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1. Résumé succinct
Parties : M. [U] [Y] (dit « mandataire d’assuré ») c/ Conseil national des barreaux (CNB) et Ordre des avocats au barreau de Marseille. Légifrance
Juridiction: Cour de cassation, deuxième chambre civile, 7 mai 2025, n° 23-21.455,
Nature du litige : action en référé pour faire cesser un trouble manifestement illicite (art. 835 CPC) tenant à l’exercice, à titre habituel et rémunéré, d’une activité de consultations juridiques et de rédaction d’actes par un non-avocat au cours de la procédure d’offre obligatoire (L. 211-9 s. C. assur.)
Effet direct sur la pratique et la jurisprudence : confirmation, publiée au Bulletin et portée par la 2e civ., d’une ligne jurisprudentielle (1re civ. 2015-2017-2019) : seuls les professionnels du droit (ou professions assimilées par la loi 1971) peuvent assister la victime pendant la phase amiable si l’assistance comporte du conseil juridique. La notice A. 211-11 ne saurait l’autoriser.
2. Analyse détaillée
Les faits (chronologie)
Activité : M. [Y] exerce en qualité de « mandataire d’assuré ». Les mandats et les pièces révèlent qu’il représente les victimes dans la procédure d’indemnisation, reçoit/émet les correspondances, négocie les offres, oriente les expertises amiables, analyse les rapports, conseille ses clients sur les suites et peut accepter/refuser des offres, percevoir des règlements.
Problème juridique : ces interventions constituent-elles des consultations juridiques et/ou de la rédaction d’actes (au sens de la loi n° 71-1130, art. 54) réservées aux professionnels habilités ?
La procédure
Référé (TJ) : le CNB et l’Ordre de Marseille saisissent le juge des référés pour faire défense à M. [Y] d’exercer des consultations juridiques/rédactions d’actes à titre habituel et rémunéré.
Appel (CA Nîmes, 7 juil. 2023) : la cour confirme (ou retient) la défense de se livrer à ces activités sous astreinte de 1 000 € par infraction pendant 9 mois.
Cassation (Civ. 2e, 7 mai 2025) : rejet du pourvoi de M. [Y].
Contenu de la décision (moyens, raisonnement, solution)
Moyen du pourvoi (synthèse) : M. [Y] soutenait que ses interventions (appréciation des postes de préjudice, contre-propositions, pilotage d’expertises) ne relevaient pas d’une consultation juridique au sens de l’art. 54 loi 1971, invoquant aussi l’annexe de la notice A. 211-11 (conseils utiles : « toute personne de son choix ») et l’art. 835 CPC. La 2e civ. écarte sans motivation spéciale la seconde branche (art. 1014 CPC). Légifrance
Raisonnement
Référé – trouble manifestement illicite : le président du TJ peut prescrire en référé des mesures pour faire cesser un trouble manifestement illicite (art. 835 CPC).
Cadre “Badinter” – information sur l’avocat : dès l’ouverture de la procédure d’offre obligatoire, l’assureur doit informer la victime qu’elle peut se faire assister par un avocat (L. 211-10), et joindre la notice (R. 211-39/A. 211-11).
Portée de la notice A. 211-11 : même si le modèle-type (arrêté du 20 nov. 1987) indique, au titre des « conseils utiles », que la victime peut confier la défense de ses intérêts à toute personne de son choix, ces dispositions réglementaires n’autorisent pas un tiers non-professionnel du droit à exercer habituellement et contre rémunération une assistance comportant du conseil juridique pendant la phase amiable. Primauté de l’art. 54 loi 1971.
Qualification des actes : la cour d’appel a constaté des actes dépassant la simple gestion administrative (analyses juridiques, négociation/contre-offres, direction d’expertises, conseils personnalisés sur les suites) ; elle a exactement déduit qu’il s’agissait d’une activité de conseil juridique exercée à titre principal, habituel et rémunéré, illicite pour un non-habilité.
Solution : rejet ; interdiction maintenue sous astreinte ; article 700 : M. [Y] condamné à verser 3 000 € au CNB et à l’Ordre.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. civ. 2e, 7 mai 2025, n° 23-21.455 (rejet), publié au Bulletin
Cass. civ. 1re, 25 janv. 2017, n° 15-26.353 (rejet), Bull. 2017 I n° 19
(Confirme l’obligation d’information sur l’assistance par avocat dès l’ouverture de la procédure et la portée de la notice.)
