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Devoir d’information précontractuelle : la Cour de cassation précise sa portée

Hier
Devoir d’information précontractuelle : la Cour de cassation précise sa portée
devoir d’information précontractuelle – article 1112-1 code civil – dol – cession de parts sociales – activité de restauration rapide – clause essentielle – consentement – arrêt Cass. com. 14 mai 2025 – Cour de cassation – manquement contractuel

1. Résumé succinct

Contexte

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 mai 2025 (n° 23-17.948) statue sur le manquement au devoir d'information précontractuelle dans le cadre d'une cession de parts sociales d’une société de restauration rapide. Le litige oppose M. [T] et la société [4] à M. [M], cédant.

Impact

La Cour confirme la délimitation stricte du devoir d'information précontractuelle fondé sur l’article 1112-1 du code civil, en précisant que seules les informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contrat et dont l'importance est déterminante pour le consentement doivent être communiquées. L'arrêt s'inscrit dans une tendance jurisprudentielle de recentrage du devoir d’information.


2. Analyse détaillée

Les faits

Le 18 septembre 2018, M. [M] cède à M. [T] l'intégralité des parts sociales de la société [4], exploitant un fonds de commerce de restauration rapide dans un local loué. En 2020, M. [T] découvre que le local ne permet pas l'installation d’un système de friture, notamment à cause de restrictions liées à la copropriété et à l’opposition des copropriétaires. Il assigne le cédant en indemnisation pour dol, invoquant un défaut d'information précontractuelle.

La procédure

Cour d’appel de Reims, 2 mai 2023 : rejette les demandes de M. [T] et de la société.
Cour de cassation, 14 mai 2025 : rejet du pourvoi, décision publiée au Bulletin.

Les arguments des parties

Les demandeurs (M. [T] et la société [4]) invoquent une violation de l’article 1112-1 du code civil en quatre branches :

La friture étant nécessaire à l’activité, son interdiction aurait dû être révélée.

Le règlement de copropriété et les restrictions d’équipement sont déterminants.

L’aménagement inadéquat du local (notamment la hotte) aurait été dissimulé.

Inversion de la charge de la preuve : c’était au cédant de prouver l’information donnée.

Le raisonnement de la Cour

La Cour rappelle que :

« Le devoir d'information précontractuelle […] ne porte que sur les informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie »
(Cass. com., 14 mai 2025, n° 23-17.948).

Elle juge que :

La preuve de l’importance déterminante de l’interdiction de faire de la friture n’est pas rapportée.

La cour d’appel a recherché les éléments techniques liés à l’aménagement (hotte, extraction), rendant les griefs inopérants.

La charge de la preuve n’a pas été inversée : le moyen est infondé.

Solution retenue

La Cour rejette le pourvoi. M. [T] et la société [4] sont condamnés aux dépens et à verser 3 000 € à M. [M] au titre de l’article 700 du CPC.


3. Références et articles juridiques

Texte appliqué

Article 1112-1 du code civil (en vigueur en 2018) :

« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer, dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. »

Jurisprudence
Cass. com., 14 mai 2025, n° 23-17.948, publié au Bulletin

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour distingue clairement deux éléments :

Lien direct et nécessaire entre l'information et le contrat (exigé).

Importance déterminante de l'information pour le consentement (à prouver).

Elle refuse d’étendre le devoir d’information à des éléments techniques ou périphériques (friture, hotte, ventilation) si leur importance n’est pas démontrée comme déterminante pour le cessionnaire.

Conséquences juridiques

Précision sur la portée de l’article 1112-1 : seule l’information déterminante et objectivement rattachée au contenu contractuel engage le devoir d’information.
Renforcement de l’obligation de preuve à la charge de l’acquéreur.
Alignement avec la tendance restrictive de la chambre commerciale sur les vices du consentement et les contentieux post-cession.

5. Critique de la décision

La Cour confirme la double exigence cumulative du texte : lien contractuel + importance déterminante. Le simple fait qu'une information soit utile ou utilement connue ne suffit pas.

Cette décision s’inscrit dans la volonté jurisprudentielle de limiter les nullités post-contractuelles à des hypothèses strictement encadrées, protégeant la stabilité contractuelle.

6. Accompagnement juridique

La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocat expérimenté à Saint-Nazaire, vous accompagne pour :

Évaluer les obligations d’information lors d’une cession de fonds ou de parts sociales.
Sécuriser la rédaction des actes en amont pour éviter tout contentieux.
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