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Sanction URSSAF et majoration de retard : revirement sur le contrôle judiciaire

Le 25 avril 2025
Sanction URSSAF et majoration de retard : revirement sur le contrôle judiciaire
URSSAF – majoration de retard – sécurité sociale – sanction administrative – punition – article 6 CEDH – contrôle de proportionnalité – jurisprudence sociale – contribution sociale de solidarité – retard de déclaration – Cassation 2025 – Cour de cassation

1. Résumé succinct

Contexte : La société [nom masqué] avait été sanctionnée par l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur pour retard de déclaration et de paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au titre de l’année 2020. Elle avait sollicité la remise gracieuse des majorations de retard infligées, sans succès.

Juridiction : Cour de cassation, deuxième chambre civile, arrêt du 10 avril 2025 (n° 22-22.815), cassation totale du jugement du TJ de Valenciennes du 9 septembre 2022.

Impact : Revirement majeur – désormais, les juridictions doivent contrôler la proportionnalité des sanctions URSSAF ayant un caractère punitif, au regard de la gravité du manquement commis, en application de l’article 6 §1 CEDH.


2. Analyse détaillée

Les faits
La société cotisante a été mise en demeure de régulariser un retard de déclaration et de paiement de la C3S pour 2020. Elle a sollicité la remise gracieuse des majorations appliquées, lesquelles représentaient un montant total de 25 936 euros, soit deux fois 7,6 % du montant dû. L’URSSAF a partiellement rejeté sa demande. Saisie du litige, la société a évoqué notamment le contexte sanitaire (Covid-19) et des difficultés organisationnelles.

La procédure
1re instance : TJ de Valenciennes (pôle social), 9 sept. 2022 – rejet du recours de la société.
Pourvoi : Moyens articulés sur la disproportion de la sanction au regard du contexte, et l’erreur commise sur la date limite.

Contenu de la décision

Arguments de la société
Invoque l'article L. 123-1 CRPA (premier manquement régularisé).
Conteste la proportionnalité des majorations de retard, en application de l’article 6 §1 CEDH, compte tenu du retard limité (25 jours) et du contexte pandémique.

Raisonnement de la Cour
L’article L.123-1 CRPA est inapplicable aux retards de déclaration, considérés comme non régularisables.
En revanche, s’agissant des sanctions pécuniaires prononcées par un organisme de sécurité sociale, la Cour opère une distinction essentielle :

Majoration "déclarative" (art. L.137-36 CSS) : a un caractère punitif → doit faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité par le juge.
Majoration "de paiement" (art. L.137-37 CSS) : a un caractère réparateur → ne nécessite pas ce contrôle.

Solution retenue
Cassation totale du jugement du TJ de Valenciennes pour défaut de contrôle de proportionnalité de la majoration pénale.
Renvoi devant le tribunal judiciaire de Lille.

3. Références et articles juridiques
Références jurisprudentielles


Cass. 2e civ., 10 avr. 2025, n° 22-22.815

CEDH, G.C., 23 nov. 2006, Jussila c. Finlande, n° 73053/01


Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-736 QPC

Textes juridiques cités

Article 6 §1 CEDH :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement... »

Article L. 137-36 du Code de la sécurité sociale :

« Toute omission ou inexactitude constatée dans les déclarations... entraîne l'application d'une majoration dans la limite de 10 %... »

Article L. 137-37 du même code :

« Le non-paiement dans les délais entraîne l'application d'une majoration de 10 %... »

Article R. 243-20 CSS (dans sa version issue du décret n° 2019-1050 du 11 oct. 2019) :

« Le cotisant peut formuler une demande gracieuse de remise des majorations de retard... »

Article L. 123-1 du CRPA :

« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle... ne peut faire l'objet d'une sanction pécuniaire... »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour opère ici une distinction normative entre sanction réparatrice et punition, dans une logique conforme à la jurisprudence de la CEDH et au Conseil constitutionnel. Elle abandonne partiellement sa position antérieure qui assimilait toutes les majorations à des obligations de nature civile, sans contrôle de proportionnalité.

Conséquences juridiques

Nouveau standard de contrôle : Les juges du fond doivent désormais apprécier l’adéquation de la sanction URSSAF à la gravité du manquement, au titre des garanties procédurales de l’article 6 CEDH.
Séparation des régimes :

Majoration pour retard de déclaration = punition → contrôle requis.
Majoration pour retard de paiement = réparation → pas de contrôle requis.

5. Critique de la décision

Cette décision modifie fondamentalement l’approche du contentieux URSSAF, introduisant une obligation d’examen circonstancié du juge, ce qui renforce les droits du cotisant.

Elle consacre une protection juridictionnelle accrue, via un revirement jurisprudentiel explicite. Le cotisant n’est plus dans une logique binaire de rejet/acceptation de remise, mais peut faire valoir la disproportion de la sanction.

6. Accompagnement juridique
Pour une analyse personnalisée ou une défense en contentieux URSSAF, faites appel à la SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocat expérimenté à Saint-Nazaire.

Nous vous accompagnons pour :

Faire reconnaître le caractère disproportionné d’une sanction URSSAF.
Obtenir la remise gracieuse partielle ou totale.
Déposer des recours adaptés devant le TJ ou la cour d’appel.

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