Du lundi au vendredi de 9h à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Basée à Saint-Nazaire, la SELARL PHILIPPE GONET accompagne les entreprises en difficulté, leurs dirigeants et leurs partenaires financiers dans les litiges complexes mêlant contrats commerciaux, affacturage, procédures collectives et fiscalité (TVA sur créances irrécouvrables, recours contre les factors, recouvrement de créances).
En s’appuyant sur une pratique contentieuse et une veille jurisprudentielle constante, le cabinet intervient tant en conseil qu’en représentation devant les juridictions commerciales et civiles, y compris dans des dossiers impliquant des contrats d’affacturage ou des conflits avec l’administration fiscale. Cour de Cassation
1. Résumé
1.1 Parties impliquées
Demanderesse au pourvoi :
Société Pro living group, SAS (anciennement Pro living), adhérente à un contrat d’affacturage, cédant ses créances commerciales à un factor. Cour de Cassation
Défenderesse au pourvoi :
Société générale factoring, SA, affactureur (anciennement Compagnie générale d’affacturage). Cour de Cassation
Tiers en toile de fond :
Société Alinéa, débitrice cédée, placée successivement en redressement puis en liquidation judiciaires.
1.2 Juridiction
Juridiction : Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique Arrêt n° 527 F-B du 22 octobre 2025 N° de pourvoi : 24-19.201
Décision attaquée : CA Paris, pôle 5, ch. 6, 19 juin 2024, n° 22/11457 Cour de Cassation
1.3 Nature du litige
Litige de droit bancaire et commercial : un affactureur, ayant payé des créances cédées TTC (prix + TVA), réclame à l’adhérent cédant le montant de la TVA que celui-ci a ultérieurement récupérée auprès de l’administration fiscale au titre des créances devenues irrécouvrables (article 272 CGI, ex-272-1).
L’enjeu : déterminer si la subrogation conventionnelle attachée au contrat d’affacturage confère à l’affactureur un droit d’action direct contre le cédant pour obtenir la restitution de la TVA remboursée par le Trésor public.
1.4 Effet direct de la décision
La Cour de cassation décide que :
L’affactureur, simple subrogé dans la créance cédée, ne devient pas redevable de la TVA auprès de l’État et ne peut, sauf clause contractuelle expresse, réclamer à l’adhérent la TVA remboursée à ce dernier au titre des créances irrécouvrables.
Conséquence pratique :
Sans stipulation contractuelle spécifique, le factor supporte la perte liée à la TVA sur les créances irrécouvrables : il ne peut pas en exiger la rétrocession de l’adhérent.
Les contrats d’affacturage doivent donc être renégociés et sécurisés, au besoin, par des clauses dédiées à la TVA irrécouvrable.
2. Analyse détaillée : faits, procédure, motivation
2.1 Les faits : chronologie complète
5 juillet 2018
La Compagnie générale d’affacturage, devenue Société générale factoring, conclut un contrat d’affacturage avec la société Pro living (devenue Pro living group).
Pro living cède au factor des créances sur la société Alinéa, matérialisées par des factures comprenant la TVA.
Échéance des factures
Les factures sur Alinéa ne sont pas réglées à leur échéance.
Le factor a déjà payé à l’adhérent le montant TTC des factures cédées, assumant ainsi le financement (y compris la TVA).
13 mai 2020 : redressement judiciaire d’Alinéa
La société Alinéa est placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 8 octobre 2020.
Les créances cédées deviennent, in fine, irrécouvrables.
21 juin 2021 : certificat d’irrécouvrabilité
Le liquidateur d’Alinéa délivre un certificat d’irrécouvrabilité, indiquant qu’en application de l’article 272 CGI, la TVA versée au Trésor public par l’adhérent peut être récupérée. Légifrance
Demande de restitution de la TVA irrécouvrable
Sur la base de ce certificat, la société Pro living sollicite auprès de l’administration fiscale la restitution de la TVA afférente aux factures impayées (mécanisme de TVA sur créances irrécouvrables).
L’administration fait droit à la demande et crédite le compte fiscal de la société Pro living group. Légifrance
Action en paiement de l’affactureur
Estimant avoir financé non seulement le prix hors taxe mais aussi la TVA, l’affactureur revendique le montant de la TVA remboursée à Pro living.
