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QPC 2025-1158 : fin du « 24 h » CESEDA L. 743-19, retour transitoire à 6 h

Le 24 septembre 2025
QPC 2025-1158 : fin du « 24 h » CESEDA L. 743-19, retour transitoire à 6 h
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1. Résumé succinct

Parties : Question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Icham E., par Me Ruben Garcia ; observations du Premier ministre ; avocats au Conseil entendus.

Juridiction : Conseil constitutionnel – décision QPC n° 2025-1158 – rendu public le 12 septembre 2025 ; saisine par la Cour de cassation (1re civ., arrêt n° 514 du 12 juin 2025).

Objet / norme contrôlée : Article L. 743-19 CESEDA (rédaction loi n° 2024-42 du 26-01-2024) sur la durée du maintien à la disposition de la justice (24 h) d’un étranger dont la rétention est levée par le magistrat du siège.

Solution : Inconstitutionnalité des mots « vingt-quatre heures » ; abrogation différée au 1er octobre 2026 ; régime transitoire : plafond 6 heures (sauf appel du parquet avec demande de caractère suspensif).

Effet direct sur les pratiques : Fin du « 24 h » automatique ; retour immédiat à un maximum 6 h jusqu’à la réforme législative (ou au plus tard 01-10-2026). Articulation avec L. 743-22 CESEDA (appel non suspensif, sauf décision du premier président saisie par le parquet). 

2.  Analyse détaillée

Les faits

26 janv. 2024 : Loi n° 2024-42 modifie l’art. L. 743-19 CESEDA et introduit la durée de 24 h.

12 juin 2025 : Cour de cassation (1re civ., n° 514) renvoie la QPC au Conseil constitutionnel.

6 août 2025 : Audience publique ; plaidoiries (avocats du requérant et représentant du Premier ministre).

2 sept. 2025 : Note en délibéré du Premier ministre.

11–12 sept. 2025 : Délibéré puis publication de la décision 2025-1158 QPC.

Procédure

Saisine QPC par la Cour de cassation (art. 61-1 C°) – enregistrement au SG du CC sous n° 2025-1158 QPC.

Publication au Journal officiel (JORF n° 0213 du 13-09-2025, texte n° 29). 

Contenu de la décision

Arguments du requérant

Atteinte à la liberté individuelle (art. 66 C°) : maintien 24 h malgré une décision juridictionnelle de mise en liberté.

Droits de la défense / procès équitable (art. 16 DDHC) : prérogatives excessives du ministère public.

Rupture d’égalité : comparaison avec CPP art. 187-3 (référé-détention : 4 h). 

Raisonnement du Conseil

Principe (art. 66 C°) : Quand un magistrat du siège ordonne la mise en liberté, on ne peut y faire obstacle, même en attente d’un éventuel appel. Les atteintes doivent être adaptées, nécessaires, proportionnées.

Cadre CESEDA : L. 743-22 : l’appel contre la mainlevée n’est pas suspensif, mais le parquet peut demander au premier président de rendre l’appel suspensif (défaut de garanties de représentation / menace grave à l’ordre public).

Objectifs législatifs : sauvegarde de l’ordre public et lutte contre l’immigration irrégulière : objectifs de valeur constitutionnelle.

Censure : le maintien « 24 h » sans contrôle d’un magistrat du siège pendant ce délai emporte une atteinte excessive à la liberté individuelle → inconstitutionnalité des mots « vingt-quatre heures ».

Dispositif et effets

Article 1 : censure des mots « vingt-quatre heures ».
Article 2 (effets) :

Abrogation différée au 1er octobre 2026 (éviter des conséquences manifestement excessives).

Mesures antérieures à la publication : non contestables sur ce fondement.

Mesure transitoire immédiate : plafond de 6 heures (référence à la loi du 16-06-2011 jugée conforme par décision n° 2011-631 DC du 9-06-2011). 

3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

Cons. const., 12 sept. 2025, n° 2025-1158 QPC

Cons. const., 9 juin 2011, n° 2011-631 DC

3.2 Textes légaux 

CESEDA, art. L. 743-19 (version en vigueur issue de la loi n° 2024-42 ; “Lorsqu’une ordonnance… l’étranger est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures…”) — texte visé et censuré.  : art. L. 743-19. 

CESEDA, art. L. 743-22 (appel non suspensif ; faculté de recours suspensif à la demande du parquet). 


CPP, art. 187-3 (procédure de référé-détention : maintien à disposition 4 h pour les personnes détenues provisoirement — comparaison opérée par le requérant). 

Loi n° 2024-42 du 26 janv. 2024 (“pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration”). 

4. Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

Le Conseil réaffirme le noyau dur de l’art. 66 C° : une mise en liberté ordonnée par un magistrat du siège ne peut être neutralisée par une retenue automatique de 24 h décidée sans contrôle juridictionnel du siège. La proportionnalité commande un contrôle du juge du siège dans le délai et à bref délai.

Le législateur poursuivait des objectifs légitimes (ordre public / lutte contre l’immigration irrégulière), mais la technique du délai-tampon de 24 h excède ce qui est nécessaire dès lors que L. 743-22 permet déjà au parquet d’activer un mécanisme suspensif sous le contrôle du premier président.

Mise en perspective jurisprudentielle

Point d’ancrage (2011) : le Conseil avait admis la solution “6 h” (ancienne loi du 16-06-2011), jugée conforme (décision 2011-631 DC). La décision 2025-1158 QPC rétablit ce quantum à titre transitoire, consacrant que 6 h est un seuil constitutionnellement tolérable en l’absence de contrôle du siège pendant le délai.

Équilibre opéré : garantie de la liberté individuelle vs. impératifs d’ordre public ; outil procédural ciblé (appel + demande de suspension) privilégié à une rétention indifférenciée.

Conséquences pratiques

Dès la publication (12-09-2025) : interdiction de maintenir au-delà de 6 h si le parquet n’a pas interjeté appel et saisi le premier président d’une demande de suspension.

Au 01-10-2026 (à défaut d’intervention législative) : abrogation des mots « 24 h ». Les juridictions devront écarter le « 24 h » et appliquer le cadre résultant de la décision.

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