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1. Résumé succinct
Parties :
• Demanderesse au pourvoi : SAS TMR International Consultant (agence de voyages)
• Défenderesse : Costa Crociere S.p.A. (organisateur de croisière)
• Voyageur concerné : M. [O] (client TMR)
Juridiction : Cour de cassation, 1re civ., 9 juill. 2025, n° 24-10.629 (ECLI:FR:CCASS:2025:C100388) – solution : rejet – FS-D – inédit au Bull. Légifrance
Nature du litige : Remboursement d’un voyage à forfait (croisière du 22 au 28 oct. 2020) annulé pour circonstances exceptionnelles et inévitables (Covid-19) ; recours de l’agence contre l’organisateur (appel en garantie).
Effet direct sur la pratique/jurisprudence : La 1re civ. pose désormais que le recours de l’agence contre l’organisateur n’est pas subordonné à la preuve d’une faute (évolution par rapport à une lecture fondée sur la faute) mais précise qu’en présence d’une annulation pour circonstances exceptionnelles + accord de remboursement déjà intervenu, la demande de l’agence est rejetée.
2. Analyse détaillée
Les faits
3 sept. 2020 : Avenant d’organisation des croisières entre TMR / Costa / Tartacover (groupe de TMR).
16 oct. 2020 : Costa annule la croisière TMR3 (prévue 22–28 oct. 2020) en raison de la crise Covid-19.
2 avr. 2021 : Accord entre les mêmes sociétés : Costa restitue 4 294 680 € à Tartacover au titre des croisières interrompues/annulées.
26 sept. 2022 : M. [O] assigne TMR en remboursement du prix. TMR appelle Costa en garantie.
La procédure
TJ Marseille (pôle de proximité), 8 juin 2023 : Accueil de la demande de M. [O] ; rejet de l’appel en garantie de TMR contre Costa.
Pourvoi TMR : un moyen unique (plusieurs branches) visant l’art. L.211-16 C. tourisme (droit de recours) et un défaut de réponse (art. 455 CPC).
Cassation (1re civ.), 9 juill. 2025 : Rejet du pourvoi ; substitution de motifs de pur droit (art. 620 et 1015 CPC).
Contenu de la décision
Arguments des parties
TMR :
Sur L.211-16 C. tourisme : l’agence, tenue de rembourser le voyageur, peut se retourner contre le « tiers » ayant contribué au fait générateur ; Costa devrait répondre en garantie.
Défaut de réponse : faute de Costa au regard de sa communication sanitaire (RINA Bio Safety Trust, FAQ Covid) rendant disproportionnée l’annulation pour deux cas présumés positifs.
Raisonnement de la Cour
Régime “circonstances exceptionnelles et inévitables”
Rappelle L.211-14, III, 2° C. tourisme (transposant art. 12 §3 b) Dir. (UE) 2015/2302) : l’organisateur/détaillant peut résoudre sans indemnité supplémentaire si empêché par des circonstances exceptionnelles et en notifiant sans tarder ; seule l’intégralité du remboursement est due.
Covid-19 est, en tant que telle, une circonstance exceptionnelle et inévitable (CJUE, UFC-Que Choisir/CLCV, 8 juin 2023, C-407/21, pt 45) et peut empêcher l’exécution du contrat, même si l’exécution n’est pas objectivement impossible (CJUE, 4 oct. 2024, C-546/22, pt 50).
R.211-10 C. tourisme : l’organisateur ou le détaillant procède au remboursement requis par L.211-14 III 2°. => Le voyageur a droit au remboursement, sans dommages-intérêts supplémentaires ; l’agence et l’organisateur sont tous deux tenus au remboursement.
Responsabilité de plein droit & recours de l’agence
L.211-16 I al. 1 : le professionnel vendant un forfait est responsable de plein droit, « sans préjudice de son droit de recours ». Le texte ne fixe pas les conditions de ce recours. Légifrance
La Cour rappelle un précédent où l’agence ayant indemnisé une passagère pouvait agir en garantie contre l’organisateur à charge pour elle de prouver la faute (Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 02-15.940). Mais elle évolue : « il y a lieu de juger désormais que ce recours n’est pas soumis à l’exigence d’une faute ». Légifrance
Répartition entre co-responsables sans faute : en droit commun, contribution à parts égales (Cass. 1re civ., 26 nov. 2014, n° 13-18.819 ; 10 avr. 2013, n° 12-14.219). Légifrance+1
Application au cas d’espèce
Le TJ a constaté des circonstances exceptionnelles et inévitables justifiant la résolution par Costa au 16 oct. 2020, ouvrant uniquement droit au remboursement de M. [O], sans indemnité.
