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La SELARL PHILIPPE GONET, cabinet d’avocat installé à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), intervient en contentieux administratif et en responsabilité, notamment lorsqu’un particulier se trouve confronté à des décisions administratives lourdes de conséquences (refus de séjour, OQTF, décisions de préfecture, etc.).
Le cabinet accompagne les justiciables dans la contestation des arrêtés préfectoraux, la préparation des recours devant le tribunal administratif et la sécurisation de leur parcours administratif et familial. Légifrance
L’avis du 13 novembre 2025 apporte des précisions majeures pour les étrangers qui souhaitent obtenir l’abrogation d’un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il a un impact direct sur la stratégie de recours.
1. Résumé
1.1. Parties, juridiction, date, références
Juridiction : Conseil d’État, section du contentieux, 2ᵉ et 7ᵉ chambres réunies
Nature : Avis contentieux (article L. 113-1 CJA)
Date : 13 novembre 2025
Numéro : Avis n° 506583 (affaire M. A… F…)
1.2. Nature du litige
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est saisi par M. A… F… d’un recours contre la décision implicite du préfet du Val-d’Oise refusant d’abroger un arrêté du 14 novembre 2022 qui :
refuse un titre de séjour,
et assortit ce refus d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Le requérant demande également une injonction de délivrance d’un titre ou, à défaut, un réexamen avec autorisation provisoire de séjour.
Avant de statuer, le tribunal administratif saisit le Conseil d’État pour avis sur trois questions :
Un requérant est-il recevable à contester le refus d’abrogation d’un arrêté portant à la fois refus de séjour et OQTF ?
Si oui, la décision de refus d’abroger doit-elle être regardée comme purement confirmative de l’arrêté initial, en l’absence de changement de circonstances ?
Si oui, cette décision de refus d’abrogation doit-elle être motivée au titre de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ?
1.3. Effet direct de l’avis sur la jurisprudence et la pratique
L’avis opère un triple apport majeur :
Refus de titre de séjour
Une décision refusant un titre de séjour produit tous ses effets dès son entrée en vigueur.
La demande d’abrogation d’un tel refus est sans objet et ne peut plus donner lieu à un recours pour excès de pouvoir contre le refus d’abroger.
C’est une évolution importante, qui rompt avec la solution issue de l’avis CE, 30 déc. 2016, n° 404383 et de l’arrêt CE, 5 mai 2010, n° 316140, admettant auparavant la recevabilité d’un recours contre le refus d’abroger un refus de séjour.
OQTF
L’OQTF continue à produire des effets directs aussi longtemps que l’étranger reste sur le territoire.
L’intéressé est recevable à demander l’annulation du refus d’abroger l’OQTF, s’il invoque des changements de circonstances de fait ou de droit.
Motivation du refus d’abroger une OQTF
La décision refusant d’abroger une OQTF est une décision de police qui doit être motivée au titre de l’article L. 211-2 CRPA et de l’article L. 613-1 CESEDA.
2. Analyse détaillée de la décision
2.1. Les faits – chronologie
À partir du texte de l’avis, la chronologie suivante peut être reconstituée (sans extrapolation) :
14 novembre 2022 :
Le préfet du Val-d’Oise prend un arrêté rejetant la demande de titre de séjour de M. F. et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Date non précisée :
M. F. demande au préfet l’abrogation de cet arrêté (refus de séjour + OQTF).
Silence du préfet :
Naissance d’une décision implicite de rejet de la demande d’abrogation.
Saisine du tribunal administratif :
M. F. forme un recours pour excès de pouvoir contre cette décision implicite, en demandant en outre :
la délivrance d’une carte de séjour temporaire, ou à titre subsidiaire, un réexamen assorti d’une autorisation provisoire de séjour.
22 juillet 2025 :
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise rend un jugement de renvoi (n° 2403122) au Conseil d’État, sur le fondement de l’article L. 113-1 du CJA.
24 juillet 2025 :
Le jugement est enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’État.
25 août et 30 septembre 2025 :
Observations de M. F. devant le Conseil d’État.
19 septembre 2025 :
Observations du ministre de l’intérieur.
