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Secret professionnel et saisie fiscale : incompétence du juge de l’impôt

Le 14 avril 2025
Secret professionnel et saisie fiscale : incompétence du juge de l’impôt
secret professionnel – article L. 16 B LPF – Conseil d’État 13 mars 2025 – compétence juridictionnelle – juge de l’impôt – premier président cour d’appel – visite et saisie fiscale – contentieux fiscal – jurisprudence fiscale – avocat – notaire – expert-c

1. Résumé succinct

Contexte :
Dans cette affaire, la société European Trust Services Luxembourg, venant aux droits de la société Eiffel Properties Luxembourg, a contesté une imposition consécutive à une visite et saisie fiscale autorisée sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF. Elle invoquait notamment une atteinte au secret professionnel concernant des documents d’avocats, notaires et experts-comptables.

Juridiction :
Conseil d’État (9e - 10e chambres réunies), décision du 13 mars 2025.

Impact :
Le Conseil d’État affirme que le juge de l’impôt est incompétent pour statuer sur une telle atteinte, dès lors qu’elle découle d’une saisie autorisée par un juge judiciaire. Seul le premier président de la cour d’appel compétente peut en connaître.


2. Analyse détaillée

Les faits
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale française a soumis la société Eiffel Properties Luxembourg au prélèvement forfaitaire prévu à l’article 244 bis A du CGI pour l’année 2008, avec intérêts de retard (art. 1727 CGI) et pénalités (art. 1729 CGI).

L’administration a fondé une partie de son redressement sur des documents saisis lors d’une visite domiciliaire fiscale effectuée conformément à l’article L. 16 B du LPF.

La société a demandé la décharge de cette imposition, invoquant notamment une atteinte au secret professionnel des avocats, notaires et experts-comptables.

La procédure
TA de Montreuil, 25 mai 2021 : rejet de la demande de décharge.
CAA de Paris, 21 sept. 2022, n° 21PA05174 : rejet de l’appel de la société.
CE, 13 mars 2025, n° 469738 : annulation de l’arrêt d’appel.

Contenu de la décision

a. Arguments de la requérante :
Incompétence du juge administratif pour se prononcer sur l’usage de pièces couvertes par le secret professionnel.
Violation de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 protégeant la correspondance avocat-client.
Atteinte au secret professionnel des notaires et experts-comptables.

b. Raisonnement du Conseil d’État :
L’article L. 16 B LPF prévoit une procédure spécifique de visite et saisie soumise à autorisation judiciaire.
Le texte réserve le contentieux de la régularité de ces opérations au premier président de la cour d’appel compétente.
Cette compétence couvre les atteintes au secret professionnel dans le cadre de la saisie, y compris lorsque ces éléments sont utilisés dans une procédure fiscale ultérieure.

c. Solution retenue :
Le Conseil d’État annule l’arrêt de la CAA, renvoie l’affaire devant elle, et accorde 3 000 € à la requérante au titre de l’article L. 761-1 CJA.


3. Références et articles juridiques
 Références jurisprudentielles
CE, 13 mars 2025, n° 469738, ECLI:FR:CECHR:2025:469738.20250313

Textes juridiques cités
Article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (extraits) :

« (…) Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention (…) Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. (…) »


Article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client (…) sont couvertes par le secret professionnel. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

Le Conseil d’État procède à une lecture stricte de la compétence juridictionnelle attribuée par l’article L. 16 B LPF. Il affirme que la régularité de l’usage d’éléments saisis dans le cadre d’une visite autorisée relève uniquement du juge judiciaire (1er président de la cour d’appel), même si ces éléments sont ultérieurement utilisés dans une procédure d’imposition.

Ainsi, le juge de l’impôt n’est pas compétent pour apprécier une éventuelle atteinte au secret professionnel dans ce contexte.

Conséquences juridiques

Clarification du champ de compétence entre juge judiciaire et juge fiscal.
Rappel du rôle central du 1er président de la cour d’appel dans la protection des libertés (secret professionnel) dans le cadre des procédures de saisie fiscale.
Ce raisonnement s’appliquera à toute affaire où l’administration utilise, pour redresser l’impôt, des pièces saisies dans le cadre d’une opération L. 16 B LPF.

5. Critique des sources et décisions postérieures


6. Accompagnement juridique

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