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Altercation au travail : arrêt maladie, AT/MP & licenciement (3 arrêts 2025)

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Altercation au travail : arrêt maladie, AT/MP & licenciement (3 arrêts 2025)
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1) Résumé 

Une altercation peut fonder un arrêt de travail (lésion psychique ou somatique) et, selon les cas, relever de l’accident du travail (AT) ou de la maladie professionnelle (MP). Mais les effets juridiques (protection pendant la suspension, prescriptions, harcèlement, dommages pour circonstances vexatoires, etc.) obéissent à des régimes stricts que précisent trois arrêts récents.

Cass. soc., 1er juill. 2025, n° 24-14.206 (cassation partielle) — Maçon (VRD) licencié pour faute grave après une altercation du 10 nov. 2020 et déclaration d’AT ; la Cour rappelle que même en cas de faute grave, un licenciement peut être indemnisé s’il est entouré de circonstances vexatoires. La cour d’appel devait rechercher ces circonstances.

Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-23.282 (cassation partielle) — Cuisinier évoquant altercation verbale du 14 déc. 2017, reproches injustifiés, non-paiement pendant arrêt maladie :
(i) Les bulletins de paie ne prouvent pas le paiement (charge de la preuve sur l’employeur) ;
(ii) le juge doit examiner l’ensemble des faits invoqués en harcèlement (pas la seule altercation) ;
(iii) omission de répondre sur l’information du médecin du travail après AT = défaut de motifs. 


Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-22.821 (rejet, publié au Bulletin) — Chauffeur placé en arrêt le 24 janv. 2014 après altercation ; inaptitude (3 mars 2016), licenciement (31 mars 2016) ; la MP est reconnue en 2018. Prescription : l’action AT/MP devant la sécu n’interrompt pas l’action prud’homale contre le licenciement (causes/fins différentes). L’action de 2019 était tardive (ancien L.1471-1 CT). 

Effets directs sur les pratiques

AT/MP : l’altercation peut déclencher arrêt + protection AT/MP (mais ne « sauve » pas automatiquement tous les contentieux, cf. prescription).

Vexation : le bien-fondé du licenciement n’exclut pas des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires.

Preuve du salaire : payslips ≠ paiement ; l’employeur doit prouver l’effectivité du versement.
Harcèlement : le juge doit prendre en compte l’ensemble des faits allégués (altercation + autres agissements).

2) Analyse détaillée (faits, procédure, solution)

2.1. Soc., 1er juill. 2025, n° 24-14.206

Faits — Maçon VRD (embauche 3 juin 2019) ; altercation 10 nov. 2020 → déclaration d’AT ; entretien + mise à pied conservatoire ; licenciement pour faute grave (25 nov. 2020).
Procédure — Prud’hommes (nullité du licenciement en période AT + demandes subsidiaires, et dommages pour licenciement brutal et vexatoire). CA Colmar (12 déc. 2023) rejette l’indemnisation « vexatoire » au motif du bien-fondé disciplinaire.

Solution — Cassation partielle : violation de l’art. 1231-1 C. civ. : la CA devait rechercher les circonstances vexatoires indépendamment de la faute grave ; renvoi Metz. 

2.2. Soc., 19 mars 2025, n° 23-23.282

Faits — Cuisinier ; altercation verbale (14 déc. 2017) ; allègue reproches injustifiés et non-paiement pendant arrêt maladie ; demandes en harcèlement, sécurité, maintien de salaire, résiliation, nullité.
Procédure — CA Paris (6 avr. 2022) : déboute/limite ; pourvoi salarié (employeur en incident rejeté).
Solution — Cassation partielle sur trois points :

Preuve du paiement : l’employeur doit prouver le paiement (art. 1353 C. civ. + L.3243-3 CT), les bulletins ne suffisent pas. 

Harcèlement : la CA a méconnu l’objet du litige (art. 4 CPC) en ne retenant que l’altercation et en écartant les autres faits allégués. 

Obligation de sécurité : défaut de réponse sur l’absence d’information du médecin du travail après AT (art. 455 CPC). 

2.3. Soc., 25 juin 2025, n° 23-22.821 (Pub. B)

Faits — Chauffeur (CDI 2006) ; altercation avec le gérant ; arrêt de travail (24 janv. 2014) ; inaptitude (3 mars 2016) ; licenciement (31 mars 2016) ; MP reconnue en 2018.
Procédure — Prud’hommes saisis le 18 juill. 2019 ; CA Orléans (26 sept. 2023) déclare prescrite l’action contre le licenciement.

Solution — Rejet : l’action AT/MP devant la sécu n’a pas la même fin que l’action prud’homale contre le licenciement → elle n’interrompt pas la prescription (art. 2241 C. civ. visé par le moyen ; la Cour applique la règle de non-extension). À la date des faits, L.1471-1 CT (ancienne version) fixait 2 ans ; l’action de 2019 était tardive. 

3) Références juridiques

3.1 Jurisprudence 

Cass. soc., 1er juill. 2025, n° 24-14.206, cass. partielle

Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-23.282, cass. partielle

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-22.821, rejet (publié au Bulletin)

3.2 Textes légau

Art. L. 411-1 CSS (définition AT, version en vigueur au 1er sept. 2023)
« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail… »

Art. 1231-1 C. civ. (DA-I inexécution/retard)

Art. 1353 C. civ. (charge de la preuve)
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver… »

Art. L.3243-3 C. trav. (bulletin ≠ renonciation/paiement)

Art. 4 CPC (objet du litige fixé par les prétentions)

Art. 455 CPC (motivation ; réponse aux conclusions)

Art. L.1471-1 C. trav.

4) Décryptage & mise en perspective

Altercation → arrêt de travail (AT/MP)
La définition large de l’AT (L. 411-1 CSS) couvre les lésions psychiques consécutives à une altercation sur le temps/lieu de travail (présomption d’imputabilité). Les décisions du 1er juill. 2025 (AT déclaré) et du 25 juin 2025 (MP finalement reconnue) illustrent concrètement ce scénario. 

Protection pendant la suspension & contentieux
L’existence d’un AT/MP n’exonère pas le salarié des délais de prescription pour contester le licenciement : la saisine de la sécu n’interrompt pas l’action prud’homale (Soc., 25 juin 2025). 

Harcèlement : méthode d’examen
Le juge ne peut réduire le débat à la seule altercation : il doit apprécier l’ensemble des faits invoqués (reproches, brimades, impayés, etc.) et répondre aux conclusions — à défaut, cassation (Soc., 19 mars 2025, art. 4 et 455 CPC). 

Vexation & faute grave

Indépendance des chefs de préjudice : même si la faute grave est retenue, le salarié peut obtenir des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires (manière de la rupture : propos humiliants, publicité inutile, modalités brutales, etc.). La cour d’appel doit vérifier ces circonstances concrètes (Soc., 1er juill. 2025).

Preuve du paiement
Les bulletins de paie ne valent pas preuve de paiement : charge sur l’employeur (art. 1353 C. civ. ; L.3243-3 CT). Cette règle pèse dans les dossiers d’arrêts maladie consécutifs à altercation (Soc., 19 mars 2025). 

5)  Critique de la décision 

Une altercation peut entraîner un arrêt de travail reconnu au titre de l’AT/MP (L. 411-1 CSS) ; toutefois, l’issue des contentieux (nullité/harcèlement/vexation/prescription) dépend ensuite d’une analyse factuelle complète et du respect des délais rappelés par la Cour de cassation en 202

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