérieure à la loi n° 2024-1039 du 19-11-2024).
Effet sur la jurisprudence :
Clarification majeure : l’affectation à usage d’habitation au 1er janvier 1970 s’entend de l’affectation effective, peu important le respect des normes de décence/habitabilité (surface < 9 m², vétusté, etc.).
Confirmation : un local à usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage après réunion avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier (rappel de Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 23-11.053).
2. Analyse détaillée
Les faits
Un appartement à [Localité 3] est loué de manière répétée et de courte durée à des clients de passage n’y élisant pas domicile. La Ville de [Localité 3] considère qu’il s’agit d’un changement d’usage soumis à autorisation (art. L. 631-7 CCH) et sollicite des amendes civiles (art. L. 651-2 CCH) contre le propriétaire et la société locataire.
L’appartement est issu de la réunion de deux lots :
Lot “porte D” (≈ 25 m²) : occupé au 1/1/1970 par un bar (Select bar) dans le cadre d’un bail commercial ; aucune preuve d’usage d’habitation.
Lot “porte F” (≈ 6 m²) : bail d’habitation au moins au 1/1/1970, donc usage d’habitation établi à cette date.
La procédure
Première instance : action de la Ville devant le président du TJ statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des art. L. 631-7 et L. 651-2 CCH.
Appel (CA Paris, pôle 1 ch. 2, 26 janv. 2023) : la CA rejette les demandes de la Ville, retenant notamment que l’usage d’habitation du lot “porte F” (6 m²) serait insuffisant au regard de la surface minimale de 9 m², de sorte que le local réuni ne pourrait être regardé comme affecté à l’habitation au 1/1/1970.
Cassation (16 oct. 2025) : cassation totale ; renvoi devant la CA Paris autrement composée.
Contenu de la décision
Arguments des parties (synthèse)
Ville : le seul critère légal est l’affectation au 1/1/1970 ; la non-conformité à des normes d’habitabilité (surface) n’affecte pas l’usage ; la réunion avec un local non destiné à l’habitation n’efface pas l’usage d’habitation de la partie concernée.
Défense : conteste le caractère “habitation” au 1/1/1970 de l’ensemble du local réuni ; invoque la très faible surface du lot “porte F”.
Raisonnement de la Cour de cassation
Visa : art. L. 631-7 et L. 651-2 CCH, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2024-1039 du 19-11-2024.
Principe 1 – portée décisive de l’usage effectif :
« L’affectation au 1er janvier 1970 (…) s’entend de l’affectation effective (…) peu important l’irrespect éventuel de normes de décence/habitabilité alors en vigueur. » (pt 5)
Principe 2 – maintien de l’usage après réunion :
Un local affecté à l’habitation au 1/1/1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier (rappel de Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 23-11.053, publié). (pt 6)
Application : en écartant l’usage d’habitation au motif d’une surface < 9 m², la CA a statué par des motifs impropres ; il suffisait de constater que le lot “porte F” était à usage d’habitation au 1/1/1970 pour que la location répétée de courte durée constitue un changement d’usage soumis à autorisation au moins pour la partie concernée.
Solution
Cassation totale ; renvoi à la CA Paris ; dépens et art. 700 CPC à la charge de M. [H] & Thop LHK Management (3 000 €).
3.Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. civ. 3e, 16 oct. 2025, n° 24-13.058 (FS-B) : « Un local est réputé à usage d’habitation (…) s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 (…) peu important l’irrespect de normes de décence/habitabilité » ; confirmation du maintien d’usage après réunion.
Contenu intégral conforme au PDF fourni (ECLI & formation de section).
Cass. civ. 3e, 13 juin 2024, n° 23-11.053 (publié) – Réunion de lots : le local à usage d’habitation au 1/1/1970 conserve cet usage quelle que soit l’affectation de l’autre lot ; donc autorisation requise, au moins pour la partie à usage d’habitation, en cas de locations de courte durée.
3.2 Textes légaux
Article L. 631-7 CCH (version antérieure à la loi n° 2024-1039 du 19-11-2024) : principe de l’autorisation préalable du changement d’usage des locaux d’habitation dans les communes concernées ; local réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1/1/1970. (La rédaction postérieure – « 1970-1976 » ou « 30 ans » – résulte de la loi du 19-11-2024, non applicable au litige).
Article L. 651-2 CCH (version en vigueur du 01-01-2020 au 21-11-2024) : amende civile jusqu’à 50 000 € par local ; compétence du président du TJ statuant selon la procédure accélérée au fond (avec affectation du produit à la commune).
Loi n° 2024-1039 du 19-11-2024 (pour mémoire, non applicable aux faits) – a modifié L. 631-7 et rehaussé le plafond à 100 000 € (création L. 651-2-1, etc.).
4. Analyse juridique approfondie
Décryptage du raisonnement
La Cour resserre la question autour du seul critère légal : l’usage effectif au 1/1/1970. Toute considération d’habitabilité (surface minimale, décence, salubrité) est étrangère à la qualification d’usage au sens de L. 631-7 : si le local était habité, l’usage “habitation” est acquis.
La Cour verrouille la solution inaugurée par Cass. 3e civ., 13-06-2024, n° 23-11.053 : en cas de réunion de lots, l’usage d’habitation se conserve pour la partie qui en bénéficiait au 1/1/1970 ; la location meublée de courte durée, fût-elle pratiquée dans un local unifié, constitue un changement d’usage au moins pour cette partie, soumis à autorisation.
Comparaison avec la jurisprudence antérieure
Preuve à 1970 : jurisprudence constante : la preuve doit remonter à 1970 (éléments postérieurs inopérants) ; cf. Cass. 3e civ., 11-01-2024 & 28-05-2020.
Courtes durées = changement d’usage : réaffirmé depuis 2020 ; amende L. 651-2.
Réunion de lots : la solution 2024 (n° 23-11.053) est confirmée en 2025 : l’usage ne s’efface pas par la réunion.
Évolution des pratiques
Avant la loi du 19-11-2024, le seuil de 1970 dominait l’analyse ; l’arrêt 2025 explicite que les normes de décence/habitabilité sont sans incidence sur l’usage (utile contre l’argument “< 9 m²”).
Après 2024, le législateur a élargi les ancrages temporels (1970-1976 / 30 ans) et durci la répression (plafond 100 000 € et L. 651-2-1). L’arrêt 2025 reste pleinement transposable aux litiges antérieurs à 2024 et inspire l’interprétation des dossiers postérieurs lorsque la preuve de l’usage “habitation” repose d’abord sur des faits.
5. Critique de la décision
L’arrêt 2025 clarifie une ambiguïté entretenue par certains juges du fond (prise en compte indue de la surface minimale pour nier l’usage).
6. Accompagnement personnalisé
Pour vos contentieux « meublés de tourisme / changement d’usage », la SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer la preuve de l’usage au 1/1/1970 (archives baux, H1/H2, recensements, témoignages) ;
Monter le dossier d’autorisation (ou de compensation) et plaider l’amende L. 651-2 ;
0Contester les décisions de refus/condamnations ou soutenir les actions communales.
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