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Uniquement sur rendez-vous.
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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat, 2 rue du Corps de Garde, 44600 Saint-Nazaire, accompagne les particuliers et professionnels dans leurs contentieux (notamment responsabilité, immobilier/construction, famille) et dans l’analyse stratégique de décisions.
1) Résumé de la décision
Juridiction : Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dixième chambre
Contexte : renvoi préjudiciel (art. 267 TFUE) par un tribunal polonais
Texte central : directive (UE) 2015/2302 « voyages à forfait » (notamment art. 3, 4, 14)
En une phrase
La CJUE confirme une responsabilité contractuelle harmonisée de l’organisateur :
il peut être exonéré de dédommagement sans prouver la « faute » d’un tiers (il suffit que la non-conformité lui soit imputable et soit imprévisible ou inévitable) ;
un remboursement intégral est possible si la non-conformité est si grave que le forfait a perdu son objet ;
la réduction de prix et le dédommagement servent à rééquilibrer le contrat, pas à punir ;
un acte de puissance publique n’est pas en principe une « circonstance exceptionnelle et inévitable » s’il était prévisible (connaissance en temps utile).
Effet direct sur les pratiques
Pour les litiges “voyage à forfait” :
plus difficile pour un organisateur d’opposer une condition nationale supplémentaire (ex. exigence de “faute” du tiers) ;
plus favorable au voyageur sur l’ampleur de la réduction de prix, pouvant aller jusqu’à 100 % si le séjour devient objectivement sans intérêt ;
clarification sur l’argument « décision administrative = force majeure » : ce n’est vrai que si l’événement était réellement imprévisible et inévitable malgré des mesures raisonnables.
2) Analyse détaillée
27 juillet 2022 : deux voyageurs concluent un voyage “tout compris” dans un hôtel 5 étoiles en Albanie, pour la période 1er → 8 septembre 2023, prix 8 696 PLN (≈ 2 048 €).
Les non-conformités pendant le séjour
Jour 1 à jour 4 : démolition des deux piscines (7h30–19h30), ordonnée par les autorités albanaises, avec présence de médias et police ; démolition également de la promenade/front de mer et accès à la mer.
Pendant le séjour : files d’attente, repas insuffisants/obligation de venir dès le début du créneau ; suppression de la collation de 17h.
Trois derniers jours : début de travaux d’ajout d’un 5e étage, acheminement de matériaux via des ascenseurs utilisés par les clients.
La réclamation
Les voyageurs demandent 22 696 PLN :
8 696 PLN (dommage matériel lié à l’inexécution fautive)
14 000 PLN (préjudice moral).
L’organisateur conteste et invoque des circonstances exceptionnelles et inévitables liées à la décision des autorités, et évoque un chèque-vacances 750 PLN proposé.
La procédure (déroulement intégral)
Litige pendant devant une juridiction polonaise (Sąd Rejonowy w Rzeszowie) ; cette juridiction saisit la CJUE par renvoi préjudiciel (décision du 27 mars 2024, parvenue le 3 juillet 2024).
Questions posées à la CJUE (4 questions)
Une loi nationale peut-elle exiger, pour exonérer l’organisateur, de démontrer la faute du tiers (au lieu de la seule imputabilité) ?
La « réduction de prix appropriée » peut-elle aller jusqu’au remboursement intégral, même si certains services ont été fournis ?
Réduction de prix / dédommagement : finalité uniquement compensatoire ou aussi sanction/dissuasion ?
Un acte de puissance publique relève-t-il (ou non) des « circonstances exceptionnelles et inévitables » ?
Textes appliqués
Directive (UE) 2015/2302 — définition :
« “circonstances exceptionnelles et inévitables”, une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises » (art. 3, point 12).
Niveau d’harmonisation :
« les États membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire […] des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente directive » (art. 4).
Réduction de prix / dédommagement / exonérations (art. 14) :
« droit à une réduction de prix appropriée » (par. 1) ;
« droit à un dédommagement approprié » (par. 2) ;
pas de dédommagement si l’organisateur prouve que la non-conformité est :
a) imputable au voyageur ;
b) imputable à un tiers étranger… et imprévisible ou inévitable ;
c) due à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
Raisonnement et solution (par question)
1) “Imputable à un tiers” ≠ obligation de prouver une “faute”
La CJUE interprète « imputable à » dans son sens courant : le fait résulte du comportement du tiers sans exiger qu’il y ait violation fautive (intention/négligence).
