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Révocation d’un ministre du culte : incompétence du juge civil

Le 14 avril 2025
Révocation d’un ministre du culte : incompétence du juge civil
Un diacre peut-il poursuivre l’Église en justice ? La révocation religieuse ouvre-t-elle droit à indemnisation civile ? Quelle juridiction pour contester une décision d’Église ? La Cour de cassation refuse de juger une révocation canonique : pourquoi

Introduction – Contexte et Importance
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée, le 4 avril 2025, sur une question inédite mêlant laïcité, autonomie des cultes et compétence juridictionnelle. Un ancien diacre, renvoyé de l’état clérical, avait assigné l’Association diocésaine de Toulouse pour obtenir indemnisation de la perte de ses avantages matériels (logement, couverture sociale, subsides). Mais le juge civil est-il compétent pour apprécier la légalité d’une décision canonique ?

Question clé : Un ministre du culte peut-il invoquer des droits civils devant le juge de l’État à raison de sa révocation canonique ?

Cass ass ple 4 avril 2025 n°21-24.439


Analyse juridique de la décision principale

Faits et procédure

2007 : Suspension de l’ordination de M. R., diacre catholique.
2011 : Renvoi de l’état clérical par l’officialité diocésaine.
2015 : Confirmation par le tribunal de la Rote romaine.
2016 : Décret exécutif de l’archevêque mettant fin à la prise en charge par le diocèse.
2016 : Assignation devant le TGI pour annulation et indemnisation.

Moyens du pourvoi
Le demandeur invoquait :

Une violation du droit à un procès équitable (article 6 §1 CEDH).
L’existence d’un lien contractuel de droit privé, en raison des avantages matériels accordés (logement, rémunération, assurance sociale).
L’incompétence des juridictions ecclésiastiques à trancher un litige d’ordre civil.


Réponse de la Cour
L’Assemblée plénière rejette le pourvoi et consacre plusieurs principes essentiels :

L’engagement religieux ne crée aucun contrat civil, ni de travail ni d’assurance ou d’hébergement.
Les avantages matériels consentis ne sont pas détachables de l’engagement cultuel.
Le juge civil ne peut pas apprécier la validité d’un acte canonique (ici, la révocation), relevant de l’autonomie religieuse garantie par l’article 9 CEDH.
L’article 6 §1 CEDH ne s’applique pas, en l’absence de « droit défendable » en droit interne.

Principe posé : Le juge civil est incompétent pour indemniser un ministre du culte révoqué par son autorité religieuse, dès lors que les préjudices allégués ne sont pas détachables de la décision canonique.


 Jurisprudence comparée – Décisions croisées

1. CEDH, 14 sept. 2017, Károly Nagy c. Hongrie, n° 56665/09
La Cour européenne des droits de l’homme avait déjà exclu l’application de l’article 6 §1 dans une affaire analogue : un pasteur méthodiste ne peut invoquer de droits civils si ses fonctions sont exclusivement religieuses.

2. Cass. soc., 20 janv. 2010, n° 08-42.207
La Cour de cassation avait jugé qu’un engagement religieux n’était pas un contrat de travail, même en présence d’une rémunération ou de prestations sociales.

3. Cass. soc., 24 avr. 2024, n° 22-20.352La jurisprudence la plus récente confirme que le lien d’autorité religieuse exclut toute obligation civile.

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Impact pratique et conseils
Cette décision a des conséquences pratiques majeures :

Les associations diocésaines ou cultuelles peuvent se fonder sur cette jurisprudence pour contester toute compétence du juge civil.
Les ministres du culte souhaitant obtenir réparation doivent démontrer un lien civil détachable de leur mission religieuse, ce qui demeure extrêmement rare.
Cette jurisprudence ferme la porte à toute indemnisation devant le juge de l’État en cas de révocation canonique.
Conseil aux justiciables : Toute démarche contentieuse contre une autorité religieuse doit faire l’objet d’un filtrage rigoureux sur la compétence judiciaire.

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