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Exception d’illégalité et accord de branche étendu : Cass. soc. 1ᵉʳ oct. 2025

Le 14 novembre 2025
Exception d’illégalité et accord de branche étendu : Cass. soc. 1ᵉʳ oct. 2025
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1. Résumé 

Parties en cause

Demanderesse au pourvoi :

La société Agence d’emploi des métiers de la santé (AGEMS), entreprise de travail temporaire, qui avait mis en place un régime de frais de santé propre par décision unilatérale.

Défendeurs au pourvoi :

Plusieurs organisations syndicales représentatives de la branche du travail temporaire,
L’organisation patronale de branche Prism’emploi, signataire des accords « Intérimaire Santé ».

Juridiction :Cour de cassation, chambre sociale (formation de section)Arrêt n° 913 FS-B, 1ᵉʳ octobre 2025 Pourvoi n° 23-15.627 

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, 16 mars 2023, n° 21/14255.

Nature du litige

Le litige porte sur la compatibilité d’un régime d’entreprise de frais de santé instauré par décision unilatérale (AGEMS) avec le régime conventionnel obligatoire de branche « Intérimaire Santé » résultant d’un accord collectif étendu.

L’AGEMS oppose à titre de défense une exception d’illégalité visant certaines stipulations de l’accord de branche relatif à la couverture santé des intérimaires, accord qui a été étendu par arrêté ministériel.

Effet direct de la décision sur la jurisprudence et les pratiques

La chambre sociale énonce un principe de portée générale :

L’exception d’illégalité d’un accord de branche étendu n’est pas recevable si elle n’est pas articulée avec une exception d’illégalité visant l’arrêté ayant étendu cet accord, alors même que, en l’absence de vice propre de cet arrêté, le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur l’exception d’illégalité formée contre l’arrêté d’extension.

Cet arrêt :

Articule clairement le rôle de l’arrêté d’extension (C. trav., art. L. 2261-15 et L. 2261-25) et le contrôle de légalité des accords de branche étendus ;

Prolonge et précise la jurisprudence du Tribunal des conflits, 8 juin 2020, n° C4182, et l’arrêt Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.347 (Fongecfa / Dachser) sur le partage de compétences entre juge judiciaire et juge administratif en présence d’accords collectifs étendus ;

Encadre la stratégie contentieuse des employeurs et organisations syndicales : on ne peut plus espérer écarter un accord de branche étendu uniquement en contestant ses clauses, sans viser l’arrêté d’extension lui-même.

2. Analyse détaillée : faits, procédure, décision

2.1. Les faits : naissance et contestation du dispositif « Intérimaire Santé »

2.1.1. Le régime conventionnel « Intérimaire Santé »

Dans la branche du travail temporaire, les partenaires sociaux ont conclu un ensemble d’accords instituant le régime de protection sociale complémentaire « Intérimaire Santé » :

notamment un accord du 14 décembre 2015 relatif au régime de frais de santé des salariés intérimaires, complété par un avenant du 30 septembre 2016 ;

Ce régime conventionnel a été rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés compris dans le champ de la convention de branche, par un arrêté d’extension du 20 avril 2017, pris par le ministre chargé des affaires sociales après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.

En application de l’article L. 2261-15 du code du travail, les stipulations de l’accord et de son avenant étendus acquièrent un effet normatif erga omnes dans la branche : elles deviennent obligatoires pour tous les employeurs et salariés compris dans leur champ d’application, y compris les non-adhérents.

Parallèlement, le code de la sécurité sociale, en particulier ses articles L. 911-1 et L. 911-3 (dans leur rédaction issue de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020), organise la mise en place et l’extension des garanties complémentaires de frais de santé par voie d’accords collectifs.

2.1.2. Le régime d’entreprise mis en place par l’AGEMS

Antérieurement à l’extension de l’accord de branche, la société AGEMS a instauré, par décision unilatérale du 1ᵉʳ mai 2016, son propre régime de frais de santé pour les salariés intérimaires.

Après l’extension de l’accord de branche en 2017, ce régime unilatéral s’est trouvé en concurrence avec le dispositif conventionnel obligatoire « Intérimaire Santé ».

Selon la chronique Dalloz, plusieurs organisations syndicales ont estimé que l’AGEMS substituait en partie son dispositif unilatéral au dispositif conventionnel obligatoire, en violation de l’effet obligatoire attaché aux accords de branche étendus par l’article L. 2261-15 du code du travail.

