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Uniquement sur rendez-vous.
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Basée à Saint-Nazaire, la SELARL Philippe GONET accompagne salariés, syndicats et représentants du personnel confrontés à des discriminations professionnelles (discriminations syndicales, blocage de carrière, inégalités salariales) et aux nouvelles formes de contentieux collectifs, notamment l’action de groupe en matière de discrimination. Le cabinet intervient à la fois en conseil stratégique (choix de la voie de droit : action individuelle, action syndicale, action de groupe) et en contentieux devant les juridictions prud’homales et judiciaires.
1. Résumé
Parties
Demandeurs au pourvoi :
La Confédération générale du travail (CGT)
La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT)
Défenderesses :
Société Safran Aircraft Engines (anciennement SNECMA), société par actions simplifiée, appartenant au groupe Safran
La Défenseure des droits, intervenante, ayant présenté des observations au soutien de la protection contre les discriminations
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale, formation de section Arrêt n° 1028 FS, cassation partielle Pourvoi n° T 24-15.269 Audience publique du 5 novembre 2025
Nature du litige
Action de groupe en matière de discrimination syndicale engagée par la FTM-CGT contre Safran Aircraft Engines.
Objet : dénoncer une discrimination syndicale collective affectant les salariés titulaires d’un mandat CGT dans leur évolution de carrière (classification, promotions) et leur rémunération, sur l’ensemble de leur carrière au sein de l’entreprise.
Question centrale : conditions d’application temporelle de l’action de groupe issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, au regard de l’article 92, II de cette loi, lorsque la discrimination alléguée a commencé avant 2016 mais se poursuit après.
Effet direct de la décision sur la jurisprudence et les pratiques
L’arrêt précise un principe majeur :
Pour une discrimination de carrière continue, le juge saisi d’une action de groupe doit prendre en compte les faits antérieurs au 18 novembre 2016 dès lors qu’ils continuent de produire leurs effets après cette date, même si seuls les préjudices nés après la demande préalable L. 1134-9 sont indemnisables dans le cadre de l’action de groupe.
Concrètement, la Cour :
Valide le champ d’application temporel de l’article 92, II de la loi de 2016 (conformité à la Constitution et à la CEDH, après la décision n° 2024-1123 QPC du 6 février 2025)
Mais censure la cour d’appel de Paris pour avoir exclu, à tort, l’examen des faits de discrimination antérieurs à 2016, alors qu’ils continuaient à produire des effets au-delà de cette date.
C’est donc une décision structurante pour toutes les actions de groupe fondées sur une discrimination de carrière (syndicale, salariale, de genre, etc.).
2. Analyse détaillée
2.1 Les faits
L’entreprise et le contexte social
La société SNECMA, devenue Safran Aircraft Engines, conçoit et produit des moteurs pour avions civils et militaires, lanceurs spatiaux et satellites.
Elle appartient au groupe Safran depuis 2004.
Effectif : environ 58 000 personnes, dont environ 12 000 salariés en France sur onze sites, soumis à la convention collective de la métallurgie, avec près de 450 salariés titulaires d’un mandat de représentation du personnel.
Situation dénoncée par la FTM-CGT
Malgré divers accords collectifs et un dialogue social nourri, la fédération estime que les salariés détenteurs d’un mandat CGT subissent une discrimination syndicale dans :
leur évolution de carrière (classifications, promotions, déroulement professionnel),
leur rémunération (niveau de salaire, progression, primes, conséquences sur la retraite).
Cette discrimination est présentée comme structurelle et continue, affectant l’ensemble de la carrière au sein de l’entreprise.
Mise en demeure préalable à l’action de groupe
Conformément à l’article L. 1134-9 du code du travail, les organisations habilitées doivent, avant de saisir le juge, adresser à l’employeur une demande de cessation de la discrimination collective.
La FTM-CGT adresse ainsi, par lettre remise par huissier de justice le 23 mai 2017, une demande à Safran pour faire cesser la situation de discrimination collective.
Introduction de l’action de groupe
Le 30 mars 2018, la FTM-CGT assigne la société Safran Aircraft Engines devant le tribunal de grande instance, sur le fondement de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ayant instauré l’action de groupe en matière de discrimination.
Demandes :
Injonctions destinées à faire cesser définitivement la discrimination syndicale à l’égard des élus et mandatés CGT.
