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Audition de l’enfant : le parent doit prouver l’information (Cass. 10 déc. 2025)

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Audition de l’enfant : le parent doit prouver l’information (Cass. 10 déc. 2025)
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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat inscrite au barreau de Saint-Nazaire (2 rue du Corps de Garde, 44600), intervient notamment en droit de la famille (divorce, résidence des enfants, pension alimentaire) et en contentieux patrimonial. 


1) Résumé de la décision

Référence : Cass. civ. 1re (formation restreinte), 10 décembre 2025, pourvoi n° 24-11.604, arrêt n° 812 F-B, Rejet (publié au Bulletin)

Parties :

Demanderesse au pourvoi : Mme [B] [K]
Défendeur : M. [E] [Z] (indiqué « né [M] », devenu « M. [Z] » le 5 août 2022).

Décision attaquée : CA Orléans (chambre de la famille), 12 décembre 2023, n° 23/00089. 

Nature du litige : organisation des modalités d’exercice de l’autorité parentale, avec incidences sur droit de visite et d’hébergement, vacances scolaires, et contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cour de Cassation

Idée directrice (le message de l’arrêt) :
La Cour de cassation dit, en substance, que le parent qui a la charge d’informer le mineur de son droit à être entendu et assisté d’un avocat (CPC, art. 338-1) — et d’en justifier quand la cour d’appel le demande — ne peut pas ensuite reprocher aux juges de ne pas avoir vérifié cette information ni de ne pas l’avoir mentionnée dans la décision : son grief est irrecevable. 

Effet direct sur les pratiques :
Cet arrêt sécurise une logique très concrète en contentieux familial : l’information du mineur n’est pas seulement un principe, c’est aussi un “point de preuve”. Si la juridiction exige une justification (ex. avis en cours d’instance), l’absence de preuve peut fermer la porte à un moyen en cassation fondé sur l’art. 338-1 CPC.


2) Analyse détaillée

A. Les faits 

La décision publiée ne détaille pas la vie familiale au-delà de l’essentiel. Elle indique toutefois une séquence claire :

5 août 2022 : M. [Z] devient « M. [Z] » (changement d’état civil mentionné). 
18 août 2023 : un avis est délivré (en cours d’instance d’appel) enjoignant aux parties d’informer les enfants mineurs de leur droit à être entendus et assistés d’un avocat (référence à l’art. 912 CPC dans l’argumentation). 
12 décembre 2023 : arrêt de la cour d’appel d’Orléans (n° 23/00089). 
10 décembre 2025 : arrêt de la Cour de cassation (rejet). 
Point important : la décision ne précise pas (dans le texte publié) le contenu du jugement de première instance ni la chronologie procédurale antérieure à l’appel, hormis l’existence du litige parental et l’avis du 18 août 2023. 

B. La procédure

Devant la cour d’appel (Orléans, 12 déc. 2023)
La cour d’appel statue sur l’organisation parentale et notamment :
la suppression d’un DVH en semaine impaire (du mercredi sortie des classes au jeudi matin reprise),
la fixation de la résidence pendant les vacances scolaires,
et la contribution d’entretien (200 € par mois et par enfant).

Devant la Cour de cassation (10 déc. 2025)
Mme [K] forme un pourvoi avec deux moyens :
le second est écarté par application de l’article 1014, al. 2, CPC (pas de motivation développée car le moyen est manifestement impropre à entraîner cassation). 
le premier est analysé sous l’angle de la recevabilité… et déclaré irrecevable. 

C. Contenu de la décision

1) Arguments des parties 

Mme [K] (1er moyen) reproche à la cour d’appel, en substance :

d’avoir considéré que l’avis du 18 août 2023 suffisait à satisfaire l’art. 338-1 CPC, alors qu’il faudrait vérifier l’information effective ;
d’avoir statué malgré l’absence de justification de l’information ;
et de ne pas avoir mentionné dans l’arrêt que les titulaires de l’autorité parentale s’étaient acquittés de l’obligation d’information (y compris sur le droit à l’avocat). 
M. [Z] conteste la recevabilité : il fait valoir que Mme [K], malgré l’avis du 18 août 2023, n’a pas justifié du respect de l’obligation d’information et n’a pas soutenu devant la cour d’appel l’argument qu’elle tente de développer ensuite. 

2) Raisonnement de la Cour de cassation

La Cour rappelle les textes-clefs :

Code civil, art. 388-1 : le mineur capable de discernement peut être entendu, audition de droit s’il la demande ; le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et assisté d’un avocat. 

Code de procédure civile, art. 338-1 (alinéas 1 et 5) : l’information du mineur est faite par les titulaires de l’autorité parentale (ou tuteur, etc.) ; et la décision doit comporter la mention qu’ils se sont acquittés de cette obligation. 

Puis la Cour constate un élément factuel procédural décisif :

Mme [K] n’a pas déféré à la demande de justifier l’information, malgré l’avis du 18 août 2023. 

Et elle en tire la conséquence :

Mme [K] n’est pas recevable à reprocher à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les mineurs avaient été informés, ni de ne pas l’avoir mentionné, puisque cette charge et la justification de son exécution lui incombaient. 