2.1.3. La contestation syndicale

Les organisations syndicales de la branche, ainsi que l’organisation patronale Prism’emploi, ont assigné l’AGEMS pour obtenir notamment :

La nullité de la décision unilatérale de l’AGEMS instaurant un régime concurrent ;

La mise en conformité de l’entreprise avec l’accord de branche étendu « Intérimaire Santé » ;

Accessoirement, des mesures de régularisation (affiliation des intérimaires, régularisation des contributions, etc.).

En défense, l’AGEMS soulève une exception d’illégalité visant certaines dispositions de l’accord de branche étendu, considérées comme contraires :

soit au droit interne (code du travail, code de la sécurité sociale),
soit au droit de l’Union européenne (notamment les exigences entourant la libre concurrence et la liberté d’entreprendre).

2.2. La procédure : du fond à la Cour de cassation

2.2.1. Les juges du fond

Les décisions de première instance ne sont pas intégralement accessibles dans cet environnement. On sait toutefois, à partir de la décision de la Cour de cassation et de la chronique Dalloz, que :

Les juges judiciaires du fond ont :

Déclaré recevable l’exception d’illégalité soulevée par l’AGEMS contre l’accord de branche étendu ;

Constaté l’illégalité de certaines stipulations de cet accord (dont le contenu précis n’est pas reproduit ici, faute de texte officiel directement accessible) ;

En conséquence, débouté les organisations syndicales et Prism’emploi de leurs demandes fondées sur la force obligatoire de l’accord de branche.

La cour d’appel de Paris, par arrêt du 16 mars 2023 (n° 21/14255), confirme ce raisonnement en considérant notamment :

Que le juge judiciaire est compétent pour apprécier la validité d’un accord collectif, même lorsqu’il a été étendu par arrêté, dès lors qu’aucun vice propre n’est invoqué contre l’arrêté d’extension ;

Que la juridiction administrative (Conseil d’État) a déjà, par un arrêt du 16 décembre 2019, n° 419087, rejeté des recours dirigés contre les arrêtés d’extension du dispositif « Intérimaire Santé », ce qui conduit la cour à ne pas surseoir à statuer ni saisir le juge administratif d’une nouvelle question préjudicielle.

L’AGEMS avait pourtant, selon la chronique Dalloz, également soulevé des moyens dirigés contre les arrêtés d’extension eux-mêmes, sur le terrain de leur légalité. Cette partie de l’exception n’a pas été expressément traitée par la cour d’appel.

2.2.2. Le pourvoi en cassation

Les requérants forment un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel, soutenant notamment que :

La recevabilité d’une exception d’illégalité formée contre un accord de branche étendu ne peut être dissociée de la contestation de l’arrêté d’extension ;
La cour d’appel :

aurait méconnu les règles de répartition des compétences entre ordre judiciaire et ordre administratif, telles que précisées par le Tribunal des conflits, 8 juin 2020, n° C4182,
aurait exigé à tort une nouvelle question préjudicielle ou, à l’inverse, refusé d’envisager l’exception d’illégalité dirigée contre l’arrêté d’extension ;

Enfin, l’articulation avec le code de la sécurité sociale (art. L. 911-1 et L. 911-3) imposerait un contrôle particulier sur les conditions d’extension des accords déterminant les garanties complémentaires de frais de santé.

3. Contenu de la décision de la Cour de cassation

3.1. Le principe dégagé : rôle central de l’arrêté d’extension

La chambre sociale fonde sa décision sur les articles L. 2261-15 et L. 2261-25 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige :

L’article L. 2261-15 prévoit qu’un accord de branche ou professionnel peut être rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés de son champ d’application par un arrêté d’extension du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective ;

L’article L. 2261-25 précise les pouvoirs du ministre : possibilité d’exclure de l’extension des clauses contraires à la loi, de refuser l’extension pour motifs d’intérêt général ou d’étendre sous réserve certaines clauses incomplètes.

De ces textes, la Cour déduit que :

Eu égard à l’effet obligatoire pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d’application de l’accord, l’exception d’illégalité d’un accord de branche étendu n’est pas recevable si elle n’est pas accompagnée d’une exception d’illégalité dirigée contre l’arrêté ayant procédé à l’extension.