13 novembre 2025 :
Le Conseil d’État rend son avis, publié au JORF du 16 novembre 2025.
Remarque importante :
Le texte de l’avis ne reproduit aucun moyen de fond invoqué par le requérant ou par le ministre. Il n’est donc pas possible de restituer précisément leurs arguments sans sortir du champ du vérifiable. Cette absence est signalée comme telle.
2.2. La procédure
Instance de première ligne :
Recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise contre la décision implicite de refus d’abrogation de l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2022.
Renvoi pour avis :
Devant la difficulté de la question relative à la recevabilité et à la nature des recours contre un refus d’abrogation d’un arrêté mêlant refus de séjour et OQTF, le TA fait usage de l’article L. 113-1 du CJA et transmet la question au Conseil d’État.
Avis du Conseil d’État :
L’avis ne tranche pas le litige individuel de M. F., mais lie le tribunal administratif sur l’interprétation des textes qu’il devra appliquer ensuite au fond.
2.3. Contenu de l’avis : questions posées et réponses données
2.3.1. Première question : la recevabilité du recours contre le refus d’abrogation
Question posée :
Un étranger est-il recevable à demander l’annulation du refus d’abrogation d’un arrêté portant à la fois refus de titre de séjour et OQTF ?
Réponse du Conseil d’État (point 1 de l’avis) :
Rappel du principe général d’abrogation des actes non réglementaires
L’autorité administrative doit abroger un acte non réglementaire qui :
n’a pas créé de droits, mais continue de produire effet, lorsqu’il est devenu illégal du fait de circonstances nouvelles (de droit ou de fait).
Ce principe rejoint la logique de l’article L. 243-2 CRPA, qui encadre l’abrogation des actes individuels non créateurs de droits.
Refus de titre de séjour
La décision refusant à un étranger la délivrance d’un titre de séjour est qualifiée d’acte instantané :
elle produit tous ses effets directs dès son entrée en vigueur ;
ses effets sont regardés comme épuisés au moment où elle est prise.
Conséquence :
une demande d’abrogation d’un tel refus est sans objet ;
le refus de l’abroger ne peut donc pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
OQTF
À l’inverse, la décision portant OQTF continue de produire des effets directs à l’égard de l’intéressé tant qu’elle n’a pas disparu de l’ordonnancement juridique :
elle fonde la possibilité de procéder à l’éloignement,
elle pèse sur la situation de l’étranger (risque d’exécution forcée, interdiction de retour, cumul avec d’autres mesures, etc.).
Conséquence :
L’étranger reste recevable, en cas de changement de circonstances, à demander l’annulation de la décision qui refuse d’abroger l’OQTF.
2.3.2. Deuxième question : caractère confirmatif ou non du refus d’abrogation de l’OQTF
Question posée :
La décision refusant d’abroger l’arrêté doit-elle être regardée comme ayant le même objet que l’arrêté initial, et donc comme une décision purement confirmative en l’absence de changement de circonstances ?
Réponse (point 2) :
Le Conseil d’État écarte la qualification de décision confirmative.
Il relève que :
la décision initiale d’OQTF a pour objet de créer l’obligation de quitter le territoire ;
la décision de refus d’abroger cette OQTF a pour objet de maintenir cette obligation malgré une demande d’y mettre fin.
Les deux décisions n’ayant pas le même objet, la seconde n’est pas confirmative.
Conséquence pratique :
le refus d’abroger une OQTF constitue une décision autonome, susceptible de recours pour excès de pouvoir, dès lors que des changements de circonstances sont invoqués.
2.3.3. Troisième question : obligation de motiver le refus d’abroger une OQTF
Question posée :
La décision refusant d’abroger l’arrêté doit-elle être motivée au titre de l’article L. 211-2 CRPA ?
Le Conseil d’État combine deux textes :
Article L. 211-2 CRPA (droit à être informé des motifs des décisions individuelles défavorables, notamment celles qui restreignent les libertés publiques ou constituent une mesure de police).
Article L. 613-1 CESEDA (obligation de motivation de la décision portant OQTF).
