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Péremption d’instance : unification du critère de diligence par la Cour

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Péremption d’instance : unification du critère de diligence par la Cour
péremption d’instance – diligence interruptive – changement d’avocat – procédure civile – article 386 CPC – sommation de communiquer – cassation – arrêt 27 mars 2025 – Cour de cassation – volonté de poursuivre le litige – utilité de l’acte – sécurité

1. Résumé succinct

Contexte : M. [O] conteste la déclaration de péremption d’une instance engagée pour la nullité de la cession de parts sociales. Il invoque comme diligence interruptive le changement d’avocat de sa co-demanderesse et une sommation de communiquer.

Juridiction : Cour de cassation, deuxième chambre civile, 27 mars 2025, n° 22-20.067.

Impact : Cet arrêt marque un tournant majeur dans l’appréciation de la péremption d’instance en unifiant les critères de la diligence interruptive autour de la notion de volonté utile de résolution du litige.


2. Analyse détaillée

Les faits
M. [O] et Mme [B] avaient cédé leurs parts dans deux sociétés. Contestant la régularité de la cession, ils assignent l’acquéreur initial et son successeur. L’instance connaît divers rebondissements procéduraux, notamment liés à la succession de l’un des acquéreurs. Après une période d’inactivité, le juge de la mise en état prononce la péremption de l’instance.

La procédure

2014-2016 : Ordonnances déclarant nulles certaines assignations, injonctions de régularisation.
2019 : Nouvelle assignation des héritiers.
2020 : Ordonnance constatant la péremption.
2022 : Cour d’appel de Lyon confirme la péremption.
2025 : Cassation par la Cour de cassation.

Contenu de la décision

Arguments du pourvoi

M. [O] soutient que deux actes devraient être considérés comme interruptifs de péremption :

Le changement d’avocat de Mme [B] lié à leur divorce.
La sommation de communiquer adressée par ce nouvel avocat.

Raisonnement de la Cour de cassation

La Cour relève que la jurisprudence antérieure est hétérogène :

Certaines décisions exigent que l’acte fasse « progresser » l’instance.
D’autres se fondent uniquement sur la manifestation de volonté de poursuivre.
La Cour unifie désormais la notion de diligence interruptive :

« La diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. »
Elle censure l’arrêt d’appel qui s’était borné à exclure la qualité interruptive des actes litigieux sans rechercher s’ils répondaient à cette définition unifiée.

Solution retenue
Cassation de l’arrêt d’appel, renvoi devant une autre formation de la cour d’appel de Lyon.


3. Références et articles juridiques
Référence de l’arrêt :
Cass. civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-20.067, publié au Bulletin.

Décision attaquée :
Cour d’appel de Lyon, 6e chambre, 9 juin 2022, n° 21/07305

Textes cités :

Article 386 du code de procédure civile :

« L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. »

Articles 2 et 3 du CPC :

Art. 2 : « Les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. »
Art. 3 : « Le juge veille au bon déroulement de l’instance. »

4. Analyse juridique approfondie

Redéfinition du critère de la diligence interruptive
La Cour substitue une lecture fonctionnelle et téléologique aux précédentes lectures formalistes :

Volonté de résoudre le litige
Utilité de l’acte dans le cadre de l’instance
Appréciation souveraine par les juges du fond

Cette redéfinition accroît la prévisibilité du droit en fixant un critère uniforme à travers les chambres.

Conséquences pratiques

Les avocats doivent désormais démontrer que leurs actes (même modestes) répondent à une volonté réelle et utile de poursuivre l’instance.
L’acte n’a pas à être innovant, mais doit être pertinent dans le cadre du litige en cours.
Le changement d’avocat ou une sommation peut être interruptive, sous conditions.

5. Critique de la décision

Les jurisprudences antérieures confirmant l’hétérogénéité soulignée par la Cour :

Cass. civ. 2e, 11 sept. 2003, n° 01-12.331 : Volonté manifeste de poursuivre.
Cass. civ. 2e, 8 nov. 2001, n° 99-20.159 : Acte doit faire progresser.
Cass. civ. 3e, 20 déc. 1994, n° 92-21.536 : Appréciation objective de l’acte.

Les divergences doctrinales portaient sur la nécessité ou non d’un effet substantiel de l’acte. La solution de 2025 unifie ces approches.

La décision pose un nouveau standard de référence pour toutes les affaires de péremption : volonté + utilité.


6. Accompagnement juridique

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