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Uber France : pas de préjudice économique sans perte démontrée

Le 02 juin 2025
Uber France : pas de préjudice économique sans perte démontrée
Uber France – UberPop – concurrence déloyale – parasitisme économique – préjudice moral – absence de préjudice économique – Cour de cassation – Cass. com. 9 avril 2025 – article 1240 code civil – jurisprudence concurrence déloyale – responsabilité

1. Résumé succinct

Décision :
Cour de cassation, chambre commerciale, 9 avril 2025, n° 23-22.122, Cassation partielle 

Contexte :
La société Uber France a été assignée par des chauffeurs de taxi pour concurrence déloyale, en raison du lancement du service UberPop (2014–2015) ne respectant pas la réglementation applicable aux transports onéreux.

Impact :
La Cour de cassation écarte l’indemnisation d’un préjudice économique, faute de preuve d’une perte ou d’un gain manqué, et rappelle qu’en pareil cas seul un préjudice moral irréfragablement présumé peut être indemnisé.


2 . Analyse détaillée

Les faits
Uber France a développé le service UberPop entre 2014 et 2015, permettant à des particuliers non professionnels de proposer des trajets rémunérés, sans respecter la réglementation applicable aux taxis et VTC. Des chauffeurs de taxi ont agi en responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale, sollicitant la réparation de préjudices économiques et moraux.

La procédure
Cour d’appel de Paris (4 oct. 2023, n° 21/22383) : condamne Uber France à indemniser 111 chauffeurs de taxi, en retenant à titre principal un préjudice économique, évalué selon l’avantage concurrentiel indûment obtenu.
Pourvoi formé par Uber France : contestation de la méthode d’évaluation et de l’existence même d’un préjudice économique.
Cour de cassation (9 avr. 2025) : cassation partielle sur la réparation du préjudice économique.

Contenu de la décision
Arguments d’Uber France
Le préjudice économique est inexistant, aucun élément ne démontre une perte ou un gain manqué.
L’évaluation du préjudice par l’avantage indu violerait le principe de réparation intégrale (art. 1240 C. civ.).
La croissance du secteur du taxi durant la période UberPop prouve l’absence de dommage chiffrable.

Raisonnement juridique
Rappel de la jurisprudence (Com., 12 févr. 2020, n° 17-31.614) : l’indemnisation par référence à l’avantage indu peut être admise uniquement si le préjudice économique est certain mais difficilement quantifiable.
Principe fondamental : si aucune perte, gain manqué ou perte de chance n’est démontrée, seul un préjudice moral est présumé irréfragablement.

La Cour relève que la cour d’appel a :

reconnu l’absence de perte chiffrée (pas de baisse du CA, clientèle différente, croissance du marché) ;
néanmoins accordé une réparation sur le fondement de l’atteinte au marché (trouble objectif).

Solution retenue
Cassation partielle : la cour d’appel a violé l’article 1240 C. civ. en allouant une indemnité économique alors qu’elle constatait elle-même l’absence de préjudice économique individuel.

Seul un préjudice moral subsiste, indemnisable séparément.

3. Références et articles juridiques
Texte de loi appliqué
Article 1240 du Code civil :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

???? Jurisprudences citées
Com., 12 févr. 2020, n° 17-31.614, publié au Bulletin


Com., 9 févr. 1993, n° 91-12.258, Bull. 1993, IV, n° 53

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La chambre commerciale distingue clairement :

L’existence d’un trouble commercial ou d’un avantage indu, qui n’est pas en soi un préjudice individuel réparable.
Le préjudice économique ne peut être présumé ; il doit être démontré, sauf à ce qu’on soit dans l’impossibilité disproportionnée de le chiffrer.
En l'espèce, les juges du fond constataient l'absence de dommage économique mesurable. Le recours à la méthode du "modèle économique indu" était donc juridiquement exclu.

Conséquences juridiques
Clarification : une simple violation d’une réglementation ne suffit pas à établir un préjudice économique.
La réparation morale est irréfragablement présumée, mais limitée : elle n’ouvre pas droit à l’indemnisation de pertes non prouvées.
Cette décision renforce le principe de réparation intégrale : ni enrichissement injustifié de la victime, ni sanction pécuniaire déguisée.

5. Critique de la décision

La Cour opère une distinction ferme entre préjudice moral (présumé) et économique (preuve exigée). Elle précise les limites d’application de la méthode de l’avantage indu.

Le préjudice économique ne peut être indemnisé que s’il est effectivement subi ou raisonnablement probable, ce qui n’était pas le cas ici. Le seul trouble commercial n'est pas suffisant.


6. Accompagnement juridique

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