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Procès inéquitable : la Roumanie condamnée par la CEDH pour violation du principe d’immédiateté

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Procès inéquitable : la Roumanie condamnée par la CEDH pour violation du principe d’immédiateté
procès équitable – CEDH – article 6 CEDH – principe d’immédiateté – changement de juge – appel pénal – condamnation après relaxe – Roumanie – droits de la défense – jurisprudence CEDH – violation article 6 – réexamen du procès – procédure pénale

1. Résumé succinct

Contexte :

La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par Nicolae-Richard Manolache, un officier de police roumain, condamné en appel pour trafic d’influence après avoir été relaxé en première instance. Il contestait l’iniquité de la procédure d’appel, au motif que les juges ayant statué ne l’avaient pas tous entendu les témoins-clés.

Impact principal :

La CEDH constate la violation de l’article 6 § 1 CEDH en raison d’un manquement au principe d’immédiateté dans le processus de condamnation en appel. Cette décision renforce les exigences de respect de ce principe dans les procédures pénales, en particulier lors de changements dans la composition de la formation de jugement.

 CEDH, 3 juin 2025, Manolache c. Roumanie, n° 7908/17


2. Analyse détaillée

Les faits

Nicolae-Richard Manolache, policier, est accusé par un couple (les époux H.) d’avoir reçu 1 500 € en échange d’une promesse d’emploi non tenue. Plusieurs témoins indirects confirment les dires des plaignants, et des enregistrements téléphoniques sont produits. En première instance, le tribunal prononce la relaxe, retenant que les preuves directes reposaient uniquement sur les déclarations des plaignants.

La procédure

Première instance (4 déc. 2015) : Relaxe pour insuffisance de preuve directe.
Appel : Le parquet fait appel. En cours d’audiences (juin à nov. 2016), la composition de la formation change à deux reprises.
Audience du 2 nov. 2016 : Jugement rendu par deux magistrats dont un seul avait entendu les témoins décisifs (les époux H.).
Condamnation : 3 ans de prison avec sursis.

Contenu de la décision

Arguments du requérant : Violation de l’article 6 § 1 en raison de l’absence d’audition directe par tous les juges de la formation de jugement, alors que les déclarations des époux H. étaient déterminantes.

Arguments du gouvernement : Absence de contestation expresse de la crédibilité des témoins et accès aux transcriptions pour les juges.

Raisonnement de la Cour : La CEDH estime que :

L’audition directe des témoins-clés par tous les juges était indispensable.
La présence d’un seul juge sur deux lors de ces auditions, dans une formation collégiale de deux membres devant statuer à l’unanimité, viole le principe d’immédiateté.

La CEDH rappelle sa jurisprudence (arrêts Cutean, Beraru, Chiper) : obligation de réentendre les témoins lorsqu’un arrêt de condamnation est rendu après une relaxe, surtout si les déclarations en cause sont déterminantes.
Solution retenue : La Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1. Le simple constat de violation suffit pour réparer le dommage moral. 1 750 € sont alloués au titre des frais et dépens.


3. Références et articles juridiques

Texte applicable

Article 6 § 1 CEDH :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Jurisprudence citée par la Cour :
CEDH, Beraru c. Roumanie, n° 40107/04, 18 mars 2014
CEDH, Cutean c. Roumanie, n° 53150/12, 2 décembre 2014
CEDH, Chiper c. Roumanie, n° 22036/10, 27 juin 2017
CEDH, Miron c. Roumanie, n° 37324/16, 5 nov. 2024
CEDH, Moreira Ferreira c. Portugal (n°2) [GC], n° 19867/12, 11 juillet 2017


4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement de la Cour

La CEDH insiste sur :

L’importance de l’immédiateté : chaque juge doit avoir assisté à l’audition des témoins décisifs.

L’impossibilité de compenser cette absence par des transcriptions ou enregistrements, surtout si les témoignages sont controversés ou décisifs.

L’obligation pour la cour d’appel de reprendre les débats si la composition change.

Conséquences juridiques

Renforcement de la protection des droits procéduraux en appel, surtout en matière pénale.

Éventuelle obligation pour les États membres de réviser leur législation ou leur pratique en cas de condamnation.

Réaffirmation du droit à un nouveau procès équitable en cas de condamnation après relaxe.

5. Critique de la décision

Cette décision souligne que la formation de jugement étant collégiale à deux membres, l’absence d’un seul à l’audition des témoins rend la condamnation invalide.

Elle confirme la jurisprudence constante de la CEDH : toute cour d’appel entrant en voie de condamnation doit entendre personnellement les témoins-clés.

6. Accompagnement juridique

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