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Les panneaux photovoltaïques sont des ouvrages de couverture

Le 24 novembre 2022
Les panneaux photovoltaïques sont des ouvrages de couverture
architecte entrepreneur – responsabilité - responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - garantie décennale - domaine d'application - éléments d'équipement du bâtiment – caractérisation – exclusion - cas

Les faits tels que rapportés par la Cour de Cassation sont les suivants et présentés comme suit.

La société BN solaire a confié à la société TCE Solar, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès Axa, l'installation, en toiture d'un bâtiment dont la couverture existante avait été préalablement déposée, d'une unité de production d'énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques fabriqués par la société Scheuten Holding, assurée auprès AIG Europe, équipés de boîtiers de connexion, fournis par une entreprise assurée auprès de Allianz et certifiés par la société Tüv Rheinland LGA Products GMBH assurée auprès de la société HDI Global SE.

La société TCE Solar a sous-traité à la société Santerne Méditerranée, assurée auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, le câblage de l'installation.

La réception des travaux est intervenue le 19 janvier 2011.

Divers incidents de production étant survenus avant la mise en arrêt total de l'installation, le 27 janvier 2012, provoqués par un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion, la société BN solaire a, après expertise, assigné la société TCE Solar, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la société Axa en réparation.

La société Axa a assigné en garantie les sociétés Santerne Méditerranée, Sagena, la société Allianz France IARD, recherchée en sa qualité d'assureur de l'entreprise ayant fourni les boîtiers, et AIG Europe Limited, laquelle a appelé en garantie les sociétés Allianz,Tüv Rheinland et HDI Global SE.

 

La cour d’appel a exclu de la garantie décennale les panneaux photovoltaïques au motif qu’il s’agit d’éléments d’équipement d’un ouvrage sur la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.

 

La réponse de la Cour de cassation s’articule autour des articles 1792 et 1792 – 7 du Code civil

L’article1792 du Code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L’article 1792 – 7 du Code civil énonce que ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

 

Pour une meilleure compréhension des références cités par la Cour de cassation, il convient de rappeler le contenu des articles cités.

L’article 1792 – 2 du Code civil énonce

La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

 

L’article 1792 – 3 du Code civil dispose que les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

 

L’article 1792 – 4 du Code civil dispose que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.

Sont assimilés à des fabricants pour l'application du présent article :

Celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger ;

Celui qui l'a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif.

Pour la cour d’appel, si la mise en place d'une nouvelle couverture de l'immeuble composée de modules photovoltaïques fixés sur des bacs-aciers supportés par les pannes de la charpente participe de la réalisation de l'ouvrage global, dès lors que la nouvelle couverture supporte l'unité de production, les modules photovoltaïques constituent un élément d'équipement dont le vice n'a affecté que la production industrielle d'énergie, sans porter atteinte à la solidité et à la destination de l'ouvrage immobilier.

La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que les panneaux photovoltaïques participaient de la réalisation de l'ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d'étanchéité du bâtiment.

C’est donc il s’agit donc bien d’un ouvrage.

La cour d’appel avait poursuivi en considérant que la couverture remplit son office sans qu'il y ait la moindre atteinte à sa destination, dès lors que la combustion interne des boîtiers de connexion des panneaux photovoltaïques n'avait en l'espèce été suivie d'aucun début d'incendie portant atteinte à la toiture, même si la réalisation d'un tel risque a pu exister.

Là encore l’arrêt est cassé au motif le risque avéré d'incendie de la couverture d'un bâtiment le rend impropre à sa destination. 

Ce qui est important dans cette décision est la qualification d’ouvrage de couverture des panneaux photovoltaïques qui permet d’extraire ce type d’éléments d’équipement du domaine de l’article 1792 – 7 du Code civil qui exclut de la garantie décennale les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage dès lors qu’il compromet la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination.

 

Cass. 3e civ. 21-9-2022 n° 21-20.433 FS-B

https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcc96ed81805da0b013b

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