Autrement dit :

Tant que l’accord de branche n’est que conventionnel, il peut être contesté (action ou exception) dans les conditions du droit commun de la négociation collective ;

Dès lors qu’il a été étendu, sa force obligatoire provient de l’arrêté d’extension :

Pour remettre en cause l’obligation d’appliquer l’accord étendu, il faut attaquer l’arrêté (par recours pour excès de pouvoir ou par exception d’illégalité, selon le cas),
L’exception dirigée uniquement contre le texte conventionnel, alors que celui-ci doit son efficacité à un acte administratif d’extension, est irrecevable.
La Cour ajoute que ce principe s’applique même si, en l’absence de vice propre à l’arrêté d’extension, le juge judiciaire est compétent pour apprécier la légalité de cet arrêté par voie d’exception, conformément à la jurisprudence du Tribunal des conflits.

3.2. Le raisonnement de la chambre sociale

3.2.1. Référence au Tribunal des conflits (8 juin 2020, n° C4182)

La Cour rappelle que le Tribunal des conflits a jugé, le 8 juin 2020, n° C4182, que :

Lorsque la contestation porte uniquement sur la validité d’un accord collectif et de ses avenants,
Sans qu’aucun vice propre ne soit invoqué contre l’arrêté d’extension de cet accord,
la question préjudicielle ne relève pas de la juridiction administrative : le juge judiciaire reste compétent, car l’accord demeure un acte de droit privé, même étendu.

La chambre sociale avait déjà tiré les conséquences de cette solution dans l’arrêt Fongecfa / Dachser, Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.347, en jugeant que la demande de renvoi préjudiciel au Conseil d’État pouvait être écartée en l’absence de question sérieuse sur la légalité de l’arrêté d’extension.

3.2.2. Application au litige « Intérimaire Santé »

Dans le présent arrêt du 1ᵉʳ octobre 2025, la Cour :

Constat que la cour d’appel a déclaré recevable l’exception d’illégalité dirigée contre l’accord de branche étendu « Intérimaire Santé » et écarté l’application de certaines de ses clauses,
Relève que l’AGEMS avait également, selon les écritures, contesté la légalité des arrêtés d’extension de cet accord,
Censure la cour d’appel en jugeant qu’elle ne pouvait statuer sur l’exception d’illégalité visant l’accord étendu sans examiner, à tout le moins, l’exception dirigée contre l’arrêté d’extension.

En d’autres termes :

Soit l’AGEMS n’attaquait que l’accord de branche : l’exception était irrecevable, faute de viser l’arrêté ;

Soit elle attaquait aussi l’arrêté : la cour d’appel devait caractériser l’existence d’une question sérieuse justifiant ou non un renvoi au juge administratif, ou appliquer directement la jurisprudence du Tribunal des conflits ;
Dans les deux cas, le raisonnement consistant à écarter les clauses conventionnelles étendues sans traiter l’arrêté d’extension n’était pas juridiquement satisfaisant.

3.2.3. Articulation avec le code de la sécurité sociale

Le litige s’inscrit dans le cadre particulier de la protection sociale complémentaire, régie par le code de la sécurité sociale :

L’article L. 911-1 précise que les garanties collectives complémentaires sont déterminées par accords collectifs, décisions unilatérales ou ratification par la majorité des intéressés ;
L’article L. 911-3, dans sa version issue de la loi n° 2020-1525, renvoie expressément au mécanisme d’extension des accords, en dérogeant à l’article L. 2261-15 du code du travail pour prévoir un arrêté d’extension pris par le ministre chargé de la sécurité sociale.


La Cour s’inscrit dans cette architecture :

le pouvoir normatif de l’accord de branche étendu en matière de frais de santé repose juridiquement sur l’arrêté d’extension pris sur le fondement du code de la sécurité sociale,
c’est donc bien par la voie de la contestation de cet arrêté que la remise en cause de l’obligation conventionnelle doit être opérée.


3.3. La solution retenue

Faute d’accès intégral au dispositif de l’arrêt, on se limite aux éléments certains :Cour de Cassation

La Cour de cassation :

Censure l’arrêt de la cour d’appel de Paris en ce qu’il a déclaré recevable l’exception d’illégalité dirigée contre l’accord de branche étendu,
Retient que l’exception d’illégalité de l’accord étendu est irrecevable en l’absence d’exception d’illégalité de l’arrêté d’extension,
Déduit de cette irrecevabilité la remise en cause de la solution d’appel, qui avait écarté l’application de certaines clauses conventionnelles à l’AGEMS.
Le mode de cassation (avec ou sans renvoi) ne pouvant être vérifié sur une base officielle dans ce contexte technique, il n’est pas indiqué ici.


