Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Droit pénal > CEDH : la France condamnée pour inaction face aux viols de mineures

CEDH : la France condamnée pour inaction face aux viols de mineures

Le 27 mai 2025
CEDH : la France condamnée pour inaction face aux viols de mineures
viol – mineure – CEDH – condamnation de la France – article 3 CEDH – article 8 CEDH – victimisation secondaire – stéréotypes sexistes – jurisprudence européenne – consentement sexuel – enquête pénale – droit des victimes – protection des mineurs

1. Résumé succinct
Contexte : Trois femmes françaises, mineures au moment des faits (Mme L., Mme H.B., et Mme M.L.), ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour dénoncer l’ineffectivité des enquêtes pénales ouvertes en France à la suite de plaintes pour viols et atteintes sexuelles. Elles critiquaient la carence des juridictions françaises à appréhender correctement la notion de consentement sexuel en lien avec leur vulnérabilité de mineures.

Juridiction : CEDH, cinquième section, arrêt du 24 avril 2025.

Impact principal : La CEDH condamne la France pour violation des articles 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, soulignant l’insuffisance du cadre législatif français sur le viol, l’inadéquation des enquêtes menées et la persistance de stéréotypes sexistes dans les motivations judiciaires.


2. Analyse détaillée

Les faits

Les trois requérantes avaient entre 14 et 16 ans au moment des faits dénoncés (entre 2009 et 2014), impliquant pour chacune des rapports sexuels avec des hommes majeurs, souvent dans un contexte de vulnérabilité psychologique, de consommation d’alcool, ou de pressions morales. Les procédures françaises ont mené, dans plusieurs cas, à des non-lieux ou à des requalifications en « atteintes sexuelles » sans retenir le viol, faute de preuve de contrainte ou de surprise.

La procédure
Mme L. (n° 46949/21) : Plainte en 2010. Plusieurs mis en examen (pompiers). La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en mars 2021. Elle a formé un recours devant la CEDH en septembre 2021.
Mme H.B. (n° 24989/22) : Plainte en 2020, décision de non-lieu confirmée en appel. Recours CEDH en mai 2022.
Mme M.L. (n° 39759/22) : Plainte en 2017, suivie d’un non-lieu. Recours CEDH en août 2022.

Contenu de la décision

Arguments des parties
Requérantes : Absence d’enquête effective, non-prise en compte de leur vulnérabilité, stéréotypes sexistes, défaut de protection légale en matière de viol.
Gouvernement français : Contestation de la recevabilité (non-épuisement des voies de recours), et défense des décisions des juridictions nationales fondées sur l’analyse du comportement des plaignantes.

Raisonnement juridique
Violation des articles 3 et 8 : L’État n’a pas satisfait à ses obligations positives d’adopter une législation pénale effective et de conduire des enquêtes adéquates sur les allégations de violences sexuelles, notamment en ne tenant pas suffisamment compte de la minorité et de la vulnérabilité des victimes 

Violation de l’article 14 combiné avec les articles 3 et 8 (affaire L. c. France) : La Cour dénonce une « victimisation secondaire » et l’emploi de stéréotypes sexistes par la chambre de l’instruction, incompatible avec le respect dû à la dignité des victimes 
Non-lieu sur l’article 6 § 1 : La Cour écarte le grief de durée excessive de la procédure dans l’affaire M.L. faute de nécessité d’examen distinct.

Solution retenue
La CEDH condamne la France et accorde :

25 000 € à Mme L.,
15 000 € à Mme H.B.,
15 000 € à Mme M.L. au titre du préjudice moral,
ainsi que le remboursement partiel des frais de procédure

3. Références et articles juridiques
Textes applicables
Article 3 CEDH :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 8 CEDH :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »
Article 14 CEDH :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, (…) ».

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement suivi par la CEDH

La Cour articule sa décision autour de l’insuffisance structurelle du droit français en matière de définition du viol, notamment par l’absence de référence explicite à la notion de consentement dans les textes en vigueur à l’époque. Elle critique en outre la manière dont les juridictions françaises ont évalué les faits, en mettant l’accent sur le comportement des victimes au lieu de s’interroger sur la réalité de leur consentement libre et éclairé.

Conséquences juridiques
Cette décision pourrait inciter la France à réviser la définition légale du viol pour y intégrer clairement le critère du consentement.
Elle impose une vigilance accrue sur les raisonnements judiciaires empreints de stéréotypes sexistes.
Elle réaffirme l’obligation pour les États de mener des enquêtes diligentes et respectueuses des droits des victimes mineures.

5.  Accompagnement juridique
La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocats expérimenté à Saint-Nazaire, se tient à votre disposition pour :

Analyser les conséquences de cet arrêt dans les dossiers en cours.
Déterminer si un recours CEDH est envisageable pour des affaires similaires.
Élaborer des argumentaires de défense ou de recours fondés sur la jurisprudence européenne

Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit pénal