3) Solution
Moyen irrecevable → pourvoi rejeté, dépens contre Mme [K] et condamnation au titre de l’art. 700 CPC (3 000 €). 

3) Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 
Cass. civ. 1re, 10 déc. 2025, n° 24-11.604 — Rejet —
Cass. civ. 1re, 11 sept. 2013, n° 12-18.543 — Rejet : le parent n’est pas recevable à se plaindre du défaut de recherche sur l’information du mineur lorsque la charge de cette information lui incombe. 
Cass. civ. 1re, 4 déc. 2013, n° 12-27.431 — Rejet : irrecevabilité du grief si le défaut n’a pas été invoqué devant les juges du fond. 
Cass. civ. 1re, 5 mars 2014, n° 13-13.530 — Rejet : pas d’obligation d’information si le mineur est jugé sans discernement (au vu des constatations).
Cass. civ. 1re, 16 févr. 2022, n° 20-19.779 — Rejet : rappel de l’art. 388-1 et de l’information/assistance avocat ; articulation procédurale (texte de l’arrêt sur Légifrance). 
Cass. civ. 1re, 17 janv. 2024, n° 21-24.296 — Cassation partielle : lorsque la demande d’audition est refusée, les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision au fond (art. 338-4 CPC). 

3.2 Textes légaux 

Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), article 12 (extrait officiel) :

« 1. Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. » 

Code civil, article 388-1 (extraits utiles, mot à mot) :

« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. (…)

Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. » 
Code de procédure civile, article 338-1 (extraits utiles, mot à mot) :

« Le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant. (…)

Dans toute décision concernant un mineur capable de discernement, mention est faite que (…) se sont acquittés de leur obligation d'information (…) » 

4) Analyse juridique approfondie : ce que change réellement l’arrêt du 10 décembre 2025

A. Le “droit d’être entendu” oui… mais avec une mécanique de preuve

L’art. 388-1 CC consacre le principe : l’enfant capable de discernement peut être entendu, et le juge doit s’assurer qu’il a été informé (et du droit à l’avocat). 
Mais l’art. 338-1 CPC organise qui fait quoi : l’information est donnée par les titulaires de l’autorité parentale, et la décision doit en porter mention. 

L’arrêt du 10 déc. 2025 tranche une question très opérationnelle : si la cour d’appel a demandé une justification et que le parent n’apporte rien, ce parent ne peut pas bâtir ensuite un moyen de cassation reprochant l’absence de vérification/mention. 

B. Continuité (et précision) par rapport aux arrêts de 2013

La Cour s’inscrit dans une ligne déjà posée :

en 2013, elle disait déjà qu’un parent n’est pas recevable à reprocher aux juges de ne pas avoir recherché l’information de l’enfant si cette charge lui incombait. 

et elle sanctionnait aussi l’invocation tardive/non soulevée devant les juges du fond. 

Nouveauté pratique en 2025 : l’arrêt met l’accent sur la “justification” (preuve) lorsqu’un avis a été délivré, ce qui transforme un principe en exigence procédurale : “si vous deviez informer, vous devez pouvoir le démontrer”. 

C. Articulation avec les décisions sur la mention (2014 / 2024)

2014 : pas d’obligation d’information si, selon les constatations, l’enfant n’a pas le discernement requis. 

2024 : quand une audition demandée est refusée, les motifs du refus doivent apparaître dans la décision au fond (art. 338-4 CPC) ; sinon, cassation partielle. 

En clair :

2024 = la Cour exige la traçabilité judiciaire du refus d’audition (quand il y a une demande).
2025 = la Cour exige la traçabilité “côté parents” de l’information (quand cette charge pèse sur eux et qu’on leur demande de le prouver). Cour de Cassation+1

5) Critique de la décision

Le cœur est une irrecevabilité : la Cour ne dit pas “l’information n’était pas due”, elle dit “vous ne pouvez pas vous en plaindre, puisque vous deviez informer et prouver que vous l’avez fait”. Cour de Cassation+1

L’arrêt pousse à une bonne pratique simple : documenter l’information (écrit daté, accusé de réception, attestation, pièce versée au dossier) et répondre aux avis/mesures d’administration judiciaire demandant une justification. 

6) Conseils concrets pour les parents en procédure (DVH, résidence, pension)

Voici une grille simple, utile dès l’ouverture du dossier :

Informer l’enfant capable de discernement de son droit d’être entendu - La charge pèse sur les titulaires de l’autorité parentale (CPC 338-1)-  Impossible de reprocher ensuite au juge l’absence de vérification/mention (irrecevabilité)

Justifier l’information si la cour le demande (avis) - Produire une pièce au dossier - Moyen “338-1” fragilisé / fermé en cassation

Si l’enfant demande à être entendu - L’audition est de droit (CC 388-1) - Refus non tracé = risque (cf. 17 janv. 2024)

7) Accompagnement personnalisé (droit de la famille)

Cette jurisprudence vise des situations très fréquentes : désaccord sur la résidence, droit de visite, vacances, pension alimentaire.

La SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut vous aider à :

sécuriser la procédure (pièces, écritures, demandes d’audition),
construire une stratégie cohérente devant le JAF / la cour d’appel,
et éviter les pièges de recevabilité qui “tuent” un moyen avant même d’être discuté au fond. 

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