Un accord du 2 avr. 2021 a réglé le remboursement des sommes perçues par Costa pour les prestations annulées/interrompues.
Conséquence : la demande de TMR en paiement contre Costa ne peut qu’être rejetée (motifs de pur droit substitués – art. 620 CPC ; pas de renvoi préjudiciel CJUE).
Dispositif : Rejet du pourvoi ; dépens contre TMR ; art. 700 CPC : rejet des demandes.
3.Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. 1re civ., 9 juill. 2025, n° 24-10.629 (Rejet)
CJUE, 8 juin 2023, C-407/21, UFC-Que Choisir & CLCV (pt 45 – Covid = « circonstances exceptionnelles »)
CJUE, 4 oct. 2024, C-546/22, GF (pt 50 – empêchement d’exécuter même sans impossibilité objective)
Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 02-15.940 (recours de l’agence contre l’organisateur – ancien régime fondé sur la faute)
Cass. 1re civ., 26 nov. 2014, n° 13-18.819 (contribution à la dette entre responsables sans faute – principe d’égalité)
Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 12-14.219 (principe de partage – confirmation)
3.2 Textes légaux
Code du tourisme, art. L.211-14, III, 2°
« L'organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat […] s'il est empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution […] dans les meilleurs délais avant le début du voyage […] ; dans ce cas, il n'est pas tenu à une indemnisation supplémentaire. »
Code du tourisme, art. R.211-10
« L'organisateur ou le détaillant procède aux remboursements requis en vertu du 2° du III de l'article L.211-14 […] »
Code du tourisme, art. L.211-16, I, al. 1
« Le professionnel qui vend un forfait touristique […] est responsable de plein droit […] sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. »
CPC, art. 1014, al. 2 (décision non spécialement motivée) – version en vigueur au 01/09/2025 (décr. 2025-660) :
CPC, art. 620 (substitution de motifs de pur droit)
Directive (UE) 2015/2302 du 25 nov. 2015 (voyages à forfait)
4. Analyse juridique approfondie
a) Portée du raisonnement
Bloc “force majeure voyage” harmonisé UE : la Cour articule L.211-14 III 2° (transposition art. 12 §3 b) Dir. 2015/2302) avec la jurisprudence CJUE :
• UFC-Que Choisir (C-407/21) : Covid-19 = circonstance exceptionnelle par elle-même ;
• GF (C-546/22) : il suffit que l’événement empêche l’exécution, même sans impossibilité objective. => Annulation notifiée à temps = remboursement intégral, pas d’indemnité.
Recours interne agence/organisateur — évolution :
• Avant : la 1re civ. 15 mars 2005 (02-15.940) admettait le recours mais chargeait l’agence de prouver la faute de l’organisateur.
• Maintenant : la Cour “juge désormais” que le recours n’est pas soumis à l’exigence d’une faute — logique car agence et organisateur supportent la même responsabilité de plein droit vis-à-vis du voyageur ; donc inutile de faire dépendre le régime du recours du choix procédural du voyageur (qui assigne l’un ou l’autre). Fondement supplétoire : répartition à parts égales entre co-responsables sans faute (1re civ. 26 nov. 2014 ; 10 avr. 2013). Légifrance+1
Conséquence pratique :
Principe : l’agence qui a désintéressé le voyageur peut réclamer à l’organisateur :
• les sommes qu’il a reçues pour des prestations non exécutées ;
• éventuels dommages-intérêts seulement si l’annulation a été tardive (notification non conforme).
Exception illustrée : si un accord postérieur (ici 2 avr. 2021) a déjà organisé la restitution par l’organisateur, la demande complémentaire de l’agence échoue.
b) Intégration dans la construction jurisprudentielle
Alignement UE/national : l’arrêt sécurise la grille d’analyse Covid dans les forfaits (remboursement sans indemnité si annulation notifiée « dans les meilleurs délais »), en référant expressément aux arrêts CJUE 2023 et 2024.
Clarification du “recours” : passage d’une logique de faute (2005) à une logique de contribution sans faute entre co-responsables de plein droit, ce qui stabilise le contentieux agence/organisateur lors d’annulations massives.
5. Accompagnement personnalisé
Pour sécuriser vos pratiques “forfaits” (conditions d’annulation, clauses de notification “dans les meilleurs délais”, matrices de remboursement, conventions agence/organisateur/affrètement, modèles d’accords de restitution/compensation), la SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer et mettre à jour vos CGV et process d’annulation ;
Modéliser le recours interne agence/organisateur sans faute ;
Gérer vos contentieux (remboursements, appels en garantie, actions récursoires)
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