Mise en place de mesures correctrices de carrière et de rémunération.
Réparation, dans le cadre de la phase individuelle de l’action de groupe, des préjudices subis par tous les salariés titulaires ou anciens titulaires d’un mandat CGT.
Intervention de la CGT et de la Défenseure des droits
La Confédération générale du travail intervient volontairement à l’instance.
La Défenseure des droits présente des observations en application de l’article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.
2.2 La procédure
Première instance
Le litige est porté devant le tribunal de grande instance (aujourd’hui tribunal judiciaire).
Le jugement n’est pas détaillé dans l’arrêt de cassation ; on sait seulement qu’il a donné lieu à un appel de la part de la FTM-CGT (et de la CGT, intervenante).
Arrêt de la cour d’appel de Paris (14 mars 2024)
Cour d’appel de Paris, pôle 6, chambre 2, 14 mars 2024, n° 21/07005
La cour d’appel :
Constate qu’une partie des faits de discrimination invoqués est antérieure au 19 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi de 2016.
Interprète l’article 92, II de cette loi comme excluant de l’action de groupe les faits dont le fait générateur serait antérieur à cette date.
En déduit qu’il ne peut être examiné la réalité d’un fait générateur ou manquement antérieur à l’entrée en vigueur de la loi et rejette les demandes, faute d’éléments postérieurs suffisants.
Résultat : rejet de l’action de groupe et de l’ensemble des demandes d’injonctions et de réparation.
Pourvoi en cassation et question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
La CGT et la FTM-CGT forment un pourvoi n° T 24-15.269 contre l’arrêt du 14 mars 2024.
Par arrêt du 4 décembre 2024, la Cour de cassation (chambre sociale) renvoie au Conseil constitutionnel une QPC relative à la conformité de l’article 92, II de la loi n° 2016-1547 au principe d’égalité devant la loi (décision n° 24-15.269, QPC)
Le Conseil constitutionnel, par la décision n° 2024-1123 QPC du 6 février 2025, déclare conforme à la Constitution la référence « III » figurant au paragraphe II de l’article 92 de la loi de 2016, confirmant ainsi le dispositif transitoire de l’action de groupe en discrimination .
Arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2025
Après l’intervention du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation :
Rejette une partie des moyens (notamment ceux tirés de la CEDH et de la QPC)
Casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel sur le terrain de l’appréciation des faits de discrimination se poursuivant dans le temps.
L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée, pour qu’elle réexamine l’action de groupe à la lumière de la règle dégagée.
2.3 Contenu de la décision
2.3.1 Arguments des organisations syndicales (CGT et FTM-CGT)
À travers leurs moyens de cassation, les syndicats soutiennent notamment que :
Sur la QPC et la constitutionnalité de l’article 92, II
Si le Conseil constitutionnel venait à censurer l’article 92, II, l’arrêt d’appel se trouverait privé de fondement juridique (1re branche du premier moyen).
Après la décision n° 2024-1123 QPC, cet argument perd sa pertinence, ce que relève la Cour de cassation.
Sur la Convention européenne des droits de l’homme (art. 6, 11, 13, 14 CEDH)
Les syndicats invoquent que restreindre l’action de groupe aux seuls faits postérieurs au 19 novembre 2016 méconnaîtrait :
Le droit d’accès à un tribunal (art. 6 § 1 CEDH)
La protection effective contre la discrimination syndicale (art. 11, 13 et 14 CEDH)
Ils soutiennent que les lois de procédure s’appliquent immédiatement aux instances en cours et que limiter l’action de groupe aux faits postérieurs porte une atteinte disproportionnée au droit à une protection juridictionnelle effective.
Sur la nature de la discrimination de carrière (5e et 6e branches)
La discrimination de carrière n’est pas un fait isolé mais une situation continue : stagnation de carrière, blocage salarial, absence de promotion.
Il s’ensuit que :
Pour apprécier l’existence d’une discrimination collective, le juge doit examiner l’ensemble des faits, y compris antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, dès lors qu’ils produisent encore leurs effets après 2016.
Refuser de prendre en compte ces éléments revient à vider de sa substance l’action de groupe créée par la loi de 2016.
