Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
1. Résumé succinct
Parties. M. [Y] [B] (conducteur motocycliste, demandeur au pourvoi) c/ SA Protec BTP (assureur du véhicule adverse) & CPAM du Puy-de-Dôme.
Juridiction, chambre, date, n° pourvoi. Cour de cassation, 2e civ., 19 juin 2025, n° 23-22.911, publié au Bulletin. L’arrêt casse l’arrêt CA Aix-en-Provence du 28 sept. 2023 et renvoie devant la même cour autrement composée.
Nature du litige. Indemnisation d’un accident de la circulation (loi du 5 juillet 1985, dite « Badinter »). Deux questions centrales : (i) force probante du procès-verbal de police (art. 537 CPP) lorsque les agents n’ont pas assisté à l’accident ; (ii) nécessité de caractériser une faute ayant contribué au préjudice du conducteur victime (art. 4 loi 1985) avant d’en apprécier la gravité pour limiter/éteindre l’indemnisation.
Effet direct sur la pratique. Un PV rédigé par des agents non présents au moment des faits ne fait pas foi jusqu’à preuve contraire des circonstances de l’accident ; l’exclusion ou la réduction de l’indemnisation du conducteur victime suppose d’abord la caractérisation d’une faute causale au sens de l’art. 4 de la loi de 1985, avant l’appréciation de sa gravité.
2. Analyse détaillée
Les faits
19 avril 2014 : M. [B], au guidon d’une moto, est impliqué dans un accident avec un véhicule conduit par Mme [L], assuré par Protec BTP.
Suite : Expertise amiable ; assignation de l’assureur en indemnisation, la CPAM intervenant à l’instance.
La procédure
1re instance : TGI (non détaillé dans l’arrêt de cassation).
Appel : CA Aix-en-Provence, 28 sept. 2023, retient une faute exclusive de M. [B] et supprime tout droit à indemnisation, se fondant notamment sur un PV de police et un plan des lieux.
Cassation : Pourvoi de M. [B] (moyen unique, notamment 3e et 5e branches). La 2e civ. casse en toutes ses dispositions et renvoie. Protec BTP est condamnée aux dépens et à 3 000 € (art. 700 CPC).
Contenu de la décision
Arguments des parties
Le demandeur soutenait que le PV, dressé par des agents arrivés après l’accident (16 h 20 pour un accident à 16 h 00), ne pouvait faire foi des circonstances non personnellement constatées (franchissement de la ligne médiane), et relevait l’incomplétude de l’enquête (absence d’éléments sur vitesses, traces, positions, etc.).
Raisonnement de la Cour de cassation.
Sur l’art. 537 CPP – Force probante du PV : « Les PV établis par les OPJ/APJ font foi jusqu’à preuve contraire des contraventions qu’ils constatent ». Dès lors que l’agent n’était pas présent lors de l’accident, le PV ne faisait pas foi jusqu’à preuve contraire des circonstances retenues par la CA. → Violation de l’art. 537 CPP. ;
Sur l’art. 4 loi 1985 – Faute du conducteur victime : L’exclusion du droit à indemnisation exige une faute du conducteur ayant contribué à la réalisation de son préjudice. En retenant une « particulière gravité » sans caractériser la contribution causale de la faute alléguée au dommage, la CA a violé l’art. 4. ;
Solution retenue.
Cassation totale ; renvoi à Aix-en-Provence autrement composée ; 3 000 € à la charge de Protec BTP (art. 700 CPC).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. civ. 2e, 19 juin 2025, n° 23-22.911 (publié au Bull.).
Cass. civ. 2e, 9 mars 2023, n° 21-11.157 (art. 4 loi 1985 : faute ayant contribué au préjudice ; le juge apprécie ensuite sa gravité pour limiter/écarter).
Cass. civ. 2e, 27 mai 2021, n° 20-12.932 (réaffirmation : la faute du conducteur victime s’apprécie in abstracto quant à son rôle causal ; indépendamment du comportement des autres).
(Art. 537 CPP – force probante des PV) Exemples de rappels par la chambre criminelle :
3.2 Textes légaux
Article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (Badinter) — « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »
Article 537 du code de procédure pénale — « Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut… »
4. Analyse juridique approfondie
4.1 Décryptage du raisonnement de 2025
Preuve : La 2e civ. rappelle que l’autorité probante de l’art. 537 CPP est circonscrite aux contraventions que les agents ont personnellement constatées. Un PV dressé a posteriori, sans présence lors des faits, ne peut servir de socle probatoire pour retenir des circonstances matérielles déterminantes (déport sur voie opposée, point de choc) et évincer l’indemnisation.
Causalité & gravité (art. 4) : La Cour rectifie une lecture trop rapide de son arrêt du 9 mars 2023 : l’ordre logique est (i) faute causale (a-t-elle contribué au préjudice ?), puis (ii) gravité (limiter ou exclure). La CA a sauté l’étape (i) en se contentant d’une formule de « particulière gravité ».
4.2 Mise en perspective jurisprudentielle
Ligne directrice constante depuis la chambre mixte 1997 : droit à indemnisation du conducteur sauf faute ayant contribué à son propre préjudice, le juge appréciant ensuite s’il y a limitation ou exclusion. L’arrêt 2025 ré-aligne les juges du fond sur ce schéma en deux temps. Légifrance
Rappels récents (2021, 2023) : la 2e civ. insiste sur la neutralité du comportement des autres conducteurs dans l’appréciation de la faute de la victime, et sur l’exigence du lien de contribution au préjudice (art. 4).
L’arrêt 2025 s’inscrit dans cette continuité en censurant une motivation défaillante sur la causalité.
Preuve policière : Bien que la règle de l’art. 537 CPP soit fréquemment mobilisée en répressif, son principe probatoire irrigue ici le contentieux civil : un PV n’est pas un chèque en blanc — surtout quand il n’atteste pas de constatations personnelles au moment des faits.
4.3 Incidences pratiques
Pour les assureurs : impossible d’opposer seuls un PV et un plan lorsque les agents n’ont pas vu l’accident ; il faut des éléments objectifs (traces, témoins, expertises) établissant la contribution de la faute du conducteur victime.
Pour les victimes conductrices : contester l’autorité probante des PV a posteriori et exiger que la faute retenue contribue concrètement au dommage avant tout débat sur sa gravité.
5. Accompagnement personnalisé
Pour sécuriser vos contentieux « Badinter » (preuve des circonstances, contestation de PV, causalité/gravité de la faute, chiffrage des postes de préjudice), la SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
auditer vos dossiers (police, expertise, témoins) et bâtir une stratégie probatoire ;
rédiger conclusions et moyens ciblant 537 CPP & 4 de la loi 1985 ;
optimiser la négociation indemnitaire et la préparation expertise.
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit de l'automobile - Droit de la responsabilité