Conclusion : une règle nationale qui impose de prouver la faute du tiers pour exonérer l’organisateur est contraire à l’harmonisation (art. 4).
Solution : opposition à la loi nationale imposant la “faute” du tiers.
2) Remboursement intégral possible si le forfait a “perdu son objet”
La réduction de prix doit correspondre à la valeur des services non conformes, de manière objective ; plus c’est grave, plus la réduction augmente.
Remboursement intégral :
soit quand tous les services sont non conformes ;
soit quand, malgré quelques services rendus, la non-conformité est si grave que le voyage n’a objectivement plus d’intérêt pour le voyageur (forfait sans objet).
Solution : oui, remboursement intégral possible dans cette hypothèse.
3) Pas de “dommages punitifs” via l’article 14
La CJUE tranche nettement :
réduction de prix + dédommagement = rééquilibrage contractuel (prix vs services + réparation du préjudice) ;
la logique de sanction relève plutôt des sanctions nationales prévues par l’article 25, pas de l’article 14.
Solution : objectif compensatoire, pas punitif.
4) Acte de puissance publique : rarement “exceptionnel et inévitable” s’il était prévisible
La Cour rappelle que « circonstances exceptionnelles et inévitables » se rapproche de la force majeure, avec une exigence d’imprévisibilité.
Or, un acte administratif est souvent précédé de procédure, transparence et publicité : donc généralement prévisible.
La CJUE fixe un test pratique : si l’organisateur (ou son prestataire) pouvait en avoir connaissance en temps utile avant exécution, alors ce n’est pas une circonstance “exceptionnelle et inévitable”.
Solution : exclusion quand la procédure permettait d’en avoir connaissance en temps utile.
3) Références – Jurisprudence antérieure citée dans l’arrêt
La décision renvoie notamment à :
CJUE, 18 mars 2021, Kuoni Travel, C-578/19, EU:C:2021:213 (responsabilité organisateur / prestataires)
CJUE, 12 janv. 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C-396/21, EU:C:2023:10 (réduction de prix : approche objective)
CJUE, 8 juin 2023, UFC-Que choisir et CLCV, C-407/21, EU:C:2023:449 (circonstances exceptionnelles/force majeure)
CJUE, 29 févr. 2024, Tez Tour, C-299/22, EU:C:2024:181 (imprévisibilité)
CJUE, 30 avr. 2025, Galte, C-63/24, EU:C:2025:292 (interprétation autonome)
4) Analyse juridique approfondie – ce que l’arrêt change “en pratique”
4 enseignements opérationnels
Exonération “tiers” : pas de sur-condition nationale
Si un droit national ajoute la preuve d’une “faute” du tiers, cela heurte l’harmonisation (art. 4).
Réduction de prix : l’échelle va jusqu’à 100 %
Le critère clé n’est pas “quelques services ont existé”, mais : le forfait a-t-il encore un intérêt objectif ?
Pas de “punition” déguisée via l’indemnisation
La CJUE ferme la porte à une lecture “dommages punitifs” de l’article 14.
Décision administrative sur place : à manier avec prudence
L’argument “acte de l’État = imprévisible” peut tomber si l’organisateur / hôtelier avait des indices, une information ou un délai utile pour proposer des alternatives.
5) Critique de la décision
Le raisonnement est cohérent avec une directive d’harmonisation : éviter les “sur-couches” nationales (preuve de faute) et maintenir un standard européen unique.
La CJUE construit une grille simple : imputabilité + imprévisible/inévitable, puis une logique de valeur du forfait (objet/intérêt) pour calibrer la réduction de prix.
Limite assumée : impossibilité ici de vérifier et fournir des liens Légifrance vers la directive / ou vers les arrêts CJUE (exigence de votre protocole).
6) Accompagnement personnalisé
Cette décision relève du droit de la consommation / tourisme (voyages à forfait).
Conformément à votre cadre, la présente analyse est offerte par la SELARL PHILIPPE GONET.
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