Solution (point 3) :
L’OQTF est une mesure de police qui doit être motivée.
La décision refusant d’abroger cette OQTF participe du même pouvoir de police, puisqu’elle maintient l’obligation d’éloignement.
Le Conseil d’État en conclut :
La décision portant OQTF est motivée. Il en va de même de la décision refusant d’abroger cette décision.
Pour les préfectures, c’est une obligation claire : il ne sera plus possible de notifier un simple « refus d’abrogation » par formule lapidaire, sans motifs.
3. Références juridiques
3.1. Jurisprudence citée et comparée
1) Avis commenté
CE, avis, 2ᵉ-7ᵉ ch. réunies, 13 nov. 2025, n° 506583, M. F…
2) Jurisprudence antérieure directement liée
CE, avis, 2ᵉ-7ᵉ ch. réunies, 30 déc. 2016, n° 404383, M. B…
Admettait la recevabilité d’un recours contre le refus d’abroger un refus de séjour et une OQTF. Légifrance
CE, 8ᵉ et 3ᵉ ss-sect. réunies, 5 mai 2010, n° 316140, M. X (Boukhelfioune)
Décision à l’origine de la solution favorable à l’abrogation d’un refus de séjour en cas de changement de circonstances ; solution explicitement abandonnée par la suite.
CE, 10ᵉ-9ᵉ ch. réunies, 20 avr. 2023, n° 458602, Association Pupu Here Ai’a Te Nunaa Ia’Ora
Consacre la notion d’acte non créateur de droits dont les effets directs sont épuisés dès l’entrée en vigueur, pour lequel une demande d’abrogation est sans objet (dissolution d’une association).
3) Jurisprudence relative aux OQTF et à leurs effets
CE, avis, 2ᵉ-7ᵉ ch. réunies, 28 oct. 2024, n° 495898
Rappelle qu’une demande d’asile postérieure à une OQTF n’entraîne pas son abrogation mais seulement la suspension de son exécution, ce qui confirme la persistance des effets juridiques de l’OQTF. Conseil d'État
CAA Versailles, 3ᵉ ch., 11 juill. 2023, n° 23VE00435
Admet déjà que la décision refusant d’abroger une OQTF a une portée différente de l’OQTF initiale, ce qui préfigure la solution de l’avis de 2025.
4) Jurisprudence de principe sur l’abrogation des actes
CE, Ass., 3 févr. 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052 – obligation d’abroger un règlement illégal.
CE, Sect., 30 nov. 1990, Association « Les Verts », n° 103889 – abrogation d’un décret de découpage cantonal, mise en avant de la notion de changements de circonstances pour l’abrogation d’actes non réglementaires. Conseil d'État
3.2. Textes légaux applicables
Code de justice administrative – article L. 113-1 (saisine pour avis)
Code des relations entre le public et l’administration – article L. 211-2
Pose l’obligation de motiver les décisions individuelles défavorables, notamment les mesures de police.
Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – article L. 613-1
Impose la motivation de la décision portant OQTF.
Code des relations entre le public et l’administration – article L. 243-2
Encadre l’abrogation des actes individuels non créateurs de droits.
4. Analyse juridique approfondie
4.1. La nouvelle lecture du refus de séjour : un acte « instantané »
En rapprochant l’avis de 2025 des décisions Pupu Here (2023) et Association Les Verts (1990), on voit se dessiner une théorie :
Certains actes non réglementaires n’ont plus aucun effet direct une fois entrés en vigueur (ils ont simplement constaté ou refusé une situation).
Pour ces actes, la demande d’abrogation n’a aucun objet, car il n’y a plus d’effets à faire disparaître ; seul un nouvel acte (par exemple une nouvelle décision sur une nouvelle demande de séjour) peut modifier la situation.
En qualifiant le refus de séjour de décision dont les effets directs sont épuisés immédiatement, le Conseil d’État :
ferme la voie de l’abrogation contentieuse ouverte par CE 2010, n° 316140, puis confirmée par l’avis 2016, n° 404383 ;
renvoie l’étranger à la formation d’une nouvelle demande de séjour, fondée sur les circonstances nouvelles, plutôt qu’à une demande d’abrogation de la décision ancienne.