4. Références juridiques (textes et jurisprudence)

4.1. Textes légaux cités
Code du travail
Article L. 2261-15 du code du travail

Article L. 2261-25 du code du travail

Code de la sécurité sociale
Article L. 911-1 du code de la sécurité sociale

Cadre général des garanties collectives de protection sociale complémentaire ;

Article L. 911-3 du code de la sécurité sociale

Organise, en lien avec la CNNC, l’extension des accords déterminant les garanties complémentaires, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ;

4.2. Jurisprudence directement liée
Cass. soc., 1ᵉʳ oct. 2025, n° 23-15.627, arrêt n° 913 FS-B, publié au Bulletin

AGEMS / organisations syndicales de la branche du travail temporaire, Prism’emploi

Conseil d’État, 16 déc. 2019, n° 419087

Recours dirigés contre les arrêtés d’extension du dispositif « Intérimaire Santé » – rejet ;

Tribunal des conflits, 8 juin 2020, n° C4182

Partage de compétence : accord collectif étendu, absence de vice propre invoqué contre l’arrêté d’extension → compétence de la juridiction judiciaire ;

Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.347, Publié au Bulletin (Fongecfa / Dachser France)

Confirme, en s’appuyant sur le TC 8 juin 2020, que la question préjudicielle relative à la légalité d’un accord collectif et de ses avenants, sans vice propre de l’arrêté d’extension, relève du juge judiciaire ;

Cass. soc., 31 janv. 2024, n° 22-11.770, arr. n° 131 FS-B+R

Sur l’exception d’illégalité d’un accord collectif en lien avec les conditions de validité et de négociation, prolongeant la jurisprudence de 2018–2022 ;

5. Analyse juridique approfondie et portée de l’arrêt

5.1. Clarification de la chaîne normative : accord de branche / arrêté d’extension

L’arrêt du 1ᵉʳ octobre 2025 met en lumière un point souvent mal appréhendé en pratique :

L’accord de branche, même étendu, demeure un acte de droit privé ;
Mais sa force obligatoire erga omnes résulte d’un acte administratif : l’arrêté d’extension.

En conséquence :

Lorsque l’employeur ou un syndicat veut éviter l’application d’un accord de branche étendu, il ne peut plus simplement invoquer l’illégalité intrinsèque des stipulations conventionnelles ;
Il doit articuler son argumentation autour de l’arrêté d’extension :

soit en recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État (voie principale),
soit par exception d’illégalité (devant le juge judiciaire), exception qui devra en réalité viser l’arrêté lui-même.

L’arrêt consacre ainsi une sorte de « verrou contentieux » :

on ne peut faire tomber la norme collective étendue sans viser la norme administrative qui lui donne sa portée générale.

5.2. Continuité et évolution de la jurisprudence

5.2.1. De l’action en nullité à l’exception d’illégalité

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mars 2018, a admis la possibilité d’invoquer par voie d’exception l’illégalité d’une clause conventionnelle sans contrainte de délai, malgré l’article L. 2262-14 C. trav. limitant à deux mois l’action en nullité.

La chambre sociale a progressivement étendu cette faculté :

au salarié ;
au CSE et au syndicat non signataire (arrêts du 2 mars 2022) ;
puis à l’employeur (notamment dans les affaires relatives aux accords d’entreprise et aux conditions de validité des signataires).
Mais cette ouverture restait essentiellement centrée sur les accords d’entreprise.

5.2.2. Spécificité des accords de branche étendus

Pour les accords de branche étendus, la situation est plus complexe :

L’accord est de droit privé, mais :
Son extension repose sur une décision administrative (C. trav., art. L. 2261-15 ; C. séc. soc., art. L. 911-3).
Jusqu’alors, la jurisprudence avait :

admis le contrôle judiciaire de la validité de l’accord après qu’un recours ait été exercé contre l’arrêté d’extension (Cass. soc., 12 juill. 2018) ;
reconnu la possibilité d’exceptions d’illégalité dirigées contre l’arrêté d’extension lui-même (Cass. soc., 29 sept. 2021) ;
précisé que, sans vice propre de l’arrêté, la juridiction judiciaire reste compétente pour apprécier la validité de l’accord (TC 8 juin 2020, Cass. soc. 29 juin 2022).

