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1. Résumé succinct
Parties : l’URSSAF Rhône-Alpes (défenderesse au pourvoi) c/ l’[4], venant aux droits de l’[3] (cotisante).
Juridiction : Cour de cassation, deuxième chambre civile, formation de section, arrêt n° 759 FS-B, 4 septembre 2025, pourvoi n° 22-17.437, ECLI:FR:CCASS:2025:C200759 (rejet).
Nature du litige : contentieux URSSAF – assujettissement des contributions patronales à un régime de retraite supplémentaire (retraite de raccordement) et recevabilité, devant le juge, de pièces non communiquées lors du contrôle/phase contradictoire.
Effet jurisprudentiel direct : la Cour consacre un principe : le cotisant peut produire devant le juge toutes pièces nécessaires au succès de ses prétentions, sauf si l’URSSAF a expressément demandé ces pièces au cours du contrôle/phase contradictoire. Elle confirme en outre des régimes probatoires spécifiques où la production devait intervenir pendant le contrôle (frais pro, tolérances, taxation/évaluation forfaitaire).
2. Analyse détaillée
Les faits
Période vérifiée : 1ᵉʳ juillet 2008 → 31 décembre 2010.
Lettre d’observations : 19 octobre 2011, suivie d’une mise en demeure.
Objet du redressement : intégration dans l’assiette des cotisations de la participation patronale au régime de retraite supplémentaire (retraite de raccordement).
La cotisante soutenait n’avoir versé aucune prime sur la période, invoquant une attestation assureur et des pièces comptables produites ultérieurement.
La procédure
Recours devant la juridiction de sécurité sociale, puis appel.
CA Lyon (12 avril 2022) : validation du chef de redressement, refus d’examiner des pièces produites tardivement (non communiquées durant le contrôle/phase contradictoire).
Pourvoi de l’[4] (moyen unique, 7 branches).
Débats : audience publique du 11 juin 2025 ; arrêt de rejet le 4 septembre 2025.
Contenu de la décision
Arguments des parties
Cotisante :
invoque l’art. 563 CPC (moyens et pièces nouveaux recevables en appel) ;
l’art. R. 243-59 CSS n’interdit pas d’apporter de nouveaux éléments au stade juridictionnel ;
art. 6 § 1 CEDH : refus d’examiner l’attestation porte atteinte au droit d’accès au juge et aux droits de la défense.
URSSAF : défend la décision d’appel et la logique du contrôle contradictoire encadré par l’art. R. 243-59 CSS.
Raisonnement de la Cour de cassation
Principe CEDH – Art. 6 § 1 : le droit au procès équitable inclut le droit à la preuve ; ce droit n’est pas absolu et doit se concilier avec les modalités propres au recouvrement (système déclaratif et responsabilités de l’employeur). hudoc.echr.coe.int
Encadrement par le CSS :
R. 243-59 CSS (rédaction applicable au litige) : obligations de présentation des documents pendant le contrôle et garanties de la phase contradictoire (lettre d’observations motivée, délai de réponse, assistance d’un conseil, etc.).
L. 213-1 et L. 243-7 CSS : responsabilités et pouvoirs de contrôle des organismes de recouvrement.
Solution de principe (apport central) :
Le cotisant doit pouvoir produire devant le juge l’ensemble des pièces nécessaires à ses prétentions (oui aux pièces nouvelles en justice),
Mais il ne peut pas produire pour la 1ʳᵉ fois une pièce que l’URSSAF a expressément demandée pendant le contrôle/phase contradictoire.
De plus, lorsque la charge de la preuve pèse sur le cotisant pour bénéficier d’un régime dérogatoire (frais pro, tolérance administrative, taxation/évaluation forfaitaire), les pièces doivent être produites pendant le contrôle.
Application : la CA a pu, souverainement, juger que l’attestation produite ultérieurement n’était pas probante (discordance avec le contrat collectif) et ne remettait pas en cause le redressement. Rejet du pourvoi.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Arrêt commenté : Cass. civ. 2ᵉ, 4 sept. 2025, n° 22-17.437, FS-B, ECLI:FR:CCASS:2025:C200759.
Jurisprudence de principe sur les moyens nouveaux : Cass. civ. 2ᵉ, 12 mai 2022, n° 20-18.077 (publié) – le cotisant peut invoquer de nouveaux moyens devant le juge s’ils portent sur des chefs déjà contestés devant la CRA.