Cass. civ. 1re, 9 déc. 2015, n° 14-24.268 (rejet), Bull. 2015 I n° 310
Cass. civ. 1re, 17 févr. 2016, n° 14-26.342 (rejet), publié au Bulletin
Cass. civ. 1re, 25 sept. 2019, n° 19-13.413 (QPC – non-lieu à renvoi), publié au Bulletin
(La limitation aux professionnels du droit est justifiée et proportionnée au regard de la Constitution.) Légifrance
Cass. civ. 1re, 15 nov. 2010, n° 09-66.319 (cassation partielle), Bull. 2010 I n° 230
(Rappelle les limites de la pratique du droit “à titre accessoire”.) Légifrance
NB : la page Légifrance de l’arrêt du 7 mai 2025 recense elle-même ces précédents dans sa rubrique « Précédents jurisprudentiels ».
3.2 Textes légaux
Art. 54 de la loi n° 71-1130 du 31 déc. 1971 (version en vigueur) :
« Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : […] ».
Art. L. 211-10 C. assur. :
« À l’occasion de sa première correspondance avec la victime, l’assureur est tenu, à peine de nullité relative de la transaction qui pourrait intervenir, […] de lui rappeler qu’elle peut à son libre choix se faire assister d’un avocat […] ».
Art. R. 211-39 C. assur. :
« La correspondance adressée par l’assureur […] mentionne, outre les informations prévues à l’article L. 211-10, […]. Cette correspondance est accompagnée d’une notice relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation […]. »
Art. A. 211-11 C. assur. (chapeau) :
« La notice relative à l’information des victimes prévue à l’article R. 211-39 doit comporter les indications figurant dans le modèle type annexé au présent article. »
Art. 835 CPC (extrait) :
« [Le président du TJ] peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures […] pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »
Art. 1014 CPC (version applicable en 2025 avant réforme du 18-07-2025) :
« Après le dépôt des mémoires, [la formation] décide qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée lorsque le pourvoi est irrecevable ou lorsqu’il n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. »
4. Analyse juridique approfondie
Principe consolidé — La 2e civ. transpose à la matière des accidents de la circulation, et publie au Bulletin, une solution déjà stabilisée par la 1re civ. : pendant la phase amiable “Badinter”, l’“assistance” de la victime n’est pas libre si elle implique du conseil juridique ; elle est réservée aux professionnels du droit (avocats notamment) ou professions assimilées (au sens de la loi 1971). La notice A. 211-11 ne peut étendre ces prérogatives : elle informe mais n’autorise pas.
Qualification des actes — Sont des consultations juridiques les avis personnalisés sur une situation soulevant des difficultés juridiques et indiquant les voies possibles (définition déjà admise en 1re civ.). L’arrêt retient des analyses, contre-propositions, orientations d’expertises, conseils et décisions : l’activité excède une simple gestion technique et bascule dans le conseil juridique.
Voie procédurale — L’art. 835 CPC permet, même en cas de contestation sérieuse, de faire cesser en référé le trouble manifestement illicite que constitue l’exercice illicite d’une activité réservée (ici, la pratique du droit à titre principal). La 2e civ. valide la mesure d’interdiction sous astreinte.
Articulation avec la QPC 2019 — La 1re civ. a jugé non sérieuse la QPC contestant la combinaison L. 211-10 C. assur. / art. 54 loi 1971 : la restriction à la liberté d’entreprendre est justifiée par la protection des droits de la défense (art. 16 C°). Le présent arrêt réaffirme cette lecture.
Impact pratique
Victimes / familles : prendre dès l’amiable un avocat choisi (coût potentiellement pris en charge, p.ex. par une PJ). L’assistance par des tiers « mandataires d’assurés » n’est licite que si elle reste administrative/technique, sans conseil juridique.
Assureurs : veiller au respect formel de L. 211-10 et à l’envoi de la notice (R. 211-39/A. 211-11). Une transaction exposée sans ces informations est fragile (nullité).
Intervenants “non-juristes” (experts d’assuré, cabinets d’aide aux victimes, “mandataires”) : risque contentieux élevé (interdictions sous astreinte en référé) si l’activité dépasse l’administratif ; nécessité de s’adosser à un avocat pour tout conseil et toute négociation juridique.
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Sécuriser vos dossiers “Badinter” (mise en conformité L. 211-10/R. 211-39/A. 211-11, audit des offres, stratégies d’amiable assisté par avocat).
Intervenir en référé (art. 835 CPC) pour faire cesser l’exercice illicite d’une activité réservée ou protéger vos droits.
Piloter votre contentieux (travail, construction, immobilier, droit public).
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