L’arrêt du 1ᵉʳ octobre 2025 synthétise et approfondit cette construction :

Il conditionne la recevabilité de l’exception d’illégalité de l’accord de branche étendu à la mise en cause corrélative de l’arrêté d’extension ;
Il évite que l’on puisse, en pratique, neutraliser l’accord sans jamais s’interroger sur la légalité de l’acte administratif qui lui donne portée générale.

5.3. Conséquences pratiques pour les acteurs

5.3.1. Pour les employeurs

Un employeur qui souhaite contester l’application d’un accord de branche étendu doit désormais :

Identifier précisément l’arrêté (ou les arrêtés) d’extension concernés (date, JO, périmètre, avenants) ;
Formuler ses moyens en distinguant :

les vices propres de l’arrêté (compétence, procédure, base légale, proportionnalité, etc.) ;
les vices affectant le contenu de l’accord, mais qui, en pratique, devront être reliés à l’acte d’extension dès lors qu’ils conditionnent sa légalité ;

Choisir la voie appropriée :

recours principal devant le juge administratif,
ou exception d’illégalité de l’arrêté d’extension devant le juge judiciaire, si le litige est déjà pendant devant ce dernier.
Une défense consistant uniquement à invoquer « l’illégalité de l’accord de branche étendu » devant le conseil de prud’hommes ou la cour d’appel sera désormais vouée à l’irrecevabilité.

5.3.2. Pour les syndicats et organisations patronales

Les organisations syndicales et patronales :

Disposent d’un argument solide pour défendre l’application des accords de branche étendus :
tant que l’arrêté d’extension n’est ni annulé, ni déclaré illégal par exception, son effet obligatoire demeure.
Doivent, en amont, veiller à ce que :

le champ d’application des accords,
les mécanismes financiers (cotisations, mutualisation, « versement santé »),
et les articulations avec le code de la sécurité sociale soient juridiquement sécurisés pour résister à un contrôle de légalité.

5.3.3. Risque de complexification des contentieux
L’exigence de viser l’arrêté d’extension conduit :

à un réflexe quasi systématique de contentieux administratif parallèle ou d’exception d’illégalité,
à une technicisation accrue des litiges en droit du travail collectif,
et à une coordination nécessaire entre conseils en droit du travail et spécialistes de contentieux administratif.
Pour un employeur comme pour un syndicat, il devient stratégiquement risqué de se lancer dans une exception d’illégalité sans maîtriser la grammaire du contentieux de l’excès de pouvoir.

6. Accompagnement personnalisé par la SELARL PHILIPPE GONET

Basée à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), la SELARL Philippe GONET consacre une part importante de son activité :

au droit du travail collectif (accords de branche, accords d’entreprise, représentation du personnel) ;
aux litiges de protection sociale complémentaire (frais de santé, prévoyance, retraite supplémentaire) ;
aux contentieux complexes mêlant droit du travail, droit de la sécurité sociale et droit administratif (extension d’accords de branche, versement santé, dispositifs sectoriels comme « Intérimaire Santé »).

Dans un dossier analogue :

le cabinet peut auditer la chaîne normative (accords, arrêtés d’extension, textes CSS et C. trav.) afin d’identifier les marges de contestation ou, au contraire, les points de solidité de l’accord ;
il vous accompagne dans la stratégie contentieuse :

choix entre recours administratif et exception d’illégalité,
rédaction des écritures devant le conseil de prud’hommes, le tribunal judiciaire, la cour d’appel ou les juridictions administratives ;
il vous aide à sécuriser vos pratiques internes (régimes d’entreprise, décisions unilatérales, accords collectifs) pour limiter le risque de contentieux sur les dispositifs de protection sociale complémentaire.

7. Synthèse pratique pour les employeurs et les syndicats

À retenir
Un accord de branche étendu ne peut plus être écarté par simple exception d’illégalité visant ses stipulations :

il faut attaquer ou exciper de l’illégalité de l’arrêté d’extension lui-même.

Le juge judiciaire reste compétent pour apprécier la légalité de l’arrêté d’extension en l’absence de vice propre nécessitant un renvoi au juge administratif, conformément à la jurisprudence du Tribunal des conflits (8 juin 2020, n° C4182) et de la chambre sociale (29 juin 2022, n° 21-11.347).

Les contentieux touchant aux régimes de frais de santé de branche (comme « Intérimaire Santé ») exigent une maîtrise conjointe du droit du travail, du droit de la sécurité sociale et du contentieux administratif.

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