Il assigne l’adhérent en paiement d’une somme équivalente au montant de cette TVA, sur le fondement de la subrogation résultant du contrat d’affacturage.
2.2 La procédure
Première instance : la décision de première instance n’est pas détaillée dans l’arrêt de cassation ; seules les constatations de la cour d’appel sont connues.
Cour d’appel de Paris (19 juin 2024) :
La cour d’appel considère que, « par l’effet de la subrogation résultant du contrat d’affacturage », le factor dispose d’un droit d’action contre l’adhérent pour le montant exact payé, TVA comprise.
Elle condamne Pro living group à payer à Société générale factoring une somme équivalente à la TVA remboursée par l’administration fiscale.
Pourvoi en cassation :
Pro living group se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en invoquant notamment une mauvaise application des règles de la subrogation et du régime fiscal de la TVA irrécouvrable.
2.3 Les arguments des parties
2.3.1 Argument principal de l’adhérent (Pro living group)
La subrogation conventionnelle ne confère au factor que les droits que le créancier initial (l’adhérent) détenait contre le débiteur cédé (Alinéa).
Elle ne crée aucune action directe contre le créancier initial pour des flux qui interviennent postérieurement à la cession (ici : le remboursement de TVA par l’État au redevable légal).
Le remboursement de TVA constitue un droit fiscal propre du redevable (Pro living), non un accessoire de la créance cédée susceptible de passer au subrogé. Légifrance
2.3.2 Argument de l’affactureur (Société générale factoring)
L’affactureur soutient au contraire que :
En ayant payé à l’adhérent le montant TTC des factures, il a financé la créance dans son intégralité, TVA comprise ;
Par l’effet de la subrogation prévue au contrat, il dispose d’un droit d’action contre l’adhérent pour récupérer tout ce qu’il a payé, y compris la fraction correspondant à la TVA.
2.4 Le raisonnement de la cour d’appel
La cour d’appel retient que :
La subrogation conférée par le contrat d’affacturage transmet au factor l’ensemble des droits du cédant sur la créance,
Ce qui lui permettrait d’agir contre l’adhérent pour le montant exact financé, incluant la TVA.
Elle assimile implicitement :
La TVA financée par l’affactureur à un accessoire de la créance cédée,
Et le remboursement de cette TVA à un simple flux de restitution qui devrait logiquement revenir à celui qui a supporté la charge économique initiale (le factor).
2.5 Le contenu de la décision de la Cour de cassation
2.5.1 Textes appliqués
La Cour vise et combine :
Article 1346-1 du code civil (subrogation conventionnelle à l’initiative du créancier)
Article 1346-4 du code civil (effets de la subrogation : transmission de la créance et de ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier)
Article 269 CGI (fait générateur de la TVA : livraison du bien ou réalisation de la prestation)
Article 272 CGI (TVA sur créances irrécouvrables : imputation ou restitution au profit du redevable légal, sous réserve de la rectification de la facture)
2.5.2 Principe dégagé
De la combinaison de ces textes, la Cour énonce, en substance, que :
Le paiement par un affactureur d’une facture incluant la TVA le subroge dans les droits du créancier à l’égard du débiteur cédé (il récupère la créance TTC et ses accessoires).
Mais ce paiement ne fait pas de l’affactureur le redevable légal de la TVA auprès de l’État : il ne devient pas assujetti de la taxe uniquement parce qu’il a financé son montant.
Dès lors que les créances deviennent définitivement irrécouvrables et que le redevable initial (Pro living) obtient un remboursement de TVA sur le fondement de l’article 272 CGI, l’affactureur n’est pas, en principe, fondé à lui réclamer cette taxe,
Sauf clause contraire expresse du contrat d’affacturage prévoyant une affectation ou une rétrocession de la TVA remboursée au profit du factor.
2.5.3 Application au litige
La cour d’appel avait considéré que la subrogation conférait au factor un droit d’action contre l’adhérent pour le montant exact financé, TVA comprise.
En retenant une telle solution, elle a méconnu la distinction entre :
la créance civile cédée (contre Alinéa), objet de la subrogation,
et le droit fiscal personnel du redevable à obtenir restitution de la TVA irrécouvrable.
