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Travail détaché & URSSAF : défaut d’A1 = redressement (Cass. civ. 2e, 16-10-2025)

Le 28 octobre 2025
Travail détaché & URSSAF : défaut d’A1 = redressement (Cass. civ. 2e, 16-10-2025)
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1)  Résumé

Parties : URSSAF d’Alsace (demanderesse au pourvoi) c/ société de droit portugais [3] (défenderesse).

Juridiction  : Cour de cassation, 2e chambre civile, 16 octobre 2025, n° 23-14.039, cassation, publié au Bulletin. 

Nature du litige : Contrôle URSSAF (2010–2013) au titre du travail dissimulé concernant des salariés détachés par une société établie au Portugal ; annulation par la CA Colmar de la lettre d’observations (19 mars 2015) et de la mise en demeure (23 déc. 2015).

Effet direct sur la pratique : La 2e civ. valide la possibilité, avant la loi du 10 juill. 2014, pour les agents URSSAF, d’exiger des documents permettant de vérifier l’affiliation à la sécurité sociale française et, à défaut de certificats A1 (ex-E101) établissant l’assujettissement à l’étranger, le redressement pour travail dissimulé est justifié.

2) Analyse détaillée

Faits 

01/01/2010 – 30/09/2013 : Période de contrôle URSSAF visant des infractions aux interdictions de travail dissimulé (C. trav., art. L. 8222-1).

19/03/2015 : Lettre d’observations portant redressement.

23/12/2015 : Mise en demeure.

09/02/2023 : CA Colmar (ch. soc., sect. SB) annule LO et mise en demeure, jugeant que, avant le 12/07/2014, les agents ne pouvaient se faire présenter des documents relatifs au détachement (hors « livre II – LCTI »).

Procédure

1re instance : juridiction de sécurité sociale saisie par la société.

Appel (Colmar, 09/02/2023) : annulation du contrôle et des actes subséquents.

Cassation (16/10/2025) : cassation totale ; renvoi devant la CA Metz.

Contenu de la décision

Arguments de l’URSSAF (moyen unique, 1re, 2e et 4e branches)

Pouvoirs d’investigation (art. L. 8271-6-2 C. trav., version 2011) autorisaient la demande de documents « justifiant du respect des dispositions du livre LCTI », incluant la vérification des déclarations sociales et la preuve du rattachement des salariés (certificats A1).

Confusion opérée par la CA entre lutte contre le travail dissimulé et régime du détachement : l’URSSAF ne sanctionnait pas le non-respect des règles de détachement mais l’impossibilité de justifier que les salariés n’étaient pas soumis à la législation française.

Charge de la preuve : il appartenait à l’employeur étranger de produire les A1 ; à défaut, redressement pour travail dissimulé.

Raisonnement de la Cour de cassation

Textes visés (versions applicables) :

L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5 C. trav. (définition du travail dissimulé), dont L. 8221-3 dans sa version Loi n° 2011-1906 du 21 déc. 2011 

L. 8271-6-2 et L. 8271-9 C. trav. dans leur version Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 (création/renforcement des pouvoirs de contrôle : article 84 ; version au 30/09/2011 – 12/07/2014 : 

Principe dégagé : pour rechercher/constater des infractions de travail dissimulé concernant des salariés exerçant en France pour le compte d’un employeur étranger, les agents URSSAF peuvent recueillir tout document (quel qu’en soit le support) permettant d’établir si l’employeur est affilié à la sécurité sociale française. À défaut de production de documents justifiant le rattachement des salariés à la législation du pays d’origine (A1), le redressement est justifié. L’arrêt d’appel est cassé pour violation des textes. 

Solution

Cassation totale ; renvoi CA Metz ; condamnation de la société [3] aux dépens et à 3 000 € au titre de l’art. 700 CPC.

3)  Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 
Cass. civ. 2e, 16 oct. 2025, n° 23-14.039 – Cassation – Publié au Bulletin

Cass. civ. 2e, 3 juin 2021, n° 19-25.355 (A1 salarié par salarié ; contrôle de l’assiette)

Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-25.596 (A1 / détachement, rappel des principes de travail dissimulé)

(Contexte pénal – détachement / A1) Cass. crim., 18 sept. 2018, n° 16-87.455 (Ryanair)

3.2 Textes légaux

Art. L. 8271-6-2 C. trav. – Version 30/09/2011 – 12/07/2014

Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 (création/renforcement des pouvoirs de contrôle)

Art. L. 8221-3 C. trav. – Version 23/12/2011

Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 (extension aux règles du détachement – entrée en vigueur 12/07/2014)


4) Analyse juridique approfondie

Apport de l’arrêt (2025)

La 2e civ. opère une clarification pré-2014 : même avant l’extension explicite des pouvoirs d’investigation aux conditions de détachement, les agents pouvaient exiger tout document prouvant l’affiliation sociale applicable (vérification du lex loci laboris ou démonstration du rattachement étranger via A1). À défaut, le travail dissimulé par dissimulation d’emploi/déclarations (L. 8221-5) est caractérisable et le redressement suit. 

Cohérence avec la jurisprudence antérieure

Cass. 2e, 3 juin 2021 : rappelle l’exigence salarié par salarié de l’A1 et le contrôle du juge sur l’assiette ; l’arrêt 2025 consolide l’idée que l’absence d’A1 ou de preuve équivalente expose au redressement, même pour périodes antérieures à 2014, dès lors que l’URSSAF se place sur le terrain du travail dissimulé et non sur celui de la conformité des règles de détachement.

Cass. soc., 4 nov. 2020 & Cass. crim., 18 sept. 2018 : rappels convergents sur la valeur et les effets du certificat A1 et sur la possibilité de retenir des infractions liées au travail dissimulé malgré des contextes de détachement. L’arrêt 2025 aligne le contentieux URSSAF (civil) avec ces lignes pénales/sociales : la charge de la preuve du non-assujettissement en France pèse sur l’employeur utilisateur du détachement (production A1 valable).

Impact pratique

Pour les URSSAF : argumentaire sécurisé pour des périodes antérieures au 12/07/2014, lorsque l’employeur étranger ne produit pas d’A1 : redressement pour travail dissimulé maintenu.

Pour les entreprises étrangères / donneurs d’ordres : obligation probatoire renforcée : conserver et produire A1 en cours de validité par salarié, à chaque période contrôlée. À défaut, risque de redressement et contentieux perdus. Légifrance

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Argumentaires alignés sur la 2e civ. 16/10/2025 et la 2e civ. 03/06/2021.

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