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1. Résumé succinct
Contexte :
Saisi par le Conseil d’État le 10 mars 2025 (CE, 6 mars 2025, n° 497929), le Conseil constitutionnel a statué sur la conformité à la Constitution de l’article L. 523-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa version issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024. La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été soulevée par le GISTI, assisté de la SCP Sevaux et Mathonnet.
Impact principal :
La censure porte sur la possibilité pour l’administration de placer en rétention un demandeur d’asile en l’absence de procédure d’éloignement, au motif d’une simple menace à l’ordre public ou d’un risque de fuite. Le Conseil juge ces dispositions contraires à l’article 66 de la Constitution, ce qui invalide une mesure centrale du volet répressif de la réforme de l’immigration de 2024.
2. Analyse détaillée
Les faits
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a introduit à l’article L. 523-1 CESEDA la faculté, pour l’administration, de placer en rétention un demandeur d’asile :
lorsqu’il constitue une menace pour l’ordre public ;
ou en cas de risque de fuite, notamment s’il a demandé l’asile après 90 jours ou s’il est entré irrégulièrement dans l’espace Schengen sans déposer de demande dans les plus brefs délais.
La procédure
QPC transmise par le Conseil d’État (CE, 6 mars 2025, n° 497929).
Audiences contradictoires devant le Conseil constitutionnel le 13 mai 2025.
Interventions : SCP Sevaux et Mathonnet (représentants des requérants), Me Braun pour SOS Soutien ô sans papiers, et représentant du Premier ministre.
Contenu de la décision
Arguments des parties
Les requérants soutenaient que les dispositions contestées :
Portent atteinte à la liberté individuelle garantie par l’article 66 de la Constitution ;
Restreignent le droit d’asile de manière disproportionnée ;
Violent le principe d’égalité en assimilant les demandeurs d’asile à d’autres étrangers sous mesure d’éloignement.
Raisonnement juridique
Le Conseil rappelle que le législateur peut restreindre l’accès et le séjour des étrangers mais doit concilier cet objectif avec les droits fondamentaux, notamment la liberté individuelle.
Or, la mesure de rétention, privative de liberté, doit répondre à des critères de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité.
Le Conseil identifie deux motifs d’inconstitutionnalité :
Le placement en rétention sur simple menace à l’ordre public, sans exigence de gravité ni d’actualité, ne justifie pas une privation de liberté ;
Le risque de fuite est présumé automatiquement (après 90 jours ou entrée irrégulière), sans évaluation concrète des garanties de représentation.
Solution retenue
Inconstitutionnalité des mots :
« ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention » (alinéa 1er) ;
de la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article L. 523-1 CESEDA.
Effet immédiat de la décision, applicable à toutes les affaires non définitivement jugées.
3. Références et articles juridiques
Référence officielle
Conseil constitutionnel, 23 mai 2025, n° 2025-1140 QPC
Texte censuré
Article L. 523-1 CESEDA (extrait censuré) :
« L’autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d’asile… »
Article de la Constitution invoqué
Article 66 Constitution française :
« Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
4. Analyse juridique approfondie
Le Conseil fait une application stricte de l’article 66 C. : toute mesure privative de liberté doit être nécessaire et proportionnée.
Il sanctionne l'absence de critères objectifs (gravité, actualité, garanties de représentation) dans la loi pour encadrer le pouvoir administratif.
Il refuse que l’usage stratégique de la demande d’asile puisse justifier par principe une mesure privative de liberté.
Conséquences juridiques
Abrogation immédiate des dispositions inconstitutionnelles.
Réduction du pouvoir de rétention de l’administration, notamment vis-à-vis des demandeurs d’asile.
Affirmation de la primauté de l’autorité judiciaire en matière de privation de liberté.
Encadrement renforcé des législations futures en matière de contentieux des étrangers.
5. Critique de la décision
Cette QPC constitue un revirement et devrait inspirer de futures décisions sur les mesures de rétention ou d’assignation à résidence (à surveiller : CE, CAA, TA – contentieux étrangers 2025-2026).
La décision constitue une rupture majeure avec les politiques migratoires répressives récentes. Elle réaffirme la hiérarchie des normes et sanctionne les lois qui substituent des présomptions à l’analyse individualisée.
La décision met un terme à une pratique administrative récente consistant à priver de liberté des demandeurs d’asile avant toute mesure d’éloignement. Elle impose un encadrement plus strict du pouvoir de l’administration, au bénéfice des libertés fondamentales.
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