La Cour casse donc en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel, renvoie l’affaire devant une autre composition de la cour d’appel de Paris et :
Condamne la Société générale factoring aux dépens,
La condamne à payer à Pro living group 3 000 € sur le fondement de l’article 700 CPC.
3. Références juridiques
3.1 Décision commentée
Cass. com., 22 oct. 2025, n° 24-19.201, Pro living group c/ Société générale factoring
3.2 Jurisprudence antérieure et parallèle
Subrogation et droits attachés à la personne du créancier
Cass. 1re civ., 4 avr. 2024, n° 22-23.040, publié au Bulletin (Interfimo) :
La Cour rappelle que la subrogation transmet la créance et ses accessoires « à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier », incluant la faculté de prononcer la déchéance du terme.
TVA irrécouvrable et maintien de la dette civile
Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-66.836, inédit :
La Cour juge que les règles fiscales de remboursement de TVA sur factures impayées ne permettent pas au débiteur de considérer que l’État a payé sa dette ; le débiteur reste tenu malgré l’application de l’article 272-1 CGI.
Droit à restitution de TVA irrécouvrable : redevable légal uniquement
CE, 11 oct. 1991, n° 65985, Société Sorib :
Le Conseil d’État refuse à un commissionnaire « ducroire » la possibilité de se prévaloir de l’article 272-1 CGI : seul le redevable légal de la taxe peut bénéficier du mécanisme de restitution.
Conditions de la TVA sur créances irrécouvrables
CE, 28 juil. 2011, n° 318872, Société Myrys :
Le Conseil d’État rappelle les conditions strictes d’application de l’article 272 CGI (irrécouvrabilité avérée, rectification de la facture, imputation ou restitution au bénéfice du redevable légal).
3.3 Textes légaux applicables (versions au moment des faits)
Code civil – Sous-section 4 « Le paiement avec subrogation » :
Article 1346-1 C. civ. (version en vigueur depuis le 1er oct. 2016) :
La subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier, qui subroge le payeur dans ses droits contre le débiteur, la subrogation devant être expresse.
Article 1346-4 C. civ. (version en vigueur depuis le 1er oct. 2016) :
La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires, à l’exclusion des droits exclusivement attachés à la personne du créancier. Légifrance
Code général des impôts – TVA :
Article 269 CGI (version en vigueur depuis le 1er janv. 2023, sans incidence sur les principes antérieurs) :
Le fait générateur de la TVA intervient au moment de la livraison du bien ou de l’exécution de la prestation.
Article 272 CGI (version en vigueur depuis le 1er janv. 2016) :
Prévoit, notamment, que lorsque la taxe a été acquittée et que les créances correspondantes deviennent irrécouvrables, la TVA peut être imputée ou restituée au profit du redevable légal, sous réserve de la rectification de la facture.
4. Analyse juridique approfondie
4.1 La nature du droit à restitution de TVA irrécouvrable
La restitution ou l’imputation de la TVA sur créance irrécouvrable est un droit fiscal propre du redevable légal :
C’est l’assujetti qui a collecté et versé la taxe au Trésor qui peut en demander la restitution lorsque la créance devient irrécouvrable.
Ce droit ne dérive pas de la créance civile elle-même, mais de la qualité d’assujetti à la TVA et du rapport fiscal avec l’État.
En conséquence, le droit à restitution ne saurait être considéré comme un simple accessoire de la créance commerciale cédée.
4.2 Subrogation de l’affactureur : un transfert limité aux droits contre le débiteur cédé
En matière d’affacturage :
Le factor paie à l’adhérent le montant de la créance, souvent TTC, et se trouve subrogé dans les droits du cédant contre le débiteur (Alinéa).
La subrogation ne lui transmet que :
la créance principale (prix + TVA facturée au débiteur),
ses accessoires civils (intérêts, garanties réelles, etc.),
mais pas les droits exclusivement attachés à la personne du créancier, au sens de l’article 1346-4 C. civ.
Le droit de demander la restitution de la TVA à l’État n’est pas un accessoire de la créance, mais un droit public subjectif rattaché au statut fiscal du redevable. Il reste donc attaché à l’adhérent.