2.3.2 Réponse de la Cour de cassation
Sur la conformité de l’article 92, II à la Constitution (1re branche)
La Cour constate que la décision n° 2024-1123 QPC du 6 février 2025 a déjà déclaré conforme à la Constitution la référence « III » à l’article 92, II de la loi de 2016.
Elle en déduit que le grief tiré d’une éventuelle future censure est sans objet : la première branche est privée de portée.
Sur la compatibilité avec l’article 6 CEDH (2e branche)
En s’appuyant sur la jurisprudence de la CEDH, notamment :
Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 févr. 1998, n° 28028/95, § 34
Fabbri et autres c. Saint-Marin, 24 sept. 2024, n° 6319/21
La Cour rappelle que :
Le droit d’accès au juge n’est pas absolu.
Des limitations procédurales sont admises, à condition d’avoir un but légitime et un rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but.
L’article 92, II remplit ces conditions car :
Il ouvre une voie nouvelle d’action collective à côté des voies classiques,
Sans priver les salariés d’agir individuellement ni les syndicats d’agir en défense de l’intérêt collectif de la profession.
Sur le maintien des voies de droit individuelles et syndicales (art. L. 1134-5, L. 1134-2, L. 2132-3 C. trav.)
La Cour souligne que, même si l’action de groupe est encadrée par l’article 92, II :
Les victimes de discrimination peuvent toujours agir individuellement en application de l’article L. 1134-5 du code du travail, qui prévoit que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination
Les syndicats peuvent exercer, au titre de l’article L. 1134-2 et surtout de l’article L. 2132-3 du code du travail, des actions en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, y compris pour faire cesser les atteintes à l’égalité de traitement (Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 22-14.807)
Résultat : pas de restriction excessive du droit d’accès à un juge garanti par l’article 6 § 1 CEDH.
Sur l’appréciation de la discrimination de carrière et la prise en compte des faits antérieurs (5e et 6e branches)
C’est le point central de la décision.
La Cour rappelle sa jurisprudence sur la discrimination de carrière :
L’action n’est pas prescrite lorsque le salarié invoque une discrimination s’étant poursuivie tout au long de sa carrière, et se fonde sur des faits « qui n’ont pas cessé de produire leurs effets » dans la période non prescrite (notamment Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557 ; 23 juin 2021, n° 20-10.020 ; 9 mars 2022, n° 20-19.345 ; 19 oct. 2022, n° 21-21.309 ; 19 avr. 2023, n° 21-15.751 ; 2e Civ., 3 oct. 2024, n° 21-20.979).
Transposant cette logique à l’action de groupe, la Cour pose la règle suivante :
Pour une discrimination collective de carrière (évolution professionnelle et salariale), le juge saisi d’une action de groupe doit prendre en compte les faits antérieurs à la loi de 2016, dès lors qu’ils continuent à produire leurs effets après l’entrée en vigueur de cette loi.
Les préjudices indemnisables dans le cadre de l’action de groupe restent toutefois limités à ceux nés après la réception de la demande L. 1134-9 adressée à l’employeur.
Or, la cour d’appel de Paris avait refusé d’examiner les faits antérieurs au 19 novembre 2016, considérant qu’elle ne pouvait apprécier des manquements que postérieurs à cette date.
La Cour de cassation juge qu’il s’agit d’une mauvaise application de l’article 92, II :
La cour d’appel aurait dû rechercher si les organisations syndicales se fondaient sur des éléments de fait (stagnation de carrière, écart de rémunération, absence de promotion…) n’ayant pas cessé de produire leurs effets après l’entrée en vigueur de la loi.
Dispositif
Cassation partielle de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, sauf en ce qu’il constate l’intervention de la Défenseure des droits.
Renvoi devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
Condamnation de Safran Aircraft Engines aux dépens et à 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, au profit de la CGT et de la FTM-CGT.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence citée
Décision commentée
Cass. soc., 5 nov. 2025, n° 24-15.269, FS, cassation partielle
Jurisprudence antérieure sur la discrimination de carrière et la prescription
Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557, publié au Bulletin
Discrimination syndicale de carrière ; faits qui n’ont pas cessé de produire leurs effets.
Cass. soc., 23 juin 2021, n° 20-10.020, inédit
Discrimination dans l’évolution de carrière ; articulation avec la prescription.
Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.345, inédit
Discrimination de carrière et poursuite des effets sur la période non prescrite.
Cass. soc., 19 oct. 2022, n° 21-21.309
Confirmation de la logique de discrimination continue.
Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-15.751, inédit
Discrimination de carrière et point de départ de la prescription.
Cass. civ. 2e, 3 oct. 2024, n° 21-20.979, publié au Bulletin
Application de la logique de faits « n’ayant pas cessé de produire leurs effets » en matière de discrimination et de communication de pièces.
Jurisprudence sur l’action syndicale et l’intérêt collectif
Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 22-14.807, FS-B
Recevabilité de l’action syndicale fondée sur l’article L. 2132-3 du code du travail pour faire constater une irrégularité et demander qu’il y soit mis fin, au besoin sous astreinte.
QPC et base constitutionnelle
Conseil constitutionnel, déc. n° 2024-1123 QPC du 6 févr. 2025 – Conditions d’entrée en vigueur de l’action de groupe en matière de discrimination (art. 92, II, loi 2016-1547)
Cass. soc., 4 déc. 2024, n° 24-15.269, QPC, renvoi au Conseil constitutionnel
Références CEDH (bases non françaises)
CEDH, 19 févr. 1998, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, n° 28028/95, § 34
CEDH, Gde ch., 24 sept. 2024, Fabbri et autres c. Saint-Marin, n° 6319/21 et autres
3.2 Textes légaux
Code du travail – Action de groupe en discrimination
Article L. 1134-7 (version issue de la loi du 18 novembre 2016)
Ouvre à une organisation syndicale représentative la faculté d’agir pour établir qu’« plusieurs candidats à un emploi [...] ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination [...] imputable à un même employeur ».
Article L. 1134-8 (même version)
Prévoit que « l’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, à la réparation des préjudices subis », seuls étant indemnisables, pour les salariés, les préjudices nés après la demande L. 1134-9
Article L. 1134-9
Imposant une demande préalable à l’employeur, par un moyen conférant date certaine, pour faire cesser la discrimination collective avant l’action de groupe.
Code du travail – Discriminations et actions individuelles
Article L. 1132-1 – Principe général de non-discrimination (motifs, notamment l’activité syndicale).
Article L. 1134-1 – Aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination.
Le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination ; il incombe ensuite à l’employeur de prouver le contraire.
Article L. 1134-5 – Prescription de l’action en discrimination
« L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. »
Article L. 1134-2 – Action syndicale en faveur d’un salarié victime de discrimination.
Article L. 2132-3 – Action des syndicats en réparation du préjudice à l’intérêt collectif de la profession (utilisé et précisé par Cass. soc., 22 nov. 2023, n° 22-14.807).
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, article 92, II (dispositions transitoires)
Version en vigueur depuis le 20 novembre 2016 :
Les dispositions spécifiques à l’action de groupe en discrimination « sont applicables aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l’entrée en vigueur de la présente loi ».
Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, article 1er
Définition de la discrimination directe et indirecte, reprise par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.
4. Analyse juridique approfondie
4.1 Un double équilibre : sécurité juridique vs effectivité de l’action de groupe
L’arrêt du 5 novembre 2025 opère un équilibre très fin entre :
Stabilité du cadre légal :
La Cour respecte la solution du Conseil constitutionnel (décision n° 2024-1123 QPC) et admet que le législateur a pu réserver l’action de groupe aux faits générateurs postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi de 2016.
Effectivité de la lutte contre les discriminations de carrière :
La Cour refuse que cette restriction paralyse la preuve de la discrimination lorsqu’elle consiste en une situation continue s’étendant sur plusieurs années, voire plusieurs décennies.
Résultat : l’action de groupe reste cantonnée dans le temps, mais la preuve de la discrimination peut s’appuyer sur des faits antérieurs tant qu’ils génèrent encore des effets postérieurs.
4.2 Continuité de la discrimination et logique de « faits qui n’ont pas cessé de produire leurs effets »
La chambre sociale s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence sur la discrimination individuelle :
Depuis l’arrêt Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557, elle admet qu’un salarié peut se prévaloir de faits plus anciens que le délai de prescription si ces faits « n’ont pas cessé de produire leurs effets » dans la période non prescrite.