C’est un mouvement de rationalisation de la théorie de l’abrogation des actes individuels, mais qui réduit les marges de manœuvre contentieuses des étrangers sur ce point précis.
4.2. L’OQTF, au contraire, est un acte à effets durables
En cohérence avec l’avis de 2016, la jurisprudence de 2024 sur l’asile post-OQTF et les décisions des cours administratives d’appel, le Conseil d’État confirme que l’OQTF :
n’est pas un acte instantané ;
continue de produire des effets directs tant qu’elle n’est ni abrogée, ni annulée, ni devenue inopérante (par exemple à la suite d’une régularisation) ;
fonde un pouvoir d’exécution et pèse sur la vie personnelle et familiale de l’intéressé.
Il en résulte :
une obligation d’examiner les demandes d’abrogation d’OQTF fondées sur des circonstances nouvelles (santé, vie familiale, situation en cas de conflit armé, etc.) ;
la possibilité pour l’étranger de saisir le juge d’un recours autonome contre le refus d’abrogation, distinct du recours contre l’OQTF initiale.
4.3. La décision de refus d’abrogation d’une OQTF n’est pas confirmative
La précision sur l’absence de caractère confirmatif est essentielle en pratique :
Une décision confirmative ne rouvre pas les délais de recours et n’est pas elle-même attaquable.
En refusant cette qualification, le Conseil d’État :
garantit un nouveau délai de recours contre la décision de refus d’abrogation, et permet de faire valoir des moyens tirés des circonstances nouvelles (par exemple : mariage, enfants scolarisés, aggravation de l’état de santé).
Pour la défense des étrangers, c’est un levier contentieux important, qui oblige la préfecture à justifier, au moment où elle refuse d’abroger, pourquoi les éléments nouveaux ne justifient pas une régularisation ou la fin de l’OQTF.
4.4. L’exigence de motivation : un renforcement du contrôle du juge
En appliquant l’article L. 211-2 CRPA au refus d’abroger une OQTF, combiné à l’article L. 613-1 CESEDA, le Conseil d’État :
qualifie explicitement la décision de refus d’abrogation comme mesure de police ;
impose une motivation écrite, précise et individualisée.
Concrètement, pour les préfectures :
il ne suffira plus de répondre par une formule standard ;
il faudra expliquer pourquoi les circonstances invoquées ne justifient pas l’abrogation, au regard :
de la durée de présence en France,
des liens privés et familiaux,
des considérations humanitaires,
et, plus généralement, de la légalité actuelle de l’OQTF.
Pour les justiciables, cela ouvre la voie à des moyens tirés :
de l’insuffisance de motivation,
du défaut d’examen sérieux de la situation,
de l’erreur manifeste d’appréciation sur l’opportunité d’abroger.
5. Critique de la décision
Mise en évidence d’une construction jurisprudentielle cohérente :
2010 : ouverture de l’abrogation des refus de séjour ;
2016 : confirmation et extension à l’OQTF ;
2023 : clarification générale sur les actes non créateurs de droits à effets instantanés (Pupu Here) ;
2025 : application de cette grille aux refus de séjour, resserrement de la recevabilité, mais maintien de la protection autour de l’OQTF et renforcement de l’exigence de motivation.
Résumé clair en trois idées-forces :
Plus de recours contre le refus d’abroger un refus de séjour ;
Maintien du recours contre le refus d’abroger une OQTF ;
Obligation de motiver le refus d’abrogation d’une OQTF.
6. Accompagnement personnalisé par la SELARL PHILIPPE GONET
Si vous êtes confronté à :
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la SELARL PHILIPPE GONET peut :
Analyser la décision préfectorale, son contexte et les textes applicables ;
Vérifier si des circonstances nouvelles (santé, famille, durée de séjour, emploi…) permettent de solliciter l’abrogation de l’OQTF ;
Préparer un recours pour excès de pouvoir contre le refus d’abrogation de l’OQTF, en soulevant notamment :
l’absence ou l’insuffisance de motivation,
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