4.3 Alignement avec la jurisprudence antérieure
La solution de la Cour de cassation s’inscrit dans une double continuité :
Avec le Conseil d’État (Société Sorib, 1991 ; Myrys, 2011) :
Le Conseil d’État a déjà jugé que seul le redevable légal peut invoquer le mécanisme de l’article 272 (ex-272-1) CGI, même lorsqu’un tiers (commissionnaire « ducroire » ou assimilé) supporte économiquement la facture impayée.
Avec la jurisprudence civile sur la subrogation :
La 1re chambre civile (4 avr. 2024, Interfimo) a rappelé que la subrogation ne transmet pas les droits exclusivement attachés à la personne du créancier, confirmant une conception restrictive de l’« accessoire » transmissible.
En croisant ces deux lignes, l’arrêt du 22 octobre 2025 :
confirme que l’affactureur n’endosse pas la qualité de redevable de la TVA du seul fait du financement de la créance, et que la restitution de TVA demeure, par principe, un avantage fiscal du cédant, sauf stipulation contractuelle contraire.
4.4 Conséquences pratiques pour les contrats d’affacturage
Pour les factors :
Sans clause dédiée, le factor supporte définitivement la charge de la TVA sur les créances irrécouvrables.
Les contrats d’affacturage doivent être revus pour envisager :
des clauses de rétrocession des remboursements de TVA au profit du factor ;
ou des mécanismes de réajustement de compte (« clause TVA ») en cas de restitution ultérieure au cédant.
Pour les entreprises adhérentes :
L’arrêt sécurise la possibilité de conserver la restitution de TVA lorsque le contrat d’affacturage est muet sur ce point.
En situation de procédure collective, la restitution de TVA revient à la masse et peut contribuer à améliorer le passif ou à financer la poursuite d’activité.
4.5 Articulation TVA / affacturage : une frontière claire entre civil et fiscal
On peut résumer la construction jurisprudentielle ainsi :
Plan civil : la subrogation opère un transfert de créance entre cédant et factor, dans les limites fixées par les articles 1346-1 et 1346-4 C. civ.
Plan fiscal : la TVA reste gouvernée par le rapport direct entre le redevable et l’administration, indépendamment de la cession de créance ; l’article 272 CGI ne bénéficie qu’à cet assujetti.
L’arrêt contribue à éviter une « confusion des plans » dans les contentieux d’affacturage, en empêchant l’affactureur de se faire restituer indirectement une TVA qu’il n’a jamais été tenu de déclarer ou de reverser à l’État.
5. Critique de la décision
La solution de la Cour de cassation est cohérente avec la structure des textes :
elle protège la logique propre du droit fiscal,
tout en respectant la conception stricte des effets de la subrogation.
On peut regretter que la Cour ne précise pas davantage ce qu’elle entend par « stipulation contraire du contrat d’affacturage », laissant aux praticiens et aux juges du fond le soin de tracer les limites (clauses de rétrocession, clauses d’ajustement de prix, etc.).
Trois idées-clés à retenir :
Le factor ne devient pas redevable de la TVA du seul fait de l’affacturage.
La restitution de TVA irrécouvrable profite au redevable légal, sauf clause contractuelle expresse.
Les contrats d’affacturage doivent intégrer, s’ils le souhaitent, une ingénierie contractuelle spécifique sur la TVA (clause de partage ou de rétrocession).
6. Accompagnement personnalisé par la SELARL PHILIPPE GONET
Dans ce type de dossier, la SELARL PHILIPPE GONET peut :
Analyser vos contrats d’affacturage : clauses de subrogation, de garantie, de rétrocession de TVA, conditions financières en cas d’impayés ou de procédure collective.
Vous assister dans vos litiges avec les factors ou avec l’administration fiscale :
contestation de demandes de rétrocession de TVA,
articulation entre créances cédées et masse passive en redressement ou liquidation judiciaire,
recours contre les décisions de refus de restitution de TVA.
Épauler les dirigeants d’entreprise et les mandataires (administrateurs/mandataires judiciaires) pour sécuriser les flux de TVA dans les plans de sauvegarde, de redressement ou de liquidation.
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit commercial