Contrôle juridictionnel plein (régularité/propre fondement) : Soc., 23 mai 2002, n° 00-12.309 ; 2ᵉ Civ., 24 mai 2005, n° 03-30.634.
Exceptions/probatio diabolica (pièces à produire durant le contrôle) :
Frais professionnels : 2ᵉ Civ., 24 nov. 2016, n° 15-20.493.
Tolérance administrative (exclusion d’assiette) : 2ᵉ Civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.395.
Taxation forfaitaire : 2ᵉ Civ., 14 mars 2019, n° 17-28.099.
Évaluation forfaitaire après constat travail dissimulé : 2ᵉ Civ., 9 nov. 2017, n° 16-25.690 (publié).
Référence CEDH sur l’art. 6 § 1 (droit d’accès au juge & contrôle suffisant) : Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [GC], 6 nov. 2018, n° 55391/13, 57728/13 et 74041/13.
3.2 Textes légaux
Art. R. 243-59 CSS (version applicable issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 – ex. 01/09/2007) – extrait :
« […] Les employeurs […] sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents […] Les observations sont motivées par chef de redressement et comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement […] La lettre d’observations indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre […] ».
Art. L. 213-1 CSS (récit légal sur missions de recouvrement) – extrait :
« […] Le recouvrement de l’ensemble des cotisations et contributions finançant les régimes de base ou complémentaires […] est assuré […] par les URSSAF […] ». ???? Légifrance : Lien vérifié. (Version récente citée, le principe étant inchangé quant aux missions.)
Art. L. 243-7 CSS (pouvoirs de contrôle) – extrait :
« Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés […] ; ils peuvent procéder à toutes vérifications nécessaires […]
Art. 6 § 1 CEDH – extrait :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement […] par un tribunal indépendant et impartial […] ».
4. Analyse juridique approfondie
4.1 Apport normatif de l’arrêt du 4 septembre 2025
Conciliation “droit à la preuve” / “discipline du contrôle URSSAF” : la Cour érige un cadre général — le juge doit pouvoir apprécier le bien-fondé matériel du redressement à partir de toutes les pièces utiles, sauf si l’URSSAF les avait demandées pendant le contrôle/contradictoire : dans cette seule hypothèse, irrecevabilité de la production tardive.
Régimes probatoires spécifiques confirmés : lorsque le cotisant revendique un régime dérogatoire (frais pro, tolérance d’exclusion d’assiette, taxation/évaluation forfaitaire), la charge de la preuve implique une production dès le contrôle ; à défaut, la preuve tardive est inopérante. (Réfs. 2016, 2017, 2019, 2021).
4.2 Positionnement dans la jurisprudence antérieure
Ouverture sur les moyens : continuité avec Cass. 2e, 12 mai 2022 (moyens nouveaux recevables devant le juge si le chef a été contesté devant la CRA). L’arrêt 2025 en étend la logique à la preuve, mais avec limites pratiques (pièce demandée = irrecevable si produite pour la première fois en justice).
Sécurisation de la phase contradictoire : le cadre R. 243-59 CSS demeure la colonne vertébrale de la loyauté du contrôle ; la solution 2025 n’affaiblit pas l’autorité du contrôle mais empêche qu’il stérilise la fonction probatoire du juge. Légifrance
CEDH : le “droit au procès équitable” tolère des limites proportionnées, pourvu qu’un contrôle juridictionnel suffisant subsiste — ce que retient la Cour (référence à Ramos Nunes).
4.3 Conséquences pratiques
Pour les cotisants :
Anticiper : rassembler et communiquer dès le contrôle toute pièce pouvant fonder une exonération/tolérance.
Devant le juge : produire librement les pièces non expressément demandées par l’URSSAF au contrôle et non couvertes par un régime probatoire spécial.
Pour les URSSAF : formaliser par écrit les demandes expresses de pièces pour sécuriser une éventuelle irrecevabilité ultérieure.
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos contrôles URSSAF (revue des demandes expresses, cartographie des pièces “à produire” vs “produisibles en justice”).
Structurer le recours CRA / judiciaire (qualification des chefs, charges probatoires spécifiques, argumentaire CEDH).
Sécuriser vos régimes de rémunération (frais pro, retraites supplémentaires, avantages, tolérances)
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