En transposant cette logique à l’action de groupe, la Cour :
Refuse une lecture trop rigide de l’article 92, II (qui se fonderait uniquement sur la date d’origine de la discrimination).
Considère que, pour identifier le « fait générateur ou manquement » postérieur au 19 novembre 2016, le juge peut tenir compte :
des trajectoires de carrière
de la stagnation salariale
des écarts persistants entre salariés mandatés et non mandatés
ayant commencé avant 2016 mais se prolongeant ensuite.
C’est un point central pour tous les dossiers où la discrimination est structurelle (carrière syndicale, discriminations de genre, handicap, origine, etc.).
4.3 Articulation entre action de groupe et autres voies de recours
La Cour souligne que l’action de groupe ne remplace pas :
Les actions individuelles (art. L. 1134-5 C. trav.)
Les actions syndicales individuelles en faveur d’un salarié (art. L. 1134-2)
Les actions syndicales pour l’intérêt collectif (art. L. 2132-3), notamment pour obtenir des injonctions de mise en conformité et des dommages-intérêts.
La stratégie contentieuse pour les syndicats et salariés doit donc combiner :
Action de groupe : pour faire reconnaître une discrimination collective et organiser une réparation structurée pour un groupe.
Actions individuelles et syndicales classiques : pour compléter ou pallier ce que l’action de groupe ne peut couvrir (période antérieure, préjudices spécifiques, voies pénales ou administratives le cas échéant).
4.4 Impact pratique pour les employeurs et pour les organisations syndicales
Pour les employeurs (comme Safran)
Il ne suffit plus d’opposer la date de 2016 pour écarter toute action de groupe lorsque la discrimination alléguée s’est enclenchée avant cette date.
Les employeurs devront documenter leurs décisions (promotions, augmentations, évaluations) sur une durée longue, et être capables de justifier les écarts de carrière entre salariés syndiqués (ou mandatés) et non syndiqués.
Risque accru : si une pratique historique (par exemple un blocage systématique de la progression des élus CGT) a maintenu ses effets après 2016, elle pourra être judiciairement qualifiée de discrimination collective dans le cadre de l’action de groupe.
Pour les syndicats et salariés
L’arrêt leur offre un levier stratégique fort :
Possibilité de mobiliser un historique complet des faits (tableaux de carrière, anciens entretiens annuels, écarts de rémunération) pour démontrer que la discrimination se poursuit après 2016.
Tout en obtenant, via l’action de groupe, des réparations pour les préjudices postérieurs à la demande L. 1134-9.
5. Critique de la décision
Confirme la constitutionnalité et la légitimité des limites posées à l’action de groupe.
Renforce l’alignement entre :
le régime de prescription de l’action en discrimination (L. 1134-5),
et l’action de groupe : dans les deux cas, les faits anciens restent pertinents s’ils continuent de produire des effets.
L’arrêt ne bouleverse pas le texte de la loi, mais en propose une interprétation favorable à l’effectivité de la lutte contre les discriminations de carrière.
Il est cohérent avec la jurisprudence antérieure, tout en apportant une précision nouvelle pour l’action de groupe.
6. Accompagnement personnalisé par la SELARL Philippe GONET
La SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut vous accompagner si vous êtes :
Syndicat ou CSE constatant :
un blocage de carrière des élus ou mandatés,
des écarts de salaire persistants entre salariés syndiqués et non syndiqués,
un climat de représailles liées à l’engagement syndical.
Salarié titulaire ou ancien titulaire d’un mandat (CGT ou autre organisation) estimant :
avoir été freiné dans vos promotions,
avoir subi un gel salarial,
ou un ralentissement de carrière lié à vos mandats.
Le cabinet peut :
Auditer vos trajectoires de carrière (dossiers individuels, comparatifs internes, grilles de classification).
Vous aider à choisir la meilleure stratégie :
action individuelle,
action syndicale (L. 2132-3),
action de groupe en matière de discrimination.
Constituer un dossier probatoire solide (statistiques, tableaux comparatifs, témoignages, pièces internes).
Vous représenter devant les juridictions prud’homales et judiciaires, ou vous assister dans la mise en place d’un accord négocié de rattrapage.
Pour analyser une situation de discrimination syndicale ou envisager une action de groupe, vous pouvez prendre contact avec la SELARL Philippe GONET à